SCÈNE III.

MACKER, DORANTE, GOTERNITZ.

MACKER.

Ah ! voici ce prisonnier que j’ai en garde. Il faut que je le prévienne sur la façon dont il doit se conduire avec ma future ; car ces Français, qui, dit-on, se soucient si peu de leurs femmes, sont des plus accommodants avec celles d’autrui : mais je ne veux point chez moi de ce commerce-là, et je prétends du moins que mes enfants soient de mon pays.

GOTERNITZ.

Vous avez là d’étranges opinions de ma fille.

MACKER.

Mon Dieu ! pas si étranges. Je pense que la mienne la vaut bien ; et si… Brisons là-dessus… Seigneur Dorante !

DORANTE.

Monsieur ?

MACKER.

Savez-vous que je me marie ?

DORANTE.

Que m’importe ?

MACKER.

C’est qu’il m’importe à moi que vous appreniez que je ne suis pas d’avis que ma femme vive à la française.

DORANTE.

Tant pis pour elle.

MACKER.

Eh ! oui, mais tant mieux pour moi.

DORANTE.

Je n’en sais rien.

MACKER.

Oh ! nous ne demandons pas votre opinion là-dessus : je vous avertis seulement que je souhaite de ne vous trouver jamais avec elle, et que vous évitiez de me donner à cet égard des ombrages sur sa conduite.

DORANTE.

Cela est trop juste et vous serez satisfait.

MACKER.

Ah ! le voilà complaisant une fois, quel miracle !

DORANTE.

Mais je compte que vous y contribuerez de votre côté autant qu’il sera nécessaire.

MACKER.

Oh ! sans doute, et j’aurai soin d’ordonner à ma femme de vous éviter en toute occasion.

DORANTE.

M’éviter ! gardez-vous-en bien. Ce n’est pas ce que je veux dire.

MACKER.

Comment ?

DORANTE.

C’est vous, au contraire, qui devez éviter de vous apercevoir du temps que je passerai auprès d’elle. Je ne lui rendrai des soins que le plus discrètement qu’il me sera possible ; et vous, en mari prudent, vous n’en verrez que ce qu’il vous plaira.

MACKER.

Comment diable ! vous vous moquez ; et ce n’est pas là mon compte.

DORANTE.

C’est pourtant tout ce que je puis vous promettre, et c’est même tout ce que vous m’avez demandé.

MACKER.

Parbleu ! celui-là me passe ; il faut être bien endiablé après les femmes d’autrui pour tenir un tel langage à la barbe des maris.

Share on Twitter Share on Facebook