GOTERNITZ.
En vérité, seigneur Macker, vos discours me font pitié, et votre colère me fait rire. Quelle réponse vouliez-vous que fît monsieur à une exhortation aussi ridicule que la vôtre ? La preuve de la pureté de ses intentions est le langage même qu’il vous tient : s’il voulait vous tromper, vous prendrait-il pour son confident ?
MACKER.
Je me moque de cela ; fou qui s’y fie. Je ne veux point qu’il fréquente ma femme, et j’y mettrai bon ordre.
DORANTE.
À la bonne heure ; mais, comme je suis votre prisonnier et non pas votre esclave, vous ne trouverez pas mauvais que je m’acquitte avec elle, en toute occasion, des devoirs de politesse que mon sexe doit au sien.
HACKER.
Eh, morbleu ! tant de politesse pour la femme ne tendent qu’à faire affront au mari. Cela me met dans des impatiences… Nous verrons… nous verrons… Vous êtes méchant, monsieur le Français ; oh ! parbleu ! je le serai plus que vous.
DORANTE.
À la maison, cela peut être ; mais j’ai peine à croire que vous le soyez fort à la guerre.
GOTERNITZ.
Tout doux, seigneur Dorante ; il est d’une nation…
DORANTE.
Oui, quoique la vraie valeur soit inséparable de la générosité ; je sais, malgré la cruauté de la vôtre, en estimer la bravoure. Mais cela le met-il en droit d’insulter un soldat qui n’a cédé qu’au nombre, et qui, je pense, a montré assez de courage pour devoir être respecté, même dans sa disgrâce !
GOTERNITZ.
Vous avez raison. Les lauriers ne sont pas moins le prix du courage que de la victoire. Nous-mêmes, depuis que nous cédons aux armes triomphantes de votre roi, nous ne nous en tenons pas moins glorieux, puisque la même valeur qu’il emploie à nous attaquer montre la nôtre à nous défendre. Mais voici Sophie.