CHAPITRE IV.

« L’heure est sonnée, où donc est le coupable ? »

KELPIE.

Le jour que le malheureux Porteous devait subir sa sentence, le lieu de l’exécution, quelque spacieux qu’il fût, était rempli au point qu’on y étouffait. Il n’existait pas une fenêtre qui ne fût garnie d’un triple rang de spectateurs, dans tous les bâtimens qui en forment la circonférence, et dans ceux de la rue étroite de Bow, par laquelle la procession fatale devait passer en descendant de High-Street. L’élévation et la forme antique de ces maisons, dont quelques unes, ayant appartenu aux Templiers et aux chevaliers de Saint-Jean, offraient encore sur leur façade et leurs pignons la croix de fer de ces ordres, ajoutaient un nouvel effet à une scène si frappante par elle-même. La place de Grassmarket ressemblait à un grand lac couvert de têtes humaines, au milieu duquel s’élevait le long poteau noir et sinistre d’où pendait la corde fatale. L’intérêt qu’inspire un objet est proportionné à l’usage qu’il doit avoir et aux idées qu’il rappelle : une pièce de bois élevée en l’air et un bout de corde, choses si simples en elles-mêmes, étaient en cette occasion les causes d’une espèce de terreur solennelle.

Le plus grand silence régnait dans une assemblée si nombreuse : si quelqu’un parlait, c’était à voix basse. La soif de la vengeance était devenue moins ardente par la certitude qu’on croyait avoir qu’elle allait être apaisée. La populace même, sans cesser d’être implacable, s’abstenait de toutes clameurs, et semblait disposée à jouir en silence et avec plus de modération que de coutume de la vue des terribles représailles qui allaient être exercées contre le criminel. On aurait dit que sa haine dédaignait de se montrer avec l’expression bruyante de ses sentimens habituels. Un étranger qui n’aurait consulté que le témoignage de ses oreilles, aurait cru que cette multitude immense était réunie pour une cause qui l’affectait de douleur et de regret, et qui remplaçait par un morne silence le tumulte qu’on entend toujours dans de semblables réunions ; mais s’il s’en était rapporté à l’évidence de ses yeux, – le froncement des sourcils, les lèvres comprimées, les yeux ardens de colère de chaque spectateur, lui auraient appris qu’ils n’étaient là que pour se repaître d’un spectacle de vengeance. Peut-être la vue du criminel aurait-elle changé les dispositions du peuple ; peut-être aurait-il pardonné, en le voyant mourir, à l’homme contre lequel il nourrissait un si cruel ressentiment ; mais l’instabilité de ces sentimens ne devait pas être mise à cette épreuve.

L’heure indiquée pour l’exécution était déjà passée depuis quelque temps, et cependant le condamné n’arrivait point. – Oserait-on manquer à la justice publique ? se demandait-on de toutes parts, et la première réponse fut : On ne l’oserait. Cependant, en y réfléchissant mieux, on trouva des motifs de doute. Porteous avait toujours été le favori des magistrats, qui n’étaient pas fâchés de trouver un certain degré d’énergie dans les fonctionnaires qu’ils employaient. On se rappela que dans la défense de Porteous on avait fait valoir que c’était un homme sur lequel on pouvait toujours compter dans les occasions qui exigeaient de la force et de la résolution ; qu’on avait prétendu que sa conduite lors de l’exécution de Wilson ne devait être attribuée qu’à un excès de zèle imprudent pour assurer l’exécution des lois. Et si ces considérations pouvaient faire voir aux magistrats l’affaire de Porteous sous un jour favorable, ils n’en manqueraient pas d’autres pour le servir auprès du gouvernement.

La populace d’Édimbourg, quand elle se soulève, est la plus formidable de l’Europe. Elle s’était insurgée à plusieurs reprises, depuis quelques années, contre le gouvernement, et souvent même avec succès. Le peuple savait donc qu’il n’était pas en bonne odeur à la cour, et que si elle n’approuvait pas tout-à-fait la conduite du capitaine Porteous, elle pouvait craindre, en la punissant de la peine capitale, de rendre les officiers publics de cette ville à l’avenir moins fermes et moins zélés pour réprimer toute tentative de sédition. On sentait aussi que tout gouvernement a une tendance naturelle à soutenir les autorités qui émanent de lui, et il n’était pas impossible que ce qui paraissait aux parens et aux amis de ceux qui avaient été victimes des ordres sanguinaires du capitaine, un attentat abominable, un meurtre sans provocation, fût considéré sous un autre point de vue dans le cabinet de Saint-James. On pouvait y représenter que Porteous était dans l’exercice d’une fonction à lui confiée par une autorité légale ; enfin qu’assailli, ainsi que sa troupe, par la populace, obligé de repousser la force par la force, il n’avait agi que par le principe d’une défense personnelle et en accomplissant son devoir.

Ces considérations, très puissantes en elles-mêmes, finirent par faire penser qu’il pouvait bien avoir obtenu sa grâce. Aux différens motifs qui pouvaient avoir contribué à intéresser en sa faveur le gouvernement, les derniers rangs du peuple en ajoutaient un autre qui n’était pas le moins important à leurs yeux. On disait que, tandis qu’il punissait avec la dernière sévérité les moindres écarts du pauvre, non seulement il fermait les yeux sur la licence des jeunes nobles et des riches, mais qu’il les favorisait encore de toute son autorité.

Ce soupçon, peut-être fort exagéré, fit une profonde impression sur l’esprit de la populace, et comme plusieurs personnes de la haute classe avaient signé une pétition pour recommander Porteous à la clémence du roi, on supposa qu’elles avaient agi non dans la conviction qu’il fût injustement condamné, mais par crainte de perdre un complice commode de leurs désordres. On pense bien que cette idée ne put qu’augmenter la haine du peuple pour le coupable, et sa crainte de le voir échapper à la sentence prononcée contre lui.

Pendant que ces questions se discutaient ainsi parmi le peuple, le sombre silence qui avait régné jusqu’alors avait fait place à ce murmure sourd qui est, sur l’Océan, le précurseur d’une tempête ; et cette foule naguère si tranquille offrait à présent la même agitation que les flots de la mer avant que les vents se soient déchaînés. Enfin la nouvelle que les magistrats avaient presque hésité à rendre publique fut annoncée, et se répandit parmi les spectateurs avec la rapidité de l’éclair. On venait de recevoir un ordre signé par le duc de Newcastle, secrétaire d’état, portant que la reine Caroline, régente du royaume pendant que George II était sur le continent, avait ordonné qu’il fût sursis à l’exécution de John Porteous pendant six semaines, à compter du jour fixé pour son exécution.

Alors des cris horribles d’indignation et de rage éclatèrent de toutes parts, semblables aux rugissemens d’un tigre que son gardien prive de sa proie au moment où il allait la dévorer. Cette terrible clameur semblait le présage d’une explosion soudaine de la fureur populaire, et les magistrats, qui s’y attendaient, avaient pris les mesures nécessaires pour la réprimer. Mais ces cris ne furent pas répétés, et il ne s’ensuivit nullement le tumulte qu’ils avaient annoncé. Le peuple parut comme honteux d’avoir exprimé sa colère par une vaine clameur. Le silence qui avait précédé l’arrivée de cette nouvelle outrageante pour lui fut remplacé par les murmures étouffés de chaque groupe, qui s’élevaient comme un bruit sourd au-dessus de l’assemblée. Cependant la populace, au lieu de se séparer, resta immobile, les yeux fixés sur l’appareil inutile du supplice, et excitant ses ressentimens en rappelant les droits que Wilson aurait eus à la clémence royale, si l’on avait fait valoir l’erreur qui l’avait entraîné, et sa générosité envers son complice.

– Cet homme, disait-on, si brave, si résolu, si généreux, a été exécuté pour avoir volé une somme qu’il pouvait en quelque sorte regarder comme un recouvrement, et l’on fait grâce à un scélérat qui a profité d’un léger tumulte inséparable d’un semblable événement pour répandre le sang de vingt de ses concitoyens ! cela peut-il se souffrir ? nos pères l’auraient-ils souffert ? ne sommes-nous pas comme eux Écossais, citoyens d’Édimbourg ?

Les officiers de justice commencèrent alors à enlever l’échafaud, dans l’espoir de décider par là le peuple à se disperser plus vite. En effet, dès qu’on vit tomber le fatal gibet, la populace, après avoir exprimé par une nouvelle clameur sa rage et sa mortification, se sépara peu à peu, et chacun retourna à ses occupations et à sa demeure.

Les fenêtres se dégarnirent de même insensiblement, et il se forma bientôt de nouveaux groupes de la classe plus aisée des citoyens, qui semblaient attendre pour rentrer chez eux que les rues fussent plus libres. Contre l’usage presque général, ces personnes étaient presque toutes de la même opinion que leurs inférieurs, dont ils considéraient la cause comme celle de tous les rangs. En effet, comme nous l’avons dit, ce n’était nullement parmi la dernière classe des spectateurs ou parmi ceux qui avaient eu part à l’émeute lors de l’exécution de Wilson, que les soldats de Porteous avaient fait des victimes. Plusieurs personnes avaient été tuées aux fenêtres. Aussi les bourgeois, jaloux et fiers de leurs droits comme le furent toujours les citoyens d’Édimbourg, étaient très exaspérés du sursis inattendu accordé à Porteous.

On remarqua en ce moment, et l’on se souvint encore mieux par la suite, que tandis que le peuple se dispersait, divers individus couraient de groupe en groupe, ne s’arrêtant long-temps nulle part, mais disant quelques mots à ceux qui déclamaient avec le plus de violence contre la conduite du gouvernement. Ces hommes si actifs avaient l’air d’être des paysans, et par conséquent pouvaient passer pour d’anciens associés de Wilson, qui n’étaient pas les moins animés contre le capitaine Porteous.

Si pourtant leur intention était d’exciter une insurrection parmi le peuple, ils n’y réussirent pas, au moins pour le moment. Les spectateurs se dispersèrent paisiblement, et ce n’était qu’en voyant l’indignation peinte sur leurs physionomies, et en écoutant leurs discours, qu’on pouvait juger de leur mécontentement. Pour en donner une idée au lecteur, nous allons rapporter la conversation de quelques personnes qui gravissaient péniblement la rue montante de West-Bow pour retourner à leur domicile dans Lawnmarket.

– N’est-il pas abominable, ma voisine, disait le vieux Plumdamas, marchand épicier, à mistress Howden, marchande de modes, en lui offrant le bras, de voir les gens en place à Londres contrevenir aux lois et à l’Évangile en lâchant un réprouvé comme ce Porteous contre une ville paisible ?

– Et de penser à tout le chemin qu’ils nous ont fait faire pour rien ! dit mistress Howden en gémissant. J’avais une si bonne place à une fenêtre juste au-dessus de l’échafaud ! Et il m’en coûte douze sous, mon voisin !

– Je crois, reprit M. Plumdamas, que ce sursis n’aurait pu avoir lieu sous les anciennes lois de l’Écosse, quand le royaume était un royaume.

– Je ne connais pas beaucoup les lois, mon voisin ; mais je sais que quand nous avions un roi, un chancelier et un parlement à nous, on pouvait leur jeter des pierres s’ils ne se conduisaient pas en bons garçons ; mais qui a les ongles assez longs pour atteindre jusqu’à Londres ?

– Ne me parlez pas de Londres ni de ce qui en vient, s’écria miss Grizell Damahoy, vieille couturière. C’est de là qu’est venue la ruine de notre commerce. Nos gens à la mode ne croient pas aujourd’hui qu’une aiguille écossaise soit digne de coudre des manchettes à une chemise, ou de la dentelle à une cravate.

– Vous avez raison, miss Damahoy, dit Plumdamas. J’en connais qui tirent de Londres des raisins par pleines corbeilles en une fois. C’est de là que nous est venue cette armée de paresseux jaugeurs et de commis de l’excise anglais pour nous vexer et nous tourmenter, au point qu’un honnête homme ne peut porter une petite mesure d’eau-de-vie de Leith à Lawnmarket sans s’exposer à voir saisir ce qu’il a acheté et bien payé. Je ne veux pas excuser Wilson d’avoir mis la main sur ce qui n’était pas à lui ; mais enfin, s’il n’a pas pris plus qu’on ne lui avait pris, cela doit faire aux yeux de la loi une grande différence entre son cas et celui de cet autre.

– Si vous parlez des lois, dit mistress Howden, voilà M. Saddletree qui peut en parler aussi savamment qu’aucun homme de robe d’Édimbourg.

Ce M. Saddletree qu’elle nommait survint à ces mots, et offrit le bras à miss Damahoy. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, vêtu d’un habit noir fort propre, et couvert d’une perruque superbe. Il faut dire que M. Bartholin Saddletree avait la boutique la plus achalandée d’Édimbourg en fait de selles et de harnais, à l’enseigne du Cheval d’or, en entrant dans Bess-Wynd (allée d’Élisabeth) ; mais son génie (comme il le disait, et comme le pensaient la plupart de ses voisins) le portait vers la jurisprudence, et on le trouvait moins souvent dans sa boutique que dans les cours de justice de Parliament-Square et dans le voisinage, pour y suivre les plaidoiries et les jugemens. Cette assiduité aurait fait un grand tort à son commerce, s’il n’avait eu une femme laborieuse et intelligente ; mais celle-ci, en permettant à son mari de se livrer à son goût pour le barreau, avait exigé qu’il la laissât absolument maîtresse du département commercial et domestique, et elle savait mieux que personne au monde gronder ses garçons et flatter ses pratiques. M. Bartholin Saddletree avait une abondance de paroles qu’il prenait pour de l’éloquence, et qu’il prodiguait quelquefois à sa société habituelle jusqu’à faire naître l’ennui. Aussi courait-il un bruit avec lequel les plaisans interrompaient parfois sa rhétorique : on disait que s’il avait un cheval d’or à sa porte, il tenait une jument grise dans sa boutique Ce reproche engageait quelquefois M. Saddletree à élever le ton en parlant à sa chère moitié, qui lui laissait volontiers cette petite satisfaction ; mais s’il voulait exercer quelque acte d’autorité réelle, elle se mettait en insurrection ouverte : rarement avait-elle besoin d’en venir à cette extrémité, Saddletree, comme le bon roi Jacques, étant alors plus jaloux de parler autorité que de l’exercer. Heureux du reste de ce caractère ; car il devenait riche sans se donner la moindre peine, et sans interrompre ses études favorites.

Pendant que je donne au lecteur ce mot d’explication sur ce personnage, M. Bartholin Saddletree faisait avec précision l’application des lois au cas du capitaine Porteous, et il arrivait à cette conclusion « que si Porteous avait ordonné de faire feu trois minutes plus tôt, avant que la corde eût été coupée, il aurait été versans in licito, » c’est-à-dire qu’il aurait tout au plus mérité une punition légère propter excessum, pour manque de prudence, ce qui réduisait son affaire à une peine ordinaire.

– Pour manque de prudence ! s’écria mistress Howden, qui n’entendait rien à cette distinction : quand est-ce donc que le capitaine Porteous a montré de la prudence ou de bonnes manières ? – Je me rappelle que son père…

– Mistress Howden, dit l’orateur interrompu…

– Avez-vous oublié, dit miss Damahoy, que lorsque sa mère…

– Miss Damahoy, de grâce !…

– Et moi je vous dirai, dit Plumdamas, que quand sa femme…

– M. Plumdamas, mistress Howden, miss Damahoy, mais écoutez donc ma distinction ! comme dit l’avocat Crossmyloof. Je vous dis donc que, le criminel étant mort, l’exécution terminée, le capitaine Porteous n’avait plus de fonctions officielles à remplir, il n’était pas plus que cuivis ex populo .

– Quivis, M. Saddletree, quivis ! s’écria M. Butler, sous-maître d’école dans un village voisin d’Édimbourg, qui venait d’entendre ce mauvais latin.

– Pourquoi m’interrompre, M. Butler ? Ce n’est pas que je ne sois charmé de vous voir… Mais je parle d’après l’avocat Crossmyloof, et je l’ai entendu dire cuivis.

– Eh bien, l’avocat Crossmyloof mériterait de sentir la férule pour employer l’ablatif au lieu du nominatif. Il n’y a pas d’enfant des dernières classes qui ne fût châtié pour un tel solécisme.

– Je parle latin en légiste, M. Butler, et non en maître d’école.

– À peine en écolier, M. Saddletree.

– N’importe : tout ce que je veux dire, c’est que Porteous a mérité pœna extra ordinem ou la peine capitale, en bon écossais la potence, simplement parce qu’au lieu de faire faire feu quand il était en fonctions, il attendit que le corps fût descendu, que l’exécution fût terminée, et que lui-même fût dépouillé par le fait de la charge qui lui avait été confiée.

– Et vous croyez vraiment, M. Saddletree, dit Plumdamas, que si Porteous avait donné l’ordre de faire feu avant qu’on lui eût jeté des pierres, son cas aurait été meilleur ?

– Je n’en fais nul doute, voisin, je n’en fais nul doute, reprit Bartholin avec assurance ; – il était alors dans ses fonctions légales, l’exécution ne faisait que de commencer, ou du moins n’était pas finie ; mais une fois Wilson pendu, il était hors d’autorité, il n’avait plus qu’à filer avec sa garde, en remontant cette rue de West-Bow aussi vite que s’il eût été poursuivi par un arrêt ; car c’est la loi, je l’ai entendu exposer à lord Vincovincentem.

– À lord Vincovincentem ? est-ce un lord de l’État ou un lord de siége, demanda mistress Howden.

– Un lord de siége, un lord de la cour des sessions ; je n’aime guère les lords de l’État : ils m’ennuient de leurs questions sur leurs selles, leurs croupières, leurs palefreniers et leurs harnais, le prix de ce qu’ils commandent, le jour où tout sera prêt. – Oh ! ce sont de vrais oisons à cheval ; – ma femme est bonne pour les servir.

– Et de son temps elle eût servi le premier lord du royaume, quoi que vous en disiez, M. Saddletree, répondit mistress Howden un peu irritée du mépris avec lequel il citait sa commère. – Lorsqu’elle et moi nous étions jeunes filles, nous ne pensions guère être un jour les femmes de gens comme mon vieux David Howden, ou comme vous, M. Saddletree.

Pendant que Saddletree, qui n’était pas fort pour la réplique, se creusait la tête pour repousser cette attaque dirigée contre sa vie domestique, miss Damahoy s’en prit à lui à son tour.

– Quant aux lords de l’État, dit-elle, vous devriez vous souvenir des attelages du parlement, M. Saddletree, au bon temps, avant l’Union. La rente d’une année de maint bon domaine passait en harnais et autres objets d’équipement, sans compter les robes brodées, les manteaux à brocards d’or et autres objets qui étaient de mon commerce.

– Oui, dit Plumdamas , et le grand banquet ! que de confitures fraîches ou sèches, que de fruits secs de toute espèce ! mais l’Écosse alors était l’Écosse.

– Je vous dis ce qui en est, voisin, dit mistress Howden ; je ne croirai jamais que l’Écosse soit encore l’Écosse si nos bons Écossais digèrent tranquillement l’affront qu’ils viennent de recevoir. Ce n’est pas seulement le sang qui a été versé, c’est celui qui aurait pu l’être qui crie vengeance. Savez-vous que le fils de ma fille, le petit Eppie Daidle, – mon bijou, vous savez, miss Grizell, – savez-vous, dis-je, que Daidle avait fait l’école buissonnière le jour que Wilson fut pendu, comme font les enfans.

– Savez-vous ce qui devrait lui attirer une bonne correction ? dit M. Butler.

– Il était allé voir pendre Wilson, comme c’est bien naturel. Ne pouvait-il pas attraper quelque dragée comme les autres ? Je voudrais savoir ce qu’aurait dit votre reine Carline si elle avait eu un de ses enfans dans cette scène.

– Rien, probablement, répondit Butler.

– Eh bien ! si j’étais homme, je voudrais avoir vengeance de Porteous, en dépit de toutes les Carlines du monde.

– J’arracherais la porte de la prison avec mes ongles, dit miss Grizell.

– Mesdames, mesdames, dit Butler, je vous conseille de ne point parler si haut.

– De ne point parler si haut ! s’écria mistress Howden. Ah ! cela fera assez de bruit d’un bout à l’autre d’Édimbourg, du Weigh-House à Water-Port, jusqu’à ce qu’on en ait eu raison.

Les dames rentrèrent alors chacune dans son domicile. Plumdamas se réunit à M. Saddletree et à Butler pour prendre leur méridienne (un verre de brandevin), dans la taverne bien connue de Lawnmarket. Après quoi M. Plumdamas se rendit à sa boutique, et M. Butler, qui avait besoin de faire réparer une vieille courroie qui lui servait de martinet, accompagna M. Saddletree, parlant l’un des lois de l’état, et l’autre de celles de la syntaxe, sans écouter son compagnon.

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