CHAPITRE XXV.

« … J’aime ces vieilles ruines.

« Aux yeux des curieux le passé renaissant

« Y montre à chaque pas un fait intéressant

« Peut-être en cette cour, exposée au ravage

« Du temps, des élémens et d’un peuple sauvage,

« Gisent les ossemens de maint homme pieux

« Qui, sans peine oubliant ses arrière-neveux,

« Et les déshéritant pour enrichir l’Église,

« Espérait que sa tombe, à si grands frais acquise,

« Sous les voûtes du chœur, à tout évènement,

« Resterait jusqu’au jour du dernier jugement.

« Mais tout passe ici-bas, églises comme villes ;

« Elles sont, comme nous, mortelles et fragiles. »

WEBSTER, la Duchesse de Malfy.

L’église en ruines de Saint-Ninian avait joui dans son temps d’une grande célébrité ; car la superstition, qui avait jeté ses racines dans toute l’Europe, n’avait pas manqué de les étendre jusque dans cet archipel si éloigné. Les îles Shetland, dans le temps du catholicisme, avaient leurs saints, leurs chapelles, leurs reliques ; et quoiqu’on les connût fort peu dans le reste du monde, c’étaient des objets qui attiraient l’hommage et commandaient le respect des simples habitans de Thulé. Ils avaient une dévotion toute particulière pour cette église de Saint-Ninian, ou, comme on la nommait dans tout le district, de Saint-Ringan. L’origine de cette dévotion superstitieuse venait de ce que cet édifice était situé sur le bord de la mer, et servait souvent aux pêcheurs de point de reconnaissance quand ils étaient en mer sur leurs barques. La crédulité y ajoutait tant de cérémonies superstitieuses, que le clergé de la réforme crut devoir solliciter un ordre des cours ecclésiastiques pour défendre d’y célébrer le service religieux, attendu qu’il ne servait qu’à entretenir parmi des paysans grossiers et ignorans le culte des saints et autres doctrines erronées de l’Église romaine.

Quand, l’église de Saint-Ringan étant ainsi dénoncée comme un séjour d’idolâtrie, on eut rempli les formalités nécessaires pour en annuler la consécration, et pour transférer le culte public dans un autre édifice, le plomb et les solives du toit furent arrachés, et de petit bâtiment gothique, d’une structure aussi ancienne que grossière, fut abandonné et laissé à la merci des élémens. Le sol en cet endroit ressemblait beaucoup à celui d’Iarlshof dont nous avons fait la description ; et la fureur des vents qui mugissaient, sans rencontrer d’obstacle, le long de cette plaine de sables mouvans, en remplit bientôt la nef et les ailes ; du côté du nord-ouest, qui était le plus exposé au vent, les sables s’amoncelèrent contre les murs extérieurs jusqu’à moitié de leur hauteur, et la nudité effrayante de ces ruines n’était variée que par la vue des poutres découvertes de la toiture et du petit beffroi qui les couronnait.

Et cependant, tout abandonnée qu’elle était, l’église de Saint-Ringan conservait encore quelques restes des hommages qu’on lui rendait autrefois. Les pêcheurs ignorans de Dunrossness observaient une pratique dont ils avaient eux-mêmes presque oublié l’origine, et dont le clergé protestant s’efforçait en vain de les détourner. Lorsque leurs barques se trouvaient en grand danger, c’était un usage commun parmi eux de vouer une offrande à saint Ringan ; et quand le péril était passé, ils ne manquaient jamais d’accomplir ce vœu, en se rendant seuls et secrètement, à l’ancienne église. Là, ôtant leurs souliers et leurs bas à l’entrée du cimetière, ils faisaient trois fois le tour des ruines, en prenant bien garde de suivre le cours du soleil. Quand le troisième tour était terminé celui qui avait fait le vœu jetait l’offrande ordinaire d’une petite pièce d’argent, à travers les barreaux d’une fenêtre percée à l’une des ailes, après quoi il se retirait en ayant grand soin de ne pas regarder derrière lui avant d’être hors de l’enceinte de ce qui avait été autrefois un terrain consacré, car on croyait que le squelette du saint recevait l’offrande dans sa main décharnée, et montrait son épouvantable tête de mort à la fenêtre.

Dans le fait, cette scène devenait d’autant plus effrayante pour des esprits faibles et ignorans, que les mêmes tourbillons impétueux qui, d’un côté de l’église, menaçaient d’en enterrer les ruines sous le sable, en ayant déjà peu à peu amoncelé une quantité prodigieuse de manière à cacher presque entièrement la muraille avec les arcs-boutans qui la soutenaient, ils semblaient avoir le projet de découvrir la sépulture des morts qui reposaient depuis long-temps du côté du sud-est ; et après un ouragan, les cercueils, et quelquefois même les cadavres enterrés sans être placés dans des caveaux bien scellés en maçonnerie, se montraient aux yeux épouvantés des vivans.

C’était dans ce lieu, jadis consacré au culte, et devenu désert, que se rendait alors Mertoun, quoique sans aucun des sentimens religieux ou superstitieux avec lesquels on s’approchait ordinairement de l’église de Saint-Ringan. Il était complètement étranger aux craintes que la superstition faisait concevoir à presque tous les habitans du pays, et même sa vie solitaire et retirée, et le soin qu’il prenait de fuir la société des hommes quand ils se réunissaient pour adorer la Divinité dans son temple, le faisaient regarder comme un homme qui, bien loin de donner dans une crédulité excessive, tombait dans une erreur encore plus fatale en doutant des dogmes reçus et enseignés par l’Église.

En arrivant près de la petite baie où sur le rivage, à peu de distance, étaient situées les ruines, il s’arrêta un instant et ne put s’empêcher de reconnaître que ce lieu, si propre à produire une vive impression sur la pensée, avait été choisi très judicieusement pour y consacrer un édifice à la religion. Il était situé en face de la mer, dans laquelle deux promontoires, rochers noirs et lugubres qui formaient les extrémités de la baie, avançaient leurs têtes gigantesques. Sur la partie supérieure de leurs flancs, des mouettes et d’autres oiseaux de mer paraissaient comme des flocons de neige, tandis que plus bas, de longues lignes de cormorans, placés à côté les uns des autres, semblaient des soldats rangés en bataille. C’étaient les seuls êtres vivans que l’œil pût apercevoir. La mer n’était pas en ce moment soulevée par une tempête, mais les flots en étaient assez agités pour venir se briser sur ces deux caps avec un bruit semblable à celui d’un tonnerre lointain, et les vagues, soulevées en nappes écumantes jusqu’à moitié de la hauteur de ces rochers noirs comme l’ébène, formaient un contraste frappant de couleurs.

Le jour ou cette scène se présentait aux yeux de Mertoun, le ciel, entre ces deux promontoires, était couvert de nuages épais, amoncelés en si grand nombre que l’œil ne pouvait pénétrer plus avant. C’était une représentation assez fidèle de la mer dans la vision de Mirza, où son étendue est cachée par des vapeurs, des brouillards et des nuages. Le terrain, qui, à partir du rivage, s’élevait graduellement jusqu’à une hauteur considérable, ne permettait pas d’apercevoir l’intérieur du pays, et semblait dévoué à une éternelle stérilité. On n’y voyait végéter que quelques touffes d’herbe rabougrie, et cette espèce de jonc qui croît sur les terres sablonneuses. Sur une colline située en face de la baie, et qui n’était éloignée de la mer qu’autant qu’il le fallait pour ne pas avoir à en craindre les vagues, s’élevaient les ruines à demi enterrées dans le sable dont nous avons déjà fait la description, entourées par un mur tombant en poussière et auquel le temps avait fait bien des brèches, mais marquant encore l’étendue du cimetière. Les marins qu’un gros temps forçait à entrer dans cette baie prétendaient qu’on voyait quelquefois des lumières dans l’église, et cette circonstance était pour eux le présage d’une tempête ou de quelque autre accident.

Mertoun, en approchant de l’église, prit insensiblement, et peut-être sans y penser, des précautions pour éviter d’être aperçu avant qu’il fût arrivé sous les murs du cimetière. Le hasard fit qu’il y arriva du côté où le vent, chassant le sable, mettait à découvert les tombeaux des morts, comme nous l’avons déjà dit.

En regardant à travers une des brèches de la muraille, il vit la personne qu’il cherchait. Elle était occupée d’un travail qui s’accordait parfaitement avec les idées qu’on avait généralement conçues de cette femme, déjà assez extraordinaire par elle-même.

Elle était accroupie près d’un monument ancien dont un côté représentait un chevalier grossièrement sculpté, et l’autre un écu dont les armoiries étaient dégradées au point d’être méconnaissables. Cet écu était placé horizontalement ; ce qui est contraire à l’usage moderne plus commun de le placer droit. Au pied de ce monument reposait, ainsi que Mertoun l’avait entendu dire autrefois, la dépouille mortelle de Ribolt Troil, un des ancêtres de Magnus, homme devenu fameux par ses exploits et son caractère entreprenant, dans le quinzième siècle. Norna de Fitful-Head semblait travailler à découvrir cette tombe, et cette occupation n’avait rien de bien pénible, puisqu’elle n’était couverte que de sables mouvans. Il paraissait donc évident qu’elle accomplirait facilement cette tâche déjà commencée par les vents, et qu’elle mettrait bientôt au grand jour ce qui restait du guerrier enseveli. Elle accompagnait ce travail d’une chanson, car jamais les habitans du Nord ne se livraient à une pratique superstitieuse sans y joindre un chant runique. Nous n’avons peut-être conservé ici que trop de ces incantations, mais nous ne pouvons nous refuser à traduire encore celle qui suit :

Guerrier qui par plus d’un exploit

Rendis illustre ta carrière,

Il ne te reste en cet endroit

Que du sable et de la poussière.

Nul chevalier, de ton vivant,

N’eût osé toucher ton armure ;

Et maintenant une femme, un enfant,

Peut violer ta sépulture.

Je ne viens pas pour t’insulter

Sur le monument que j’entr’ouvre ;

D’ici je ne veux emporter

Qu’un morceau du plomb qui te couvre.

J’ai de ce fer armé ma main

Pour ce mystérieux ouvrage !

De l’approcher aussi près de ton sein.

Qui jadis eût eu le courage ?

Grand merci, Ribolt, grand merci,

Je te promets en récompense

Que les vents et les flots d’ici

Seront bannis par ma puissance.

C’est Norna qui te le promet,

Norna puissante et misérable ;

Et l’on verra s’accomplir ce décret,

En dépit du sort qui l’accable.

Pendant la première strophe de cette incantation Norna découvrit le cercueil de plomb qui contenait les restes du guerrier. En chantant la seconde, elle coupa un morceau de ce métal avec beaucoup de précaution et d’un air qui annonçait un recueillement religieux. Enfin, pendant la troisième, elle rejeta le sable sur le cercueil, et il ne resta plus aucune trace qui indiquât que le secret du tombeau avait été violé.

Mertoun, caché derrière le mur du cimetière, eut les yeux fixés sur cette femme pendant toute la cérémonie, non qu’il eût la moindre vénération pour elle ou pour les rites qu’elle célébrait, mais parce qu’il crut qu’interrompre une folle dans un acte de folie ne serait pas un bon moyen pour obtenir d’elle les renseignemens qu’elle pouvait lui donner. Cependant il eut tout le loisir de considérer sa taille, mais sa figure était presque entièrement cachée par ses cheveux épars, et par le capuchon d’une mante de couleur sombre ; aussi rappelait-elle l’idée d’une druidesse pendant la célébration de ses mystères. Mertoun avait souvent entendu parler de Norna ; il est même probable qu’il avait déjà pu la voir plusieurs fois dans les environs d’Iarlshof depuis qu’il y demeurait. Mais les histoires absurdes qui circulaient sur son compte l’empêchaient d’accorder aucune attention à une femme qu’il regardait comme attaquée de folie ou coupable d’imposture, ou peut-être même folle et fourbe à la fois. Mais en ce moment où les circonstances le forçaient à lui donner plus d’attention, il ne put s’empêcher de convenir qu’elle était sincèrement enthousiaste, ou qu’elle jouait son rôle si admirablement, qu’aucune pythonisse ancienne n’aurait pu la surpasser. Son air de dignité quand elle se leva, la solennité de tous ses gestes, l’accent sonore et expressif de sa voix quand elle s’adressait au guerrier dont elle osait troubler les dépouilles mortelles, ne pouvaient manquer de faire impression sur M. Mertoun, quelque indifférence qu’il montrât en général pour tout ce qui se passait autour de lui. Mais elle n’eut pas plus tôt terminé sa singulière occupation, qu’entrant dans le cimetière, en passant non sans difficulté par-dessus les débris de la muraille, il se montra aux yeux de Norna. Bien loin de tressaillir, ou de témoigner la moindre surprise en voyant paraître quelqu’un dans un endroit si solitaire, elle lui dit d’un ton qui semblait annoncer qu’elle l’attendait : – Ainsi donc vous m’avez cherchée à la fin ?

– Et je vous ai trouvée, – répondit Mertoun, jugeant que le meilleur moyen d’arriver aux questions qu’il voulait lui faire était de lui répondre sur le même ton qu’elle venait de prendre.

– Oui, dit-elle, vous m’avez trouvée, et dans l’endroit où tous les hommes doivent se retrouver, au milieu des tabernacles des morts.

– Il est bien vrai, répliqua Mertoun en jetant les yeux sur cette scène de désolation où les principaux objets qui frappaient ses regards étaient des pierres sépulcrale, les unes à demi cachées par le sable, les autres arrachées par la violence du vent, de l’endroit qu’elles étaient destinées à couvrir, et sur la plupart desquelles on avait gravé des inscriptions ou sculpté des emblèmes de mortalité. – Il est bien vrai, c’est ici le rendez-vous général des hommes. Heureux ceux qui entrent le plus tôt dans un port si paisible !

– Celui qui ose désirer d’entrer dans ce port, reprit Norna, doit avoir bien gouverné sa barque dans le voyage de la vie. Je n’ose m’attendre à le trouver si paisible. Et toi, oses-tu l’espérer ? La route que tu as suivie t’en donne-t-elle le droit ?

– Ce n’est pas ce dont il s’agit en ce moment. Je viens vous demander si vous pouvez me donner quelques nouvelles de mon fils Mordaunt ?

– Un père demande à une étrangère si elle peut lui donner des nouvelles de son enfant ! Et comment en saurais-je ? Le cormoran demande-t-il au héron : – Où sont mes petits ?

– Mettez de côté cette inutile affectation de mystère, elle peut produire de l’effet sur le vulgaire, mais avec moi c’est peine perdue. On m’a dit à Iarlshof que vous savez ou que vous pouvez savoir ce qu’est devenu Mordaunt Mertoun, qui n’est pas revenu chez moi après la célébration de la fête de saint Jean-Baptiste chez votre parent Magnus Troil. Dites-moi ce que vous en savez, si toutefois vous en savez quelque chose, et je vous récompenserai aussi bien que mes moyens me le permettront.

– L’univers ne contient rien qui mérite à mes yeux le nom de récompense pour une parole que je perdrais en la faisant entendre à l’oreille d’un mortel. Mais quant à ton fils, si tu veux le revoir vivant, rends-toi à la foire de Kirkwall dans les Orcades.

– Et pourquoi m’y rendrais-je ? je sais qu’il n’avait pas dessein d’aller de ce côté.

– Nous suivons le courant du destin sans rame et sans gouvernail. Vous n’aviez pas dessein ce matin de venir dans l’église de Saint-Ringan, et cependant vous y voici. Vous n’aviez pas le dessein, il y a une minute, d’aller à la foire de Kirkwall, et cependant vous en ferez le voyage.

– Je ne le ferai pas, à moins que vous ne m’en expliquiez plus clairement le motif. Ne pensez pas que je sois du nombre de ceux qui vous croient douée de pouvoirs surnaturels.

– Vous le croirez avant que nous nous séparions. Vous ne me connaissez guère, quant à présent, et vous ne me connaîtrez pas davantage. Mais je vous connais bien, et je pourrais vous en convaincre en prononçant un seul mot.

– Prononcez-le donc, car, à moins que je ne sois convaincu, il n’y a pas d’apparence que je suive vos conseils.

– Écoutez donc bien ce que j’ai à vous dire relativement à votre fils ; sans quoi ce que j’ai à vous dire relativement à vous-même bannira de votre mémoire toute autre pensée. Vous irez à la foire qui va avoir lieu à Kirkwall, et le cinquième jour, à l’heure de midi, vous entrerez dans l’aile gauche de la cathédrale de Saint-Magnus. Là vous trouverez une personne qui vous donnera des nouvelles de votre fils.

– Il faut me parler plus clairement, dit Mertoun avec le ton du mépris, si vous voulez que je suive vos avis. Je me suis, dans ma jeunesse, plus d’une fois laissé tromper par les femmes, mais jamais aussi grossièrement que vous paraissez vouloir le faire.

– Écoute-moi donc, s’écria la vieille sibylle, le mot que je vais prononcer concerne le secret le plus important de ta vie. Il fera tressaillir tous tes nerfs, et pénètrera jusqu’à la moelle de tes os.

Elle se pencha vers lui, et lui dit à l’oreille un mot qui parut produire un effet magique. Mertoun resta immobile de surprise, tandis que Norna, étendant le bras d’un air de triomphe et de supériorité, se retira, et tournant le coin d’une vieille muraille disparut au milieu des ruines.

Mertoun n’essaya point de suivre ses traces. – C’est en vain que nous voulons fuir notre destinée ! dit-il en reprenant sa présence d’esprit, et il sortit des ruines et du cimetière. Lorsqu’il arriva sur une élévation d’où il pouvait encore voir l’église, il se retourna pour y jeter un dernier coup d’œil, et aperçut Norna sur le sommet de la vieille tour, enveloppée de sa mante et agitant en l’air quelque chose qui ressemblait à un pavillon blanc. Une sensation d’horreur, semblable à celle qu’avaient fait naître en lui ses dernières paroles, lui glaça une seconde fois les sens, et il marcha avec une rapidité qui ne lui était pas ordinaire, jusqu’à ce qu’il eût laissé bien loin derrière lui l’église de Saint-Ringan et sa baie de sable.

Lorsqu’il arriva à Iarlshof, il s’était opéré un tel changement dans tous ses traits, que Swertha présuma qu’il allait tomber dans un de ces accès de mélancolie qu’elle nommait son heure noire.

– Et ne fallait-il pas s’y attendre pensa-t-elle, puisqu’il a osé aller trouver Norna de Fitful-Head quand elle était dans l’église de Saint-Ringan, séjour de tant d’esprits de toute espèce ?

Cependant sans montrer d’autres symptômes d’aliénation qu’une mélancolie sombre et profonde, son maître l’informa de son projet d’aller à la foire de Kirkwall, projet si contraire à toutes ses habitudes, que la femme de charge eut peine à en croire ses oreilles. Peu de temps après il apprit, avec un air d’indifférence, que de tous ceux qui étaient partis pour aller, par terre et par mer, chercher des nouvelles de Mordaunt, pas un seul n’en avait pu obtenir. Le calme qu’il montra en apprenant le manque de succès de leurs recherches acheva de convaincre Swertha que, dans son entrevue avec Norna, la sibylle qu’il était allé consulter lui avait prédit que leurs efforts n’auraient pas d’autre résultat.

Les habitans du village furent encore bien plus surpris quand ils virent M. Mertoun, comme poussé par une résolution soudaine, faire ses préparatifs pour aller à Kirkwall pendant la foire, quoiqu’il eût soigneusement évité jusqu’alors tous les lieux de réunion publique. En vain Swertha fit tous ses efforts pour pénétrer ce mystère, elle ne put en venir à bout, et elle en conçut de nouvelles inquiétudes sur le destin de son jeune maître. Cependant son chagrin s’adoucit un peu à la vue d’une somme d’argent que son maître lui remit entre les mains, et qui quoique modique en elle-même, lui parut un trésor. Il l’informa en même temps qu’il avait loué, pour se rendre à Kirkwall, une petite barque appartenant au propriétaire de l’île de Mousa.

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