CHAPITRE XXVIII.

« Rendez votre maison, madame,

« Rendez votre maison à moi. »

EDOR DE GORDON.

Morton venait de mettre au net le projet des conditions de paix qu’il avait arrêté avec Poundtext, et il allait prendre quelques instans de repos, quand il entendit frapper à la porte.

– Entrez, dit-il ; et au même instant Cuddy Headrigg, entr’ouvrant la porte, passa sa grosse tête dans la chambre.

– Entrez donc, répéta Morton. Que me voulez-vous ? Y a-t-il quelque sujet d’alarme ?

– Non, M. Henry, mais je vous amène quelqu’un qui désire vous parler.

– Et qui donc, Cuddy ?

– Une de vos anciennes connaissances. Et, ouvrant tout-à-fait la porte, il fit avancer une femme dont la figure était cachée par son plaid. – Venez, venez : faut-il être honteuse ainsi ? on dirait que vous ne connaissez pas M. Henry. En même temps, tirant son plaid, il fit voir à son maître les traits de Jenny Dennison, que celui-ci reconnut aussitôt. – Hé bien, mistress, parlez donc : dites à M. Henry ce que vous vouliez dire à lord Evandale.

– Qu’est-ce que je voulais dire à M. Morton, répondit Jenny, lorsque j’allai le visiter quand il était prisonnier au château ? Ne peut-on pas désirer de voir ses amis dans l’affliction, sans avoir rien de particulier à leur dire, gros mangeur de soupe ?

Jenny fit cette réplique avec sa volubilité ordinaire ; mais la voix lui manquait, ses joues étaient pâles, des pleurs roulaient dans ses yeux, ses mains tremblaient, et toute sa personne offrait des marques d’une agitation extraordinaire.

– Qu’avez-vous donc, Jenny ? en quoi puis-je vous servir ? Je n’ai pas oublié que je vous ai plus d’une obligation ; et, s’il m’est possible de vous être utile, vous ne devez pas craindre un refus.

– Grand merci, M. Morton ; je sais que vous avez toujours été compatissant, quoiqu’on dise que vous êtes bien changé maintenant.

– Et que dit-on de moi, Jenny ?

– On dit que vous et les presbytériens vous avez juré de renverser le roi Charles de son trône, et que ni lui ni ses descendans, de génération en génération, ne s’y rassiéront jamais ; et John Gudyil ajoute que vous détruirez les orgues des églises, et que vous ferez brûler par la main du bourreau le livre des bons protestans, comme on brûla le Covenant au retour du roi.

– Mes amis de Tillietudlem se pressent trop de me mal juger, répondit Morton. Je ne demande que la liberté de conscience pour nous, sans vouloir la ravir aux autres. Quant aux habitans du château, tout mon désir est de trouver l’occasion de leur prouver que j’ai toujours pour eux les mêmes sentimens, la même amitié.

– Dieu vous récompense de parler ainsi ! dit Jenny en fondant en larmes ; mais ils n’auront bientôt plus besoin de l’amitié de personne, car ils meurent de faim, faute de provisions.

– Serait-il possible ? s’écria Morton. Je croyais bien qu’on n’y était pas dans l’abondance, mais non dans la famine ! Est-il possible ? Les dames et le major… ?

– Ont souffert tout comme nous, répondit Jenny ; ils ont partagé avec nous jusqu’au dernier morceau. Oh ! mes pauvres yeux voient cinquante couleurs tant je me sens faible, et j’ai la tête si pleine de vertiges que je ne puis me tenir sur mes jambes.

La maigreur des joues de la pauvre fille prouvait qu’elle n’exagérait pas.

– Asseyez-vous ! s’écria Morton en la forçant à prendre la seule chaise qui se trouvât dans le lieu où ils étaient. Et parcourant la chambre à grands pas comme hors de lui-même : Aurais-je pu le croire ? s’écria-t-il. – Cœur froid ! fanatique cruel, lâche menteur ! Cuddy, allez chercher des alimens, du vin, tout ce que vous pourrez trouver.

– Du vin ? dit Cuddy entre ses dents : un verre de whisky sera assez bon pour elle. On n’aurait pas cru qu’il y eût au château une telle disette de provisions, à la voir me jeter sur la tête des marmites de soupe bouillante.

Quelque faible et quelque chagrine que fût Jenny, elle ne put s’empêcher de rire de cette allusion à son exploit, mais sa faiblesse transforma presque aussitôt ce rire en un ricanement convulsif. – Accablé de son état et réfléchissant avec horreur à l’extrême détresse de ceux qui habitaient le château, Morton réitéra ses ordres à Headrigg, d’un ton qui n’admettait pas de réplique ; et quand il fut parti : – Je présume, dit-il à Jenny, que c’est par ordre de votre maîtresse que vous êtes venue ici pour tâcher de voir lord Evandale ? Que désire-t-elle ? ses souhaits seront des ordres pour moi.

Jenny parut réfléchir un instant : – Vous êtes un si ancien ami, M. Morton, lui dit-elle enfin, qu’il faut que j’aie confiance en vous et que je vous dise la vérité.

– Soyez bien sûre, Jenny, dit Morton, voyant qu’elle hésitait encore, que le meilleur moyen de servir votre maîtresse est de me parler avec franchise.

– Hé bien donc, lui dit-elle, vous savez déjà que nous mourons de faim depuis huit jours. Le major jure tous les matins qu’il attend du secours dans la journée, et qu’il ne rendra le château qu’après avoir mangé ses vieilles bottes, et vous devez vous souvenir que les semelles en sont épaisses. Les dragons, après la vie qu’ils ont été si long-temps accoutumés à mener, ne se soucient pas de jeûner, encore moins de mourir de faim. Depuis que lord Evandale est prisonnier, ils n’écoutent plus personne, et je sais qu’Inglis a le projet de livrer le château à Burley, avec les dames et le major par-dessus le marché, s’il peut obtenir la vie sauve pour lui et pour ses soldats.

– Les coquins ! s’écria Morton : et pourquoi n’en demandaient-ils pas autant pour tous ceux qui sont dans le château ?

– C’est qu’ils ont peur de ne pas même obtenir quartier pour eux-mêmes, tant ils ont fait de mal dans le pays. Burley en a déjà fait pendre un ou deux. – De sorte qu’ils songent à tirer leurs têtes du collier aux dépens des honnêtes gens.

– Et vous veniez faire part à lord Evandale de cette fâcheuse nouvelle ?

– Oui, M. Henry. Holliday m’a tout conté, et m’a aidée à sortir du château pour que je vinsse en informer lord Evandale, si je pouvais réussir à le voir.

– Mais que peut-il pour vous, étant prisonnier ?

– Cela est vrai… Mais il peut faire des conditions pour nous… Il peut nous donner quelques bons avis… Il peut envoyer des ordres à ses dragons… Il peut…

– S’évader de prison, dit Morton en souriant, si vous trouvez la possibilité de lui en faciliter les moyens.

– Quand cela serait, dit Jenny avec fermeté, ce ne serait pas la première fois que j’aurais tâché d’être utile à un malheureux prisonnier.

– Je le sais, Jenny : je ne me pardonnerais pas de l’avoir oublié. Mais voici Cuddy qui arrive avec des rafraîchissemens. Prenez quelque nourriture, et je me charge de votre commission pour lord Evandale.

– Il faut que vous sachiez, M. Henry, dit Cuddy en arrivant, que cette maligne pièce, cette Jenny Dennison, cherchait à gagner Tom Rand, le garçon meunier, qui est de faction à la porte de lord Evandale, pour obtenir la permission de le voir, mais elle ne savait pas que j’étais derrière ses talons.

– Et vous m’avez fait une fière peur quand vous m’avez arrêtée, dit Jenny en lui donnant une chiquenaude sur l’oreille : si vous n’aviez pas été une vieille connaissance, mauvais sujet…

Cuddy, un peu radouci, regarda en souriant sa rusée maîtresse, pendant que Morton prit son épée sous le bras, et, s’enveloppant de son manteau, se rendit à la maison où lord Evandale était détenu.

– Y a-t-il du nouveau ? demanda-t-il aux sentinelles en arrivant.

– Rien d’extraordinaire, dit l’un d’eux, si ce n’est la jeune fille que Cuddy a arrêtée, et deux messagers que Burley vient d’envoyer à Kettledrummle et à Macbriar, qui battent leur tambour d’église depuis cet endroit-ci jusqu’à Hamilton.

– C’est sans doute, dit Morton en affectant un air d’indifférence, pour les engager à revenir au camp.

– C’est ce qu’on m’a dit, répondit la sentinelle, qui avait causé avec les messagers.

– Burley, pensa Morton en lui-même, veut s’assurer la majorité dans le conseil, afin de faire sanctionner tous les actes de cruauté qu’il lui plaira de commettre. Allons, il me faut me hâter, ou l’occasion est perdue.

En entrant dans la chambre où l’on avait mis lord Evandale, il le trouva chargé de fers, et couché sur un lit de bourre. Evandale se souleva dès qu’il entendit entrer Morton, et offrit à ses yeux des traits tellement changés par la perte de sang que lui avaient causée ses blessures, et par le défaut de nourriture et de sommeil, qu’on aurait eu peine à reconnaître en lui le jeune officier plein de vigueur et de santé qui avait si vaillamment combattu à l’affaire de Loudon-Hill. Une lampe éclairait sa chambre : il reconnut Morton, et témoigna quelque surprise.

– Je suis désespéré de vous voir ainsi, milord, lui dit Henry.

– On dit, M. Morton, répondit le prisonnier, que vous aimez la poésie : en ce cas vous devez vous rappeler ces vers :

De lourds verrous et des murs bien épais

Rendent-ils seuls un cachot redoutable ?

Pour le captif que l’injustice accable,

C’est l’ermitage où son âme est en paix.

Au surplus, quand mon emprisonnement paraîtrait plus insupportable, c’est un mal bien court, puisque je dois en être délivré demain matin.

– Par la mort ? s’écria Henry.

– Sans doute. Je n’ai pas d’autre espérance. Votre collègue Burley me l’a fait annoncer ; et, comme il a déjà trempé ses mains dans le sang de plusieurs de mes soldats dont l’obscurité devait être la sauvegarde, moi qui n’ai pas les mêmes droits à sa clémence, je ne dois pas croire qu’il veuille épargner mes jours.

– Mais le major Bellenden peut rendre le château pour vous sauver la vie.

– Il n’en fera rien tant qu’il aura un homme pour défendre la place, et qu’il pourra lui donner de quoi l’empêcher de mourir de faim. Je connais sa résolution à cet égard ; elle est digne de lui, et je serais fâché qu’il en changeât à cause de moi.

Morton se hâta alors de l’informer de l’insubordination des dragons, et de leur projet de livrer à l’ennemi le château, le major et les dames.

Lord Evandale pouvait à peine le croire. Revenu de sa surprise, il parut vivement affecté. – Que faire ? dit-il ; comment prévenir un tel malheur ?

– Écoutez-moi, milord, dit Morton ; j’ai cru que vous vous chargeriez sans répugnance d’être porteur de la branche d’olivier entre notre maître, le roi Charles II, et cette partie de ses sujets à qui la nécessité et non l’amour de la révolte a mis les armes à la main.

– Vous rendez justice à mes sentimens ; mais à quoi tend ce discours ?

– Permettez-moi de continuer, milord. Je vais vous faire mettre en liberté sur-le-champ, et vous renvoyer au château, sous condition qu’il me sera rendu à l’instant même. En agissant ainsi, vous ne ferez que céder à la nécessité. Comment pourriez-vous le défendre plus long-temps, sans vivres, et avec une garnison insubordonnée ? Vous aurez un sauf-conduit pour vous et pour tous ceux qui voudront vous suivre, pour vous rendre soit à Édimbourg, soit partout où se trouvera le duc de Monmouth. Ceux qui refuseront de vous accompagner n’auront à accuser qu’eux-mêmes du sort qui pourra les atteindre. La seule chose que j’exige de vous, c’est votre parole de présenter au duc cette humble pétition qui contient nos justes remontrances ; et si l’on nous accorde ce que nous demandons, je réponds sur ma tête que la presque totalité des insurgés mettra bas les armes sur-le-champ.

– M. Morton, dit lord Evandale après avoir lu avec attention l’écrit qu’il venait de recevoir, je ne vois pas qu’on puisse faire de sérieuses objections contre de pareilles demandes. Je crois même qu’elles sont conformes aux sentimens particuliers du duc de Monmouth. Mais je dois vous parler avec franchise. Je vous dirai donc que je ne crois pas qu’elles vous soient accordées, à moins que vous ne commenciez par déposer les armes.

– Ce serait convenir que nous n’avions pas le droit de les prendre, répliqua Morton ; c’est ce que nous ne ferons jamais.

– Hé bien, dit lord Evandale, je prévois que c’est contre cet écueil qu’échouera la négociation. Au surplus, vous ayant dit franchement mon opinion, je n’en suis pas moins disposé à présenter vos demandes, et à faire, tous mes efforts pour amener une réconciliation.

– C’est tout ce que je désire de vous, dit Morton ; vous acceptez donc le sauf-conduit ?

– Oui, dit lord Evandale ; et si je ne m’étends pas sur la reconnaissance que je dois à celui qui me sauve la vie une seconde fois, croyez que je ne la sens pas moins vivement.

– Vous n’oubliez pas que le château doit être rendu à l’instant ?

– J’en vois la nécessité. Le major ne pourra réduire les mutins à l’obéissance, et je frémis en songeant à ce qui pourrait arriver à ce brave vieillard, à sa sœur et à sa nièce, si on les livrait à Burley, à ce meurtrier altéré de sang.

– Vous êtes donc libre, dit Morton : préparez-vous à monter à cheval ; je vais vous donner une escorte pour vous conduire en sûreté, à travers nos postes, jusqu’au château.

Laissant lord Evandale aussi surpris que charmé d’une délivrance si inattendue, Morton se hâta de faire prendre les armes à quelques hommes dont il était sûr, et de les faire monter à cheval. Jenny, parfaitement réconciliée avec Cuddy, monta en croupe derrière lui. Les pas de leurs chevaux retentirent bientôt sous les fenêtres de lord Evandale. Deux hommes qu’il ne connaissait pas entrèrent dans son appartement, détachèrent ses fers, le firent monter à cheval, et le placèrent au centre du détachement, qui prit au grand trot le chemin de Tillietudlem.

L’aurore commençait à paraître quand ils arrivèrent au château, et les premiers rayons du jour éclairaient déjà le sommet de la vieille tour. L’escorte s’arrêta à quelque distance, pour ne pas s’exposer au feu de la place, et lord Evandale s’avança seul, suivi de Jenny. Comme ils approchaient, ils entendirent dans la cour un tumulte qui s’accordait mal avec la tranquillité qui règne ordinairement à cette heure du jour. On criait, on jurait ; deux coups de pistolet se firent entendre ; enfin tout annonçait que les mutins se disposaient à mettre à exécution leur complot.

Lord Evandale se nomma en arrivant au guichet. Le hasard voulut que la garde en fût confiée en ce moment à Holliday. Cet homme, qui n’avait pas oublié les bontés qu’on avait eues pour lui au château, dans le temps qu’une blessure l’y avait retenu pendant un mois, n’avait vu qu’avec répugnance le complot de ses camarades, et nous savons déjà que c’était lui qui avait conseillé à Jenny de tâcher d’en informer son officier, et qui avait facilité sa sortie de la place. Dès qu’il entendit la voix de son capitaine, il se hâta de le faire entrer, et lord Evandale parut aux yeux de ses soldats étonnés, comme un homme tombant des nues.

Les mutins avaient résolu de se rendre maîtres du château ce matin même, pour pouvoir ensuite traiter avec Burley. Ils étaient rangés d’un côté de la cour ; et de l’autre, le major, Harrison, Gudyil et les habitans de Tillietudlem, se préparaient à leur résister.

L’arrivée de lord Evandale changea la scène. Il marcha droit à ses soldats, saisit Inglis par le collet, et, lui reprochant sa perfidie, ordonna à deux de ses camarades de l’arrêter et de le garrotter, leur assurant qu’une prompte obéissance était la seule chance de pardon qui leur restât. On lui obéit. Il leur commanda alors de mettre bas les armes : ils hésitèrent un moment ; mais l’habitude de la discipline, et plus encore la persuasion où ils étaient que lord Evandale avait été délivré par les royalistes, et qu’il arrivait avec un renfort, les détermina encore à obéir à ses ordres.

– Prenez ces armes, dit lord Evandale à Gudyil, elles ne peuvent appartenir à des gens qui ne connaissent pas mieux l’usage pour lequel elles leur ont été confiées. – Maintenant, messieurs, continua-t-il en s’adressant aux mutins, partez, profitez des trois heures de trève qui nous sont accordées, et prenez la route d’Édimbourg. Vous m’attendrez à House-of-Muir. Je ne vous recommande pas de ne commettre en route aucun désordre ; vous êtes sans armes, et votre intérêt me garantit votre bonne conduite. Que votre promptitude à exécuter mes ordres prouve votre repentir.

Les soldats désarmés quittèrent le château en silence, prirent la route du rendez-vous qui leur était indiqué, et se pressèrent d’autant plus d’y arriver qu’ils craignaient de rencontrer quelque parti d’insurgés ou de paysans qui auraient pu aisément se venger des mauvais traitemens qu’ils en avaient si souvent reçus. Inglis, destiné à servir d’exemple, resta en prison. Holliday reçut des éloges, et eut la promesse de remplacer son caporal.

Tout cela se passa en un instant, et lord Evandale s’approcha alors du major, à qui cette scène avait paru un rêve.

– Eh bien ! mon cher major, il faut rendre le château.

– Que dites-vous, milord ? J’espérais, en vous voyant, que vous nous ameniez un renfort et des vivres.

– Pas un homme, pas un morceau de pain !

– Je n’en suis pas moins ravi de vous voir. Instruit hier que ces misérables avaient résolu de vous faire périr ce matin, je m’étais décidé à faire une sortie à la pointe du jour, avec toute la garnison du château, sans en excepter un seul homme, et à vous délivrer ou à périr avec vous ; mais, quand je pensais à effectuer mon projet, ce coquin d’Inglis eut la hardiesse de me déclarer que personne ne sortirait du château, et qu’il en était maintenant le seul commandant. – Qu’allons-nous donc faire ?

– Je n’ai pas même la liberté du choix, major : je suis prisonnier, relâché sur parole, et j’ai promis de me rendre à Édimbourg. Il faut que vous et vos dames preniez la même route. Grâce à la faveur d’un ami que vous connaissez, de M. Morton, j’ai un sauf-conduit ; nous avons des chevaux, ne perdons pas un seul instant. Vous ne pouvez vous proposer de défendre le château avec sept ou huit hommes, et sans provisions. Vous avez satisfait à tout ce qu’exigeaient de vous l’honneur et la loyauté ; vous avez rendu au gouvernement un service signalé, en occupant ici une portion considérable des forces des rebelles : vouloir en faire davantage serait un acte de désespoir et de témérité, sans aucun but utile. Rejoignons l’armée anglaise qui se rassemble à Édimbourg, elle ne tardera pas à marcher sur Hamilton ; et laissons les rebelles prendre pour un instant possession de Tillietudlem.

– Si telle est votre opinion, milord, dit le vétéran en poussant un profond soupir, j’y soumettrai la mienne ; je sais que vous êtes incapable de donner un avis qui ne serait pas d’accord avec l’honneur. – Gudyil, portez cette triste nouvelle à ma sœur et à ma nièce, et que chacun s’apprête à partir à l’instant. – Mais si je croyais, milord, qu’il put être utile à la bonne cause du roi de tenir plus long-temps dans ces vieux murs, croyez que Miles Bellenden n’en sortirait que lorsqu’il n’aurait plus une goutte de sang dans les veines.

Les dames, alarmées naguère de la révolte des dragons, n’eurent pas de peine à se décider à quitter le château : les préparatifs de départ se firent à la hâte ; tout le monde monta à cheval, et la cavalcade se mit en marche pour le nord de l’Écosse, sous l’escorte de quatre cavaliers whigs.

Les autres, qui avaient accompagné lord Evandale, entrèrent dans le château pour en prendre possession sans pillage et sans aucun acte de vexation. Les premiers rayons du jour virent flotter sur le donjon de Tillietudlem le drapeau rouge et bleu du Covenant d’Écosse.

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