Les vacances étaient près de leur fin ; les enfants s’aimaient tous de plus en plus ; Léon s’améliorait de jour en jour au contact de Paul et de ses excellentes cousines Camille et Madeleine. Son courage se développait avec ses autres qualités ; plusieurs fois il avait eu occasion de l’exercer, et il courait maintenant à l’égal de Paul au-devant du danger, sans toutefois le braver inutilement. L’idiot avait été vengé ; les parents des mauvais garnements qui l’avaient battu amenèrent les coupables chez Relmot père, et là, en présence du pauvre idiot, ils administrèrent chacun une correction si sanglante à leurs fils, que l’idiot se sauva en se bouchant les oreilles pour ne pas entendre leurs cris. Jacques était triste, mais résigné et plus tendre que jamais pour Paul et pour Marguerite ; Sophie se désolait du prochain départ de ses amis, mais surtout de celui de Jean, toujours si fraternel, si aimable pour elle.
« Tu n’as donc plus entendu parler de ta belle-mère ? lui disait un jour Jean dans leur cabane. Où est-elle ? Qu’est-elle devenue ?
– Je ne sais, répondit Sophie. Elle n’écrit pas ; j’avoue que je n’y pense pas beaucoup ; elle m’avait rendue si malheureuse que je cherche à oublier ces trois années de mon enfance. »
JEAN. – Quel âge avais-tu quand elle t’a abandonnée ? Et quel âge au juste as-tu maintenant ?
SOPHIE. – J’avais un peu plus de sept ans ; à présent j’en ai neuf, un an de moins que Madeleine et deux ans de moins que Camille.
JEAN. – Et Marguerite, quel âge a-t-elle ?
SOPHIE. – Marguerite a sept ans, mais elle est plus intelligente et plus avancée que moi. Je ne m’étonne pas que Paul l’aime tant ! Elle est si bonne et si gentille !
JEAN. – Oh ! oui, Paul l’aime bien. Quand on dit quelque chose contre Marguerite, ses yeux brillent ; on peut bien dire qu’ils lancent des éclairs.
SOPHIE. – Et comme il aime M. de Rosbourg !
JEAN. – Oh ! quant à celui-là, si on s’avisait d’y toucher seulement de la langue, ce ne sont pas les yeux seuls de Paul qui parleraient, il tomberait sur vous des pieds et des poings.
– Sophie ! Sophie ! cria Camille qui accourait, maman te demande ; elle a reçu des nouvelles de ta belle-mère qui vient d’arriver à sa terre et qui est bien malade.
Sophie poussa un cri d’effroi quand elle sut l’arrivée de sa belle-mère ; elle voulut se lever pour aller chez Mme de Fleurville ; mais elle retomba sur sa chaise, suffoquée par ses sanglots.
« Ma pauvre Sophie, lui dirent Camille et Jean, remets-toi ; pourquoi pleures-tu ainsi ?
– Mon Dieu, mon Dieu ! il va falloir vous quitter tous et retourner vivre près de cette méchante femme. Ah ! si je pouvais mourir ici, chez vous, avant d’y retourner !
– Pourquoi lui as-tu parlé de cela, Camille ? dit Jean d’un air de reproche. Pauvre Sophie, vois dans quel état tu l’as mise ! »
CAMILLE. – Maman m’avait dit de la prévenir ; je suis désolée de la voir pleurer ainsi, mais je t’assure que ce n’est pas ma faute ; je devais bien obéir à maman. Viens, ma pauvre Sophie, maman t’empêchera d’aller vivre avec ta méchante belle-mère, sois-en sûre.
– Crois-tu ? dit Sophie un peu rassurée. Mais elle voudra m’avoir, je le crains. Viens avec nous, Jean, que j’aie du moins mes plus chers amis près de moi.
Jean et Camille, presque aussi tristes que Sophie, lui donnèrent la main, et ils entrèrent chez Mme de Fleurville qu’ils trouvèrent avec M. et Mme de Rosbourg. Les larmes de Sophie ne purent échapper à M. de Rosbourg ; il se leva vivement, alla vers elle, l’embrassa avec bonté et tendresse, et lui demanda si c’était le retour de sa belle-mère qui la faisait pleurer.
SOPHIE, en sanglotant. – Oui, cher monsieur de Rosbourg ; sauvez-moi, empêchez-moi de quitter Mme de Fleurville et mes amies.
M. DE ROSBOURG. – Rassure-toi, mon enfant, tu resteras ici ; Mme de Fleurville est très décidée à te garder. Et moi, qui suis ton tuteur, ajouta-t-il en souriant et en l’embrassant encore, je t’ordonne de vivre ici.
MADAME DE FLEURVILLE. – Ma pauvre Sophie, tu n’aurais pas dû croire si facilement que je voulusse t’abandonner. Ta belle-mère s’étant remariée n’a plus aucune autorité sur toi, et c’est M. de Rosbourg ton tuteur, et moi ta tutrice, qui avons le droit de te garder.
SOPHIE. – Ah ! quel bonheur ! Me voici toute consolée alors ; mais que vous dit donc ma belle-mère ?
– Ce n’est pas elle qui écrit ; c’est sa femme de chambre ; voici sa lettre :
« Trais honoré dame
« Celci es pour vou dir qu ma metresse es trais malade de la tristece qe lui done la mor de son marri, chi nes pas conte ni Blagosfqui ; cè un eschappé des galaire du non de Gornbou, qu’il lui a devorai tou son arjan et queu le bon Dieu à lécé pairir qan il sé cheté dans le glacié pourlor queu les bon jamdarm son vnu le prandr pour le rmette au bagn. la povr madam en é tombé corne une mace. el pleuré é demandè qu’on la ramen au chato de mamsel Sofi, alors jeu lé ramné e alor el veu voir mamsel, qel lui fai dir quel va mourire é quel veu lui doné sa ptit mamsel a elvé, avecque laqel jé loneure daitre ma tré onoré daM. » V otr très zumble cervante
» Edvije Brgnprzevska fam de conpani de madam la contece Blagofsqa, qi né pas du tou conten, queu si jlavês su jnsrès pas zentré ché zel. Je pri cè dam dme trouvé une bon place de dam de conpagni ché une dam comil fo. »
Sophie et Jean ne purent s’empêcher de rire en lisant cette ridicule lettre si pleine de fautes.
« De quelle petite mam’selle parle cette femme, madame ? » demanda Sophie.
MADAME DE FLEURVILLE. – Je ne sais pas du tout ; c’est peut-être un enfant que ta belle-mère a eu depuis son mariage.
– Pauvre enfant, dit Sophie, j’espère qu’elle sera plus heureuse avec sa mère que je ne l’ai été.
– Écoute, Sophie, voici ce que nous avons décidé. M. de Rosbourg va aller voir ta belle-mère pour savoir au juste comment elle est et ce qu’elle veut. Attends tranquillement son retour et ne t’inquiète de rien ; ne crains pas qu’elle te reprenne ; elle ne le peut pas, et nous ne te rendrons pas.
Sophie, très rassurée, embrassa et remercia Mme de Fleurville, M. et Mme de Rosbourg, et s’en alla en sautant, accompagnée de Jean qui sautait plus haut qu’elle et qui partageait tout son bonheur. Une heure après, M. de Rosbourg était de retour et rentrait chez Mme de Fleurville.
« Eh bien ! mon ami, quelles nouvelles ?
– La pauvre femme est mourante ; elle n’a pas deux jours à vivre ; elle a une petite fille d’un an qui n’est guère en meilleur état de santé que la mère ; elle est ruinée par ce galérien qui l’a épousée pour son argent ; et enfin, elle veut voir Sophie pour lui recommander son enfant et lui demander pardon de tout ce qu’elle lui a fait souffrir. »
MADAME DE FLEURVILLE. – Croyez-vous que je doive y mener Sophie ?
M. DE ROSBOURG. – Il faut que Sophie la voie, mais je l’y mènerai moi-même ; j’imposerai plus à cette femme ; elle a déjà peur de moi et elle n’osera pas la maltraiter en ma présence.
M. de Rosbourg alla lui-même prévenir Sophie de la visite qu’elle aurait à faire ; il acheva de la rassurer sur les pouvoirs de son ex-belle-mère. Pendant que Sophie mettait son chapeau et prévenait ses amies Camille et Madeleine, M. de Rosbourg faisait atteler d’autres chevaux au phaéton, et ils se mirent en route.
Quand Sophie rentra dans ce château où elle avait tant souffert, elle eut un mouvement de terreur et se serra contre son excellent tuteur, qui, devinant ses impressions, lui prit la main et la garda dans la sienne, comme pour lui bien prouver qu’il était son protecteur et qu’avec lui elle n’avait rien à craindre. Ils avancèrent ; Sophie reconnaissait les salons, les meubles ; tout était resté dans le même état que le jour où elle en était partie pour aller demeurer chez Mme de Fleurville qui avait été pour elle une seconde mère.
La porte de la chambre de Mme Fichini s’ouvrit. Sophie fit un effort sur elle-même pour entrer, et elle se trouva en face de Mme Fichini, non pas grasse, rouge, pimpante, comme elle l’avait quittée deux ans auparavant, mais pâle, maigre, abattue, humiliée. Elle voulut se lever quand Sophie entra, mais elle n’en eut pas la force ; elle retomba sur son fauteuil et se cacha le visage dans ses mains. Sophie vit des larmes couler entre ses doigts. Touchée de ce témoignage de repentir, elle approcha, prit une de ses mains et lui dit timidement :
« Ma… ma mère !
– Ta mère, pauvre Sophie ! dit Mme Fichini en sanglotant. Quelle mère ! grand Dieu ! Depuis que j’ai fait mon malheur par cet abominable mariage, depuis surtout que j’ai un enfant, j’ai compris toute l’horreur de ma conduite envers toi. Dieu m’a punie ! Il a bien fait ! Je suis bien, bien coupable… mais aussi bien repentante, ajouta-t-elle en redoublant de sanglots et en se jetant au cou de Sophie. Sophie, ma pauvre Sophie, que j’ai tant détestée, martyrisée, pardonne-moi. Oh ! dis que tu me pardonnes, pour que je meure tranquille.
– De tout mon cœur, du fond de mon cœur, ma pauvre mère, répondit Sophie en sanglotant. Ne vous désolez pas ainsi, vous m’avez rendue heureuse en me donnant à Mme de Fleurville qui est pour moi comme une vraie mère ; j’ai été heureuse, bien heureuse, et c’est à vous que je le dois. »
MADAME FICHINI. – À moi ! Oh ! non, rien à moi, rien, rien, que ton malheur, que tes pénibles souvenirs, que ton mépris. Mon Dieu, mon Dieu, pardonnez-moi, je vais mourir.
Je voudrais voir un prêtre. De grâce, un prêtre, pour me confesser, pour que Dieu me pardonne. Sophie, ma pauvre Sophie, rends-moi le bien pour le mal : demande à ce monsieur, qui a l’air si bon, d’aller me chercher un prêtre.
M. DE ROSBOURG. – Vous allez en avoir un dans quelques instants, madame ; j’y cours moi-même.
Sophie resta près de sa belle-mère qui continua à sangloter, à demander pardon, à appeler le prêtre. Sophie pleurait, lui disait ce qu’elle pouvait, pour la calmer, la consoler, la rassurer. Une demi-heure après, le curé arriva. Mme Fichini demanda à rester seule avec lui ; ils restèrent enfermés plus d’une heure ; le curé promit de revenir le lendemain et dit à M. de Rosbourg en se retirant :
« Elle demande qu’on la laisse seule jusqu’à demain, monsieur ; la vue de cette petite demoiselle réveille en elle de si horribles remords qu’elle ne peut pas les supporter ; mais elle vous prie de la lui ramener demain. »
M. de Rosbourg rentra chez Mme Fichini et lui parla en termes si touchants de la bonté de Dieu, de son indulgence pour le vrai repentir, de sa grande miséricorde pour les hommes, qu’il réussit à la calmer.
« Revenez demain, dit-elle d’une voix faible, vous m’aiderez à mourir ; vous parlez si bien de Dieu et de sa bonté, que je me sens plus de courage en vous écoutant. Promettez-moi de me ramener vous-même Sophie. Pauvre malheureuse Sophie ! ajouta-t-elle en retombant sur son oreiller. Et son malheureux père, c’est moi qui l’ai tué ! Je l’ai fait mourir de chagrin ! Pauvre homme !… et pauvre Sophie !… »
Elle ferma les yeux et ne parla plus. M. de Rosbourg se retira après avoir appelé Mlle Hedwige et la femme de chambre. Il prit Sophie par la main, et tous deux quittèrent en silence ce château où mourait une femme qui, deux ans auparavant, faisait la terreur et le malheur de sa belle-fille. Quand ils furent en voiture, M. de Rosbourg demanda à Sophie :
« Lui pardonnes-tu bien sincèrement, mon enfant ? »
SOPHIE. – Du fond du cœur, monsieur. Dans quel état elle est ! Pauvre femme ! elle m’a fait pitié.
M. DE ROSBOURG. – Oui, la mort doit lui faire peur. Nous mourrons tous un jour ; prions Dieu de nous faire vivre en chrétiens pour que nous ayons une mort douce, pleine d’espérance et de consolation. Le bon Dieu aura pitié d’elle, car elle paraît bien sincèrement repentante.
Quand ils revinrent à Fleurville, ils trouvèrent tout le monde rassemblé sur le perron pour les recevoir.
« Tu as pleuré, pauvre Sophie ! » dit Jean en lui serrant une main, pendant que Paul lui prenait l’autre main.
Sophie leur raconta le triste état de sa belle-mère et tous les détails de leur entrevue ; ils furent tous émus du repentir de Mme Fichini et plaignaient Sophie de l’obligation où elle était d’y retourner le lendemain.
M. de Rosbourg raconta de son côté à sa femme et à ses amis comment s’était passée cette pénible visite ; il parla avec éloge de la sensibilité de Sophie, et regretta de devoir lui faire recommencer le lendemain les mêmes émotions.
« C’est singulier qu’elle n’ait pas parlé de l’enfant que signale Mlle Brrrr…, je ne sais quoi ; il n’en a pas été question. Nous verrons demain. »
Le lendemain, M. de Rosbourg mena encore Sophie chez sa belle-mère. L’entrevue de la veille avait fait une fâcheuse impression sur l’état de la malade. Le curé y était ; il administrait l’extrême-onction. M. de Rosbourg et Sophie se mirent à genoux près du lit de la mourante. Quand le prêtre se fut retiré, Mme Fichini appela Sophie, et, lui prenant la main, elle dit d’une voix entrecoupée :
« Sophie… j’ai un enfant… une fille… Je suis ruinée… Je n’ai rien à lui laisser… Tu es riche… prends cette pauvre petite à ta charge… protège-la… Ne sois pas pour elle… ce que j’ai été pour toi… Pardonne-moi… Je n’exige rien… Ne me promets rien… mais sois charitable… pour mon enfant… Adieu… ma pauvre Sophie… Adieu… ma pauvre, pauvre enfant !
– Soyez tranquille, ma mère, dit Sophie, votre fille sera ma sœur, et je vous promets de la traiter et de l’aimer comme une sœur. Mme de Fleurville, qui est si bonne, et M. de Rosbourg, mon excellent tuteur, me permettront d’avoir soin de ma sœur. N’est-ce pas, monsieur de Rosbourg ? »
M. DE ROSBOURG. – Oui, mon enfant, suis l’instinct de ton bon cœur ; je t’approuve entièrement.
MADAME FICHINI. – Merci, Sophie, merci… Grâce à toi… grâce à ton tuteur… et à ce bon curé… je meurs plus tranquille… Priez tous pour moi… Que Dieu me pardonne… Adieu, Sophie… ton père… pardonne… Je souffre… J’étouffe… Ah !
Une convulsion lui coupa la parole. M. de Rosbourg saisit Sophie terrifiée dans ses bras, l’emporta dans la chambre voisine, la remit entre les mains de Mlle Hedwige et revint se mettre à genoux près du lit de Mme Fichini qui ne tarda pas à rendre le dernier soupir. Il pria pour l’âme de cette malheureuse femme, dont la fin avait été si troublée par ses remords. Il dit à un vieux concierge qui habitait le château de prendre avec le curé tous les arrangements nécessaires pour l’enterrement ; puis il vint prendre Sophie pour la ramener chez Mme de Fleurville.
« Mais la petite fille, dit Sophie, que va-t-elle devenir ?
– C’est juste, dit M. de Rosbourg. Mademoiselle Hedwige, ayez la bonté de vous occuper de cette enfant jusqu’à ce que nous ayons pris des arrangements pour son avenir. »
SOPHIE. – Je voudrais bien la voir, monsieur, avant de m’en aller.
M. DE ROSBOURG, à Mlle Hedwige. – Où est-elle, mademoiselle ?
MADEMOISELLE HEDWIGE. – Dans la chambre à coucher, monsieur. Donnez-vous la peine d’entrer. Ils entrèrent et virent une bonne qui tenait sur ses genoux une pauvre petite fille, maigre, pâle, chétive. « Cette petite est malade, dit M. de Rosbourg.
– Elle a toujours été comme ça, monsieur, dit Mlle Hedwige ; le médecin pense qu’elle ne vivra pas. »
Sophie voulut l’embrasser : la petite détourna la tête en pleurant. M. de Rosbourg voulut à son tour s’approcher : l’enfant jeta des cris perçants.
« Allons-nous-en, dit M. de Rosbourg, une autre fois nous lui ferons peut-être moins peur. » Et ils partirent pour retourner à Fleurville. Pendant que Sophie racontait à ses amis la mort de sa belle-mère, M. de Rosbourg réglait avec Mme de Fleurville l’avenir de la petite fille.
« Sophie, disait-il, ne peut traiter comme sa sœur la fille d’un galérien et de cette femme qui n’a jamais été pour elle qu’un bourreau ; cette Mlle Hedwige me paraît bonne personne, quoique ignorante et bornée. On lui payera une pension pour l’enfant et pour la bonne, et ils vivront dans un coin du château. Quand l’enfant sera plus grande, nous verrons ; mais je crois qu’elle ne vivra pas. »
Les prévisions de M. de Rosbourg ne furent pas trompées : la fille de Mme Fichini mourut de langueur peu de mois après, et Mlle Hedwige entra comme dame de compagnie chez une vieille dame étrangère qui lui faisait donner des leçons de français à ses petits-enfants, et qui la garda jusqu’à sa mort en lui laissant de quoi vivre convenablement.
Les vacances finissaient ; le jour du départ arriva. Les enfants étaient fort tristes ; Jacques et Marguerite pleuraient amèrement ; Sophie pleurait ; Jean s’essuyait les yeux ; Léon était triste ; Paul était sombre et regardait d’un air navré pleurer Marguerite et Jacques.
Il fallait bien enfin se séparer ; ce dernier moment fut cruel. M. de Traypi arracha Jacques des bras de Paul et de Marguerite, sauta avec lui en voiture et fit partir immédiatement. Marguerite se jeta dans les bras de Paul et pleura longtemps sur son épaule. Il parvint enfin à la consoler, à la grande satisfaction de Mme de Rosbourg qui la regardait pleurer avec tristesse.
M. DE ROSBOURG. – Ton petit ami est parti, ma chère enfant ! mais ton grand ami te reste ; tu sais comme Paul t’aime ; entre lui et moi, nous tâcherons que tu ne t’ennuies pas et que tu sois heureuse.
MARGUERITE. – Oh ! papa, je ne m’ennuierai jamais près de vous et de Paul, et je serai toujours heureuse avec vous : mais je pleure mon pauvre Jacques, parce que je l’aime ; et puis c’est qu’il m’aime tant, qu’il est malheureux loin de moi !