89. À Moulceau

À Grignan, samedi 4ème février 1696.

Je ne me suis point trompée, Monsieur, quand j’ai cru que vous seriez touché de ma peine et que vous feriez toute la diligence possible pour la soulager. Votre ordonnance de M. Barbeyrac et votre lettre ont eu des ailes, comme vous le souhaitiez, et il semble que cette petite fièvre, qui paraissait si lente, en ait eu aussi pour fuir aux approches seulement du nom de M. Barbeyrac. Tout de bon, Monsieur, il y a du miracle à un si prompt changement, et je ne saurais douter que vos souhaits et vos prières n’y aient contribué. Jugez de ma reconnaissance par leur effet. Ma fille est de moitié de tout ce que je vous dis ici ; elle vous fait mille remerciements et vous conjure d’en faire beaucoup à M. Barbeyrac. Nous sommes trop heureuses de n’avoir plus qu’à prendre patience, et de la rhubarbe, dont elle se trouve tout à fait bien. Nous ne doutons pas que dans cet état de repos, M. Barbeyrac n’approuve ce remède, avec un régime qui est quelquefois le meilleur de tous. Remerciez Dieu, Monsieur, et pour vous, et pour nous, car nous ne saurions douter que vous ne soyez intéressé dans cette reconnaissance, et puis, Monsieur, jetez les yeux sur tous les habitants de ce château, et jugez de leurs sentiments pour vous.

La M. de Sévigné.

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