XXXVIII UN POËTE ARTISTIQUE, PITTORESQUE ET MODERNE.

– Voulez-vous accepter un foulard pour vous couvrir la tête, monsieur de Luizzi ? car je vois que vous avez oublié votre chapeau à Orléans.

Le baron fut grandement étonné de s’entendre appeler par son nom. Il chercha à voir celui qui lui parlait ainsi, et il s’aperçut, à la clarté du crépuscule qui commençait à envahir l’obscurité, un jeune homme de vingt-huit à trente ans, hâve et maigre, portant une barbe en pointe, de longs cheveux mal peignés encadrant avec prétention les contours nobles, mais décharnés, d’un beau visage. Ce jeune homme, s’étant aperçu de l’attention de Luizzi, continua d’un ton tant soit peu déclamatoire :

– Vous ne me reconnaissez pas, monsieur de Luizzi ? Il n’y a pas cependant bien longtemps que nous nous sommes vus. Mais ce temps, qui n’a peut-être compté dans votre vie que pour quelques années, a presque mené la mienne à la vieillesse. La pensée, plus encore que les passions et le malheur, dévaste l’homme avec rapidité : c’est le miroir ardent où convergent tous les rayons sensitifs de l’être humain, pour y produire par la réflection ce feu dévorant qu’on appelle le génie. C’est pour cela que dans mes livres, j’ai toujours écrit le mot réflexion, réflection, par un c et un t, pour que le monde comprît que le procédé moral du feu créateur est tout à fait analogue au procédé matériel du feu destructeur.

– Bien, très-bien ! fit le Diable à voix basse, en jetant un regard protecteur sur le jeune homme et en faisant un mouvement de tête approbateur.

– Ah ! fit Luizzi, vous êtes écrivain ?

– Je suis poëte.

– Vous faites des vers ?

– Je suis poëte.

– Et vous me connaissez ?

– Oui, je vous connais, déclama le jeune homme, et il semble qu’une destinée étrange nous ait poussés l’un vers l’autre en des circonstances où vous seul pouviez me comprendre et où je pouvais vous comprendre seul.

– Très-bien, très-bien ! répéta le Diable, tandis que le baron se demandait quel pouvait être ce monsieur qui le connaissait.

– Pardonnez-moi, lui dit Armand, de ne pas avoir conservé un souvenir très-exact de la circonstance et du lieu où nous nous sommes rencontrés, et veuillez me dire où j’ai eu l’honneur de vous voir.

– Tout ce que je puis vous dire, repartit l’inconnu, scandant sa phrase d’une manière toute particulière, c’est que j’étais en danger quand vous m’avez vu, et que je vous ai retrouvé en danger. C’est que je m’étais dit alors : Cet homme t’est venu en aide et tu lui viendras en aide un jour. Cette parole que je m’étais donnée, je l’ai tenue. En passant à Orléans, j’ai entendu le murmure sourd d’une conversation, disant qu’une femme avait été enlevée par un homme, que cette femme avait été arrêtée, et que cet homme s’était enfui. Un pressentiment m’a poussé à demander quel était le nom de cet homme, et c’est le vôtre qui a été prononcé. Je me suis dit alors : Le temps est venu et l’occasion se présentera sans doute bientôt, car les choses humaines ne posent pas de vaines prémisses, elles ont toutes leurs inévitables conséquences, et je ne pouvais avoir ainsi entendu prononcer votre nom sans croire devoir vous rencontrer bientôt. C’est le garde-à-vous du destin qui m’avertissait de quelque événement. J’ai donc veillé tout autour de moi du haut de cette voiture, et, lorsque j’ai aperçu un homme sur le bord du chemin, la tête nue sous la fraîcheur de la nuit, je me suis dit d’abord : Le voilà ! et j’ai dit ensuite au conducteur : Suspens ta course, voici un homme envers qui j’ai une dette à acquitter. Et il s’est arrêté, comme vous avez pu le voir. Et maintenant nous sommes quittes, baron de Luizzi.

Armand avait écouté cette tirade la bouche béante et l’œil tout grand ouvert, tandis que le Diable en accompagnait tous les mouvements avec un léger balancement de la tête, qu’il termina par une pâmoison admirative. Quant à Luizzi, il lui fallut un peu de temps pour dégager le peu de sens qu’il y avait dans ce flux de paroles. Il faisait un travail pareil à celui de Musard, par exemple, cherchant un motif mélodique dans le tumulte compliqué d’un opéra de M. Meyerbeer. Luizzi parvint cependant à deviner à peu près ce que voulait dire le poëte ; mais, comme le chimiste auquel la difficulté d’une découverte accomplie rend plus désirable encore la découverte qu’il espère, Luizzi, grâce à la peine qu’il s’était donnée pour comprendre le poëte, devint d’autant plus curieux d’apprendre à qui il devait le service qui lui avait été rendu. Il dit donc à ce monsieur :

– J’ai beaucoup à vous remercier de votre bon vouloir et de votre intercession en cette circonstance. Mais ne pourrais-je savoir à qui je les dois et à quel événement je dois de vous les devoir ?

– Hé ! hé ! fit le Diable à cette phrase entortillée, pas mal, pas mal !

Luizzi n’eut pas le temps de s’étonner de cette approbation de Satan ; car le poëte avait repris, en se tenant toujours sur le ton d’une mélopée chantante et nasale :

– Vous le saurez : l’heure et le lieu où vous devez le savoir approchent ensemble ; il y a un endroit où je vous dirai le secret de notre première rencontre. Cet endroit servira de commentaire à mes paroles. Sa présence les éclairera du jour qui leur convient ; alors vous me connaîtrez tout entier.

Ceci était plus clair, et Luizzi chercha à se rappeler quel pouvait être cet homme que le hasard ou le Diable avait mis sur sa route pour le tirer d’embarras. En effet, il était fort possible que sans lui le conducteur de la diligence n’eût pas consenti à ramasser sur la route un individu sans passe-port, et, qui plus est, sans chapeau ; car l’absence du chapeau est une preuve incontestable de fuite pour une méchante affaire. Un homme peut être sans chemise, sans bas, sans souliers, et n’éveiller aucun soupçon ; mais il n’est pas un agent de l’autorité publique qui ne se croie le droit d’arrêter un homme sans chapeau. Le chapeau est la première garantie de la liberté individuelle. Je recommande cet aphorisme aux chapeliers.

Les souvenirs de Luizzi le servaient mal. Le poëte s’aperçut de la préoccupation du baron, et reprit :

– Ne cherchez pas, car vous pourriez trouver, et, si vous trouviez, je n’aurais rien à vous dire.

– Beau ! très-beau ! marmotta le Diable.

– Non, reprit le poëte, je n’aurais plus rien à vous dire, car vous ne pourriez plus me comprendre.

– Il me semble, au contraire, dit Luizzi, qu’un souvenir ne peut nuire à une pareille confidence.

– Vous vous trompez, car vous vous représenteriez l’homme que vous avez connu ou plutôt que vous avez cru connaître, et vous le jugeriez alors selon votre âme et non selon la sienne. Puis, quand il viendrait vous dire : Voilà qui je suis, votre pensée flottante entre le rêve de vos opinions et la réalité de sa vie resterait un moment suspendue entre eux pour tomber ensuite dans le doute, ce grand abîme au fond duquel le siècle se débat. Satan paraissait ravi ; mais cela dépassait de beaucoup la portée de Luizzi, et il fit comme fait quelquefois le public, qui, s’étant donné beaucoup de peine pour comprendre les premières scènes d’un drame, le laisse aller ensuite à sa guise et attend un instant favorable pour deviner, si c’est possible, le sens de ce qu’on lui représente. Cependant le jour s’était tout à fait levé et le soleil se montrait au bord de l’horizon, qui était tout chargé de vapeurs. À ce moment le poëte tira sa montre et la consulta, puis il s’écria d’un air de triomphe :

– J’en étais sûr !

– De quoi ? fit Luizzi.

– De la vanité de cette chose qu’on appelle science.

– Et qu’est-ce qui vous donne cette opinion ?

– Ah ! bien peu de chose en vérité ; mais un instinct secret, une révélation de la pensée m’avait dit que ces hommes qui ont prétendu remplacer l’idée par l’expérience, la pensée par le calcul, berçaient l’ignorance populaire de contes absurdes et faux, sur lesquels ils ont basé une réputation qu’il est temps de saper, pour donner enfin les premières places aux hommes d’imagination.

– Et, dit Luizzi tout surpris de ces paroles, en quoi ce lever du soleil vous semble-t-il accuser la science d’absurdité et de fausseté ?

– En quoi ? mais en un misérable fait, le plus vulgaire de tous, un fait sur lequel il semble que l’expérience des siècles ne devrait laisser aucun doute.

– Mais lequel ?

– Sur l’heure précise du lever du soleil. Voyez, dit-il en lui montrant l’heure de sa montre et l’heure indiquée sur un calendrier, elles diffèrent entre elles de près de dix minutes.

Toute la reconnaissance de Luizzi pour le bon office de ce monsieur ne put tenir contre cette réponse, et il se laissa aller à rire, tandis que le Diable s’inclinait profondément devant le poëte.

– Vous riez, Monsieur ? dit celui-ci, et, dominé par la foi stérile du siècle dans la science matérielle, vous vous refusez à reconnaître ses erreurs dans un de ses détails les plus infimes ?

– Je vous demande pardon, reprit Armand toujours en riant, mais, erreur pour erreur, j’aime mieux croire à celle de nos astronomes.

– Ceci est un chronomètre excellent, dit le poëte, et qui ne varie pas d’une seconde en un an.

– Vous avez pour votre montre une prétention qui est un grand hommage à la science, dit Luizzi courtoisement.

– C’est que je fais une grande différence, Monsieur, entre la science qui s’appuie sur des chiffres et celle qui s’appuie sur des faits physiques.

– Mais, reprit Luizzi avec la timidité d’un homme qui a trop raison et qui ne peut se décider à montrer à un autre homme toute la portée de sa bêtise, mais le lever du soleil est un fait physique.

– Sans doute, s’écria le poëte, mais c’est un fait physique très-mal observé, car enfin ce chronomètre est exact. Comment la science s’accommode-t-elle de cette différence ?

– Supposez, dit Luizzi, que votre chronomètre, réglé sans doute à Paris, marquât exactement l’heure qu’il doit être à quelques lieues d’Orléans, ce qui n’est pas précisément vrai ; il y aurait une explication bien plus simple à donner à la différence que vous remarquez, c’est que le soleil n’est pas levé.

– Hein ? fit le poëte de l’air d’un homme qui vient de recevoir une insulte, ceci est une plaisanterie de mauvais goût, Monsieur. Je vois le soleil, ce me semble.

– Oui, Monsieur, vous le voyez, et il est cependant au-dessous de l’horizon.

Le poëte se mit à ricaner d’un air superbe et reprit :

– Et la science explique cela, sans doute ?

– Parfaitement. C’est un effet de la réfraction.

– Réflection, vous voulez dire ?

– Non, réfraction, Monsieur.

– Connais pas, dit le poëte en reprenant son lorgnon pour regarder le soleil, et il continua :

– Je vois ou je ne vois pas, voilà tout. Ce qui m’étonne cependant, c’est que la science, cette duperie de tous les siècles, ait osé nier les plus simples miracles du moyen âge, lorsqu’elle prétend prouver que je ne vois pas ce que je vois. Mais tenez, Monsieur, ne parlons plus de cela. J’ai là-dessus une opinion arrêtée, une conviction intime, c’est pour moi une affaire de conscience, je ne suis pas convertissable.

– Mais quel est ce monsieur ? dit Luizzi tout bas à l’oreille du Diable.

– C’est une sommité littéraire et artistique, un homme d’art et d’imagination.

– Mais on n’est pas d’une ignorance plus crasse.

– C’est comme cela, fit Satan ; car vous devez savoir qu’en style moderne le génie étant un aigle, il est prouvé que la science est une cage.

La conversation demeura un instant suspendue. Luizzi ne se sentait aucune envie de la reprendre, lorsque le poëte, qui s’était absorbé dans un lorgnement indéfini du soleil, s’écria :

– En vérité, voilà qui est nouveau et étrange !

– Quoi donc ? C’est que personne encore n’ait compris poétiquement le lever du soleil, non-seulement avec son doux sourire et sa chevelure de nuages, mais encore avec sa pensée immense qu’il envoie à l’âme sur ses rayons d’or où elle glisse rapide comme un char sur les rainures d’un chemin de fer.

– Vous avez raison, Monsieur, s’écria le Diable, et c’est ce qui a fait dire à Shakspeare ces deux vers sublimes :

Quand on fut toujours vertueux,

On aime à voir lever l’aurore.

Luizzi, qui se rappela cette bonne romance tirée de l’opéra-comique de Montano et Stéphanie, se détourna pour ne pas éclater de rire au nez du poëte, tandis que celui-ci prenait un air d’admiration exaltée pour dire à Satan, qui avait tout à fait l’air d’un bonhomme :

– C’est vrai, cela, Monsieur ! Ah ! ce Shakspeare a des idées à lui, des pensées de fer rouge, qu’on dirait trempées dans les larmes d’une jeune fille. Est-ce que vous faites une traduction de Shakspeare ?

– Non, mais j’adore Shakspeare.

– Et vous avez raison, car c’est là le seul poëte, et ces quelques mots que vous venez de citer ont cette saveur douce et amère du chantre anglais qui se fait reconnaître partout et par tous. Aussi c’est qu’il est venu dans un temps où la poésie était possible, dans un siècle de fer et de soie, d’acier et de velours, de grands combats et de légères courtoisies. Aussi a-t-il été grand et fécond parce qu’il avait de l’espace pour mettre au monde les géants enfantés dans sa pensée.

– Mais il me semble, dit Satan, que le monde est aussi large aujourd’hui qu’autrefois et que la place ne manque pas aux géants ?

– Et où voulez-vous que s’attache la poésie dans ce siècle de petites choses égoïstes ? quelle œuvre un peu sérieuse est possible en présence d’un peuple qui a concentré sa vie dans les intérêts matériels de son existence ?

– Mais je crois, dit le Diable, que les intérêts matériels ont toujours joué un rôle considérable dans l’existence humaine ?

– C’est possible, reprit le poëte, mais les hommes des siècles passés avaient en même temps des passions grandes comme eux. Tout est rapetissé aujourd’hui à la taille des petits hommes du jour. La société est un vaste vaudeville dont le chœur est au Gymnase.

– Adressez-vous alors aux siècles passés, et faites de la tragédie.

– De la tragédie romaine ? fit le poëte d’un air de mépris.

– Non, de la tragédie française.

– La tragédie est impossible sans religion et sans fatalité.

– N’avez-vous donc pas une religion et une fatalité ?

– Religion et fatalité auxquelles le peuple ne croit plus.

– Suivez alors le précepte d’Horace, et représentez les faits de votre histoire, facta domestica .

 Monsieur, dit le poëte, Horace fut un très-galant homme, que je respecte fort, mais que je n’écoute guère. Il me fait l’effet d’un oncle de comédie qui ne donne que des conseils et pas d’argent à son coquin de neveu : c’est vieux et inutile, et je m’en passe. La seule chose qui puisse être encore dramatique, ce sont les scènes enfouies dans nos vieilles chroniques et dans nos légendes.

Il sembla à Luizzi que le facta domestica d’Horace ne voulait pas dire autre chose que ce que prétendait ce monsieur, mais il le connaissait déjà assez pour comprendre qu’il méprisait Horace au même titre qu’il admirait Shakspeare. Il s’aperçut aussi que le poëte avait un certain nombre de mots dont il pavoisait les choses comme si elles changeaient de sens parce qu’il en variait l’appellation. Ainsi pour lui le fait le plus palpitant raconté par l’histoire était vieux et plat, mais la dernière niaiserie revêtue du nom de chronique lui semblait d’un prodigieux intérêt. Luizzi écoutait, tandis qu’il reprenait :

– S’il faut vous dire le véritable but de mon voyage, il n’est autre que d’étudier notre histoire nationale sur les lieux et dans les souvenirs populaires de chaque contrée, où elle est véritablement écrite avec tout son pittoresque et toutes ses vérités.

– Voilà un projet admirable ! lui dit le Diable, et vous avez sans doute commencé vos observations ?

– Oui, fit le poëte d’un air indifférent, j’en ai déjà recueilli quelques-unes.

– La place que vous avez prise sur le haut de cette voiture est excellente pour cela, dit le Diable.

La raillerie était assez grosse pour qu’elle étonnât le grand homme lui-même ; mais, ayant considéré celui qui lui parlait, il lui trouva un air si candide qu’il ne pensa pas pouvoir s’en fâcher. Satan continua :

– On voit de loin ici.

– Et de haut, repartit le poëte avec une sublime intrépidité de sottise.

– Ma foi ! je suis ravi de votre manière d’envisager l’art, repartit le Diable ; et, puisque le hasard me met en rapport avec un homme de pensée et d’intelligence, je m’estimerai trop heureux de l’aider dans sa glorieuse entreprise et de lui raconter quelques-unes des histoires singulières de ma contrée, car je suis du pays.

– Cela doit être curieux ! fit le poëte avec dédain.

– Je ne sais si l’histoire est curieuse en elle-même, mais elle est tout au moins intéressante pour certaines gens.

Le Diable prononça ces paroles en les adressant du regard au baron, qui reprit aussitôt :

– Il s’agit donc d’une histoire contemporaine ?

– Pas précisément ; mais il est telles personnes dont le nom remonte assez haut pour qu’elles écoutent certaines vieilles histoires avec un vif intérêt.

– Est-ce une légende ou une chronique ? dit le poëte en se posant en auditeur nonchalant.

– C’est une chronique, dit Satan, en ce qu’elle a des faits qui appartiennent à la vérité matérielle et visible ; c’est aussi une légende, car le Diable s’y trouve mêlé.

– Vrai ? dit le poëte en souriant, cela peut être amusant.

– Je dispense Monsieur de nous les raconter, dit le baron, qui craignait toutes les révélations du Diable, de quelque date qu’elles pussent être.

– Mais moi, je l’en prie.

La colère de Luizzi contre le Diable fut sur le point d’éclater, mais, espérant pouvoir échapper au récit de Satan et décidé à profiter du premier moment où ils seraient seuls pour s’en débarrasser, il se jeta dans le fond du cabriolet pour ne pas écouter.

Cependant le narrateur ne prenait pas la parole.

– Eh bien ! Monsieur, s’écria le poëte, votre histoire, ne vous la rappelez-vous plus ?

– M’y voici. J’attendais, pour la commencer, d’avoir tourné l’angle de la route, afin de pouvoir vous montrer le théâtre de l’aventure que j’ai à vous raconter, et qui, je le crois, traitée par un homme de votre génie, pourrait faire une tragédie passablement sombre.

– Vous voulez dire un drame historique, mon cher Monsieur ? Mais où est donc, reprit le poëte, le théâtre de cette histoire que vous dites destinée au théâtre ?

Le Diable étendit la main dans la direction d’une petite colline qui s’élevait à une distance assez rapprochée de la route.

– Voyez-vous, dit-il, au sommet de cette petite hauteur escarpée, quelques larges pierres circulairement placées et qui semblent avoir été la base d’une vaste tour ?

– Je les vois parfaitement, dit le poëte.

– Eh bien ! reprit Satan, c’est tout ce qui reste de l’antique château de Roquemure.

– Le château de Roquemure ! s’écria Luizzi en bondissant à sa place.

– Vous en avez entendu parler, Monsieur ? dit Satan du ton d’un honnête bourgeois qui va raconter une anecdote de société.

– Oui, dit Luizzi, et je serais curieux de savoir quelle histoire vous avez à raconter à ce sujet.

– C’est celle de sa destruction.

Le baron examina attentivement Satan, qui, s’enveloppant dans son manteau, ne parut pas remarquer le regard interrogateur du baron, et commença ainsi.

Share on Twitter Share on Facebook