Aucune nouvelle de l’arrivée du bateau. Le message de Mrs Harker au cours de la transe est le même que d’habitude, de telle sorte que nous pouvons apprendre quelque chose d’un moment à l’autre. Nous sommes dans la fièvre, à l’exception de Harker, qui reste calme. Ses mains sont d’un froid de glace et, tout à l’heure, je l’ai trouvé aiguisant le grand couteau gurkha qu’il ne quitte plus. Vilaine perspective pour le comte, la pointe de ce Kukri touchant sa gorge, et enfoncée par cette main résolue et glaciale !
Van Helsing et moi, nous sommes aujourd’hui quelque peu inquiets au sujet de Mrs Harker. Elle est tombée un peu avant midi dans une sorte de léthargie qui ne nous plaît pas : nous n’en avons rien dit aux autres, mais nous nous en attristons. Elle avait été très agitée toute la matinée, de telle sorte que nous fûmes d’abord contents de savoir qu’elle se reposait. Lorsque cependant son mari nous dit en passant qu’elle dormait si fort qu’il ne pouvait la réveiller, nous sommes entrés dans sa chambre pour en juger par nous-mêmes. Elle respirait naturellement et semblait si bien, si paisible, que nous sommes tombés d’accord pour penser que rien ne pouvait lui être plus bienfaisant que le sommeil. Pauvre petite, elle en a long à oublier ! Rien d’étonnant si le sommeil, qui le lui permet, lui est propice.
Plus tard
Notre sentiment était exact, car lorsqu’elle se réveilla après avoir dormi plusieurs heures, elle parut plus animée, mieux portante qu’elle n’a été depuis bien des jours. Au crépuscule, elle fit son habituel rapport sous hypnose. Où qu’il soit sur la mer Noire, le comte se hâte vers son but. Vers son jugement, oh ! j’y compte bien !