Ferrières, témoin oculaire des intrigues de cette époque, rapporte lui-même celles qui furent employées pour empêcher le serment des prêtres. Cette page me semble trop caractéristique pour n’être pas citée :
« Les évêques et les révolutionnaires s’agitèrent et intriguèrent, les uns pour faire prêter le serment, les autres pour empêcher qu’on ne le prêtât. Les deux partis sentaient l’influence qu’aurait dans les provinces la conduite que tiendraient les ecclésiastiques de l’assemblée. Les évêques se rapprochèrent de leurs curés ; les dévots et les dévotes se mirent en mouvement. Toutes les conversations ne roulèrent plus que sur le serment du clergé. On eût dit que le destin de la France et le sort de tous les Français dépendaient de sa prestation ou de sa non-prestation. Les hommes les plus libres dans leurs opinions religieuses, les femmes les plus décriées par leurs mœurs, devinrent tout à coup de sévères théologiens, d’ardens missionnaires de la pureté et de l’intégrité de la foi romaine.
« Le Journal de Fontenay, l’Ami du roi, la Gazette de Durosoir, employèrent leurs armes ordinaires, l’exagération, le mensonge, la calomnie. On répandit une foule d’écrits dans lesquels la constitution civile du clergé était taitée de schismatique, d’hérétique, de destructive de la religion. Les dévotes colportèrent des écrits de maison en maison ; elles priaient, conjuraient, menaçaient, selon les penchans et les caractères. On montrait aux uns le clergé triomphant, l’assemblée dissoute, les ecclésiastiques prévaricateurs dépouillés de leurs bénéfices, enfermés dans leurs maisons de correction ; les ecclésiastiques fidèles couverts de gloire, comblés de richesses. Le pape allait lancer ses foudres sur une assemblée sacrilège et sur des prêtres apostats. Les peuples dépourvus de sacremens se soulèveraient, les puissances étrangères entreraient en France, et cet édifice d’iniquité et de scélératesse s’écroulerait sur ses propres fondemens. »
(Ferrières, tome II, page 198.)