Idées générales sur l’administration aux états-unis.

En quoi les États de l’Union diffèrent entre eux, par le système d’administration. — Vie communale moins active et moins complète à mesure qu’on descend vers le midi. — Le pouvoir du magistrat devient alors plus grand, celui de l’électeur plus petit. — L’administration passe de la commune au comté. — États de New-York, d’Ohio, de Pensylvanie. — Principes administratifs applicables à toute l’Union. — Élection des fonctionnaires publics ou inamovibilité de leurs fonctions. — Absence de hiérarchie. — Introduction des moyens judiciaires dans l’administration.

J’ai annoncé précédemment, qu’après avoir examiné en détail la constitution de la commune et du comté dans la Nouvelle-Angleterre, je jetterais un coup d’œil général sur le reste de l’Union.

Il y a des communes et une vie communale dans chaque État ; mais dans aucun des États confédérés on ne rencontre une commune identiquement semblable à celle de la Nouvelle-Angleterre.

À mesure qu’on descend vers le midi, on s’aperçoit que la vie communale devient moins active ; la commune a moins de magistrats, de droits et de devoirs ; la population n’y exerce pas une influence si directe sur les affaires ; les assemblées communales sont moins fréquentes et s’étendent à moins d’objets. Le pouvoir du magistrat élu est donc comparativement plus grand et celui de l’électeur plus petit, l’esprit communal y est moins éveillé et moins puissant.

On commence à apercevoir ces différences dans l’État de New-York ; elles sont déjà très sensibles dans la Pensylvanie ; mais elles deviennent moins frappantes lorsqu’on s’avance vers le nord-ouest. La plupart des émigrants qui vont fonder les États du nord-ouest sortent de la Nouvelle-Angleterre, et ils transportent les habitudes administratives de la mère-patrie dans leur patrie adoptive. La commune de l’Ohio a beaucoup d’analogie avec la commune du Massachusetts.

Nous avons vu qu’au Massachusetts le principe de l’administration publique se trouve dans la commune. La commune est le foyer dans lequel viennent se réunir les intérêts et les affections des hommes. Mais il cesse d’en être ainsi à mesure que l’on descend vers des États où les lumières ne sont pas si universellement répandues, et où par conséquent la commune offre moins de garanties de sagesse et moins d’éléments d’administration. À mesure donc que l’on s’éloigne de la Nouvelle-Angleterre, la vie communale passe en quelque sorte au comté. Le comté devient le grand centre administratif, et forme le pouvoir intermédiaire entre le gouvernement et les simples citoyens.

J’ai dit qu’au Massachusetts les affaires du comté sont dirigées par la cour des sessions. La cour des sessions se compose d’un certain nombre de magistrats nommés par le gouverneur et son conseil. Le comté n’a point de représentation, et son budget est voté par la législature nationale.

Dans le grand État de New-York, au contraire, dans l’État de l’Ohio et dans la Pensylvanie, les habitants de chaque comté élisent un certain nombre de députés ; la réunion de ces députés forme une assemblée représentative du comté. États confédérés. Si je voulais descendre jusqu’aux détails des moyens d’exécution, j’aurais beaucoup d’autres dissemblances à signaler encore. Mais mon but n’est pas de faire un cours de droit administratif américain.

J’en ai dit assez, je pense, pour faire comprendre sur quels principes généraux repose l’administration aux États-Unis. Ces principes sont diversement appliqués ; ils fournissent des conséquences plus ou moins nombreuses suivant les lieux ; mais au fond ils sont partout les mêmes. Les lois varient ; leur physionomie change ; un même esprit les anime.

La commune et le comté ne sont pas constitués partout de la même manière ; mais on peut dire que l’organisation de la commune et du comté, aux États-Unis, repose partout sur cette même idée ; que chacun est le meilleur juge de ce qui n’a rapport qu’à lui-même, et le plus en état de pourvoir à ses besoins particuliers. La commune et le comté sont donc chargés de veiller à leurs intérêts spéciaux. L’État gouverne et n’administre pas. On rencontre des exceptions à ce principe, mais non un principe contraire.

La première conséquence de cette doctrine a été de faire choisir, par les habitants eux-mêmes, tous les administrateurs de la commune et du comté, ou du moins de choisir ces magistrats exclusivement parmi eux.

Les administrateurs étant partout élus, ou du moins irrévocables, il en est résulté que nulle part on n’a pu introduire les règles de la hiérarchie. Il y a donc eu presque autant de fonctionnaires indépendants que de fonctions. Le pouvoir administratif s’est trouvé disséminé en une multitude de mains.

La hiérarchie administrative n’existant nulle part, les administrateurs étant élus et irrévocables jusqu’à la fin du mandat, il s’en est suivi l’obligation d’introduire plus ou moins les tribunaux dans l’administration. De là le système des amendes, au moyen desquelles les corps secondaires et leurs représentants sont contraints d’obéir aux lois. On retrouve ce système d’un bout à l’autre de l’Union.

Du reste, le pouvoir de réprimer les délits administratifs, ou de faire au besoin des actes d’administration, n’a point été accordé dans tous les États aux mêmes juges.

Les Anglo-Américains ont puisé à une source commune l’institution des juges de paix ; on la retrouve dans tous les États. Mais ils n’en ont pas toujours tiré le même parti.

Partout les juges de paix concourent à l’administration des communes et des comtés, soit en administrant eux-mêmes, soit en réprimant certains délits administratifs ; mais, dans la plupart des États, les plus graves de ces délits sont soumis aux tribunaux ordinaires.

Ainsi donc, élections des fonctionnaires administratifs, ou inamovibilité de leurs fonctions, absence de hiérarchie administrative, introduction des moyens judiciaires dans le gouvernement secondaire de la société, tels sont les caractères principaux auxquels on reconnaît l’administration américaine, depuis le Maine jusqu’aux Florides.

Il y a quelques États dans lesquels on commence à apercevoir les traces d’une centralisation administrative. L’État de New-York est le plus avancé dans cette voie.

Dans l’État de New-York, les fonctionnaires du gouvernement central exercent, en certains cas, une sorte de surveillance et de contrôle sur la conduite des corps secondaires. Ils forment, en certains autres, une espèce de tribunal d’appel pour la décision des affaires. Dans l’État de New-York, les peines judiciaires sont moins employées qu’ailleurs comme moyen administratif. Le droit de poursuivre les délits administratifs y est aussi placé en moins de mains.

La même tendance se fait légèrement remarquer dans quelques autres États. Mais, en général, on peut dire que le caractère saillant de l’administration publique aux États-Unis est d’être prodigieusement décentralisée.

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