HUITIÈME LETTRE DU MÊME AU MÊME

Village de M…, 8 septembre 1850.

Mon cher Simon Nikolaïtch, tu as été trop affecté de ma dernière lettre. Tu sais que j’ai toujours été porté à exagérer mes émotions. C’est chez moi un penchant involontaire, une nature de femme. Avec le temps, cela passera. Jusqu’à ce jour pourtant, je le confesse en soupirant, je n’ai pu corriger ce défaut. Tranquillise-toi. Je ne nie pas l’impression que Viera a produite sur moi. Mais, je te l’affirme, il n’y a rien là d’extraordinaire.

Quant à accepter l’offre que tu veux bien faire de venir me rejoindre, non, cela ne se peut. Un trajet de mille verstes, et pourquoi ? Non, ce serait une folie. Je suis cependant très touché de ce nouveau témoignage de ton amitié, et jamais je ne l’oublierai. Mais ce voyage que tu te résoudrais à entreprendre serait d’autant plus inutile, que moi-même je me propose de partir bientôt pour Pétersbourg. Assis près de toi, sur ton divan, je te raconterai bien des choses dans lesquelles je ne veux pas entrer à présent, pour ne pas me laisser entraîner à de vaines divagations. Avant mon départ, je t’écrirai encore. Donc au revoir bientôt. Porte-toi bien, et ne t’inquiète pas trop de l’état de ton ami.

Share on Twitter Share on Facebook