XII

Je passai une journée terriblement longue et fastidieuse. Teglev ne revenait pas ; quant à mon frère, je ne l’attendais même pas.

Au soir, il se fit un brouillard encore plus dense que celui de la veille. Je me couchai d’assez bonne heure.

Je me réveillai en sursaut : on frappait à la fenêtre ! Ce fut mon tour de tressaillir !

Le bruit se répéta avec tant d’insistance qu’il ne fut plus possible de douter de sa réalité. Je me levai, ouvris la croisée et reconnus Teglev. Il se tenait immobile devant moi, enveloppé dans son manteau, la casquette baissée sur les yeux.

« Ilia ! C’est vous ?… Entrez vite ! On vous a attendu toute la journée… Pourquoi n’êtes-vous pas entré ? La porte n’est pourtant pas fermée ? »

Il fit non de la tête.

« Je n’ai pas l’intention d’entrer, fit-il d’une voix sourde. Je voulais seulement vous demander de remettre cette lettre, demain, au commandant de la batterie. »

Il me tendit une grosse enveloppe, fermée avec cinq cachets. Intrigué, je la pris machinalement. Teglev s’éloigna incontinent.

« Attendez, attendez donc !… Où allez-vous ?… Est-ce que vous venez seulement de rentrer ? Et que signifie cette lettre ?

— Me promettez-vous de la remettre à son destinataire ? murmura Teglev en reculant encore de quelques pas… Le promettez-vous ?… »

Sa silhouette s’estompait dans le brouillard.

« Oui, je vous le promets, mais d’abord… »

Il battit encore en retraite et ne fut bientôt plus qu’une tache noire, et oblongue.

« Adieu, Riedel !… Ne m’en veuillez pas !… Et n’oubliez pas Simon… »

La tache elle-même disparut.

Décidément, c’en était trop. « Maudit poseur ! me dis-je tout bas. Tu n’en manques pas une ! »

Pourtant une angoisse sourde me saisit à la gorge. Je jetai un manteau sur mes épaules et sortis.

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