III Andouillettes et radis noirs

Je suis allé à la poste envoyer un télégramme à Géraldine pour la prévenir que je ne pourrais pas venir les rejoindre avant mardi.

Contretemps – STOP – Arrive Mardi – STOP – François – STOP – PS : Ne m’en veux pas pour le laconisme de ce message mais je préfère ne pas m’étendre, car si j’en crois les indications du tableau de tarification placardé à l’intérieur du bureau de poste, ça coûte vraiment super cher ces putains de télégrammes – STOP.

Ensuite, je suis passé au Champion acheter du pain, du vin, du Boursin, des haricots verts, des radis noirs, du saucisson d’âne et trois filets de maquereau afin d’avoir de quoi manger pour le week-end.

Au retour, je me suis arrêté faire un tiercé à La Civette et j’en ai profité pour écluser vite fait quelques Pelforth avec mon pote Bertrand.

Puis je suis rentré à la maison à dix-neuf heures, juste à temps pour les actualités régionales.

Madamemonsieur bonsoir, tout de suite, les titres de l’actualité :

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«  De passage à Plancoët, le ministre de l’agriculture, Aimé Lengrais, a mangé deux andouillettes et bu un verre de Badoit. »

«  À Plougastan, l’enquête sur la disparition des choux-fleurs de Madame Leprout reste au point mort ; aucune preuve n’a pour l’instant permis d’inculper son voisin, monsieur Lelouch, qui a été relâché après seize mois de garde à vue. »

«  À Saint-Glinglin, une mystérieuse invasion de concombres de mer contraint les autorités locales à décréter la fermeture temporaire des plages alors que commence tout juste la saison touristique ; nous ferons le point avec Monsieur Lebilan, conseiller municipal de Saint-Glinglin en charge des affaires maritimes et de l’entretien des transats. »

«  Météo : pluie, averses, orages et crachin se succéderont harmonieusement tout au long du week-end. Une demi-heure d’éclaircie est toutefois à prévoir dans la nuit de samedi à dimanche au large de la baie de Douadanlnez. »

«  Sport : cent vingt-sept concurrents sont attendus au départ de la course Troupaumé-Bledinic dont on célèbre demain la soixante-huitième édition. Le vainqueur recevra à l’issue de l’épreuve un paquet de rustines et douze tranches de jambon. Nous y reviendrons en détails à la fin de ce journal. »

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«  C’est donc la ville de Plancoët que notre ministre de l’agriculture, Aimé Lengrais, a choisie cette année pour aller manger de l’andouillette. À l’issue de son repas, il a déclaré : – J’ai bien mangé et j’ai bien bu. Puis il s’est rendu sur le parking de la mairie où une kermesse avait été organisée à son intention. Après s’être brillamment illustré au chamboule-tout, le ministre a visité le stand de pêche à la ligne où il a gagné un coupe-ongles et un peigne en plastique bleu. – Je ne me suis jamais autant amusé de ma vie, a-t-il déclaré devant l’assistance ravie. Ensuite, il a rejoint la salle des fêtes où un pot avait été organisé à son inten… »

J’ai coupé la télé et je suis allé à la cuisine me préparer à manger. Je râpais tranquillement des radis noirs pour faire de la compote lorsque soudain, on a sonné à la porte. Trois petits coups brefs et insistants. Ça m’a fait sursauter tellement fort que j’ai été à deux doigts de me râper l’auriculaire. Putain d’bordel de balai d’chiottes ! Quel est l’empaffé qui peut bien venir sonner chez moi, un samedi soir, à dix-neuf heures trente-cinq ?

Autant en avoir le cœur net… j’ai empoigné un tire-bouchon, et je suis allé ouvrir.

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