IV Choux-fleurs et saucisson

C’était Jacky, le facteur, un télégramme à la main.

Gros malheur – STOP – Affreux – STOP – Rentrons demain – STOP – Géraldine – STOP – PS : ne soit pas contrarié par la brièveté de cette missive mais il ne serait vraiment pas raisonnable de t’en dire plus car après avoir pris connaissance des barèmes affichés sur la vitre du guichet de l’agence postale, je te confirme qu’envoyer ces saloperies de messages télégraphiques s’avère extrêmement onéreux. – STOP – PS2 : Hihihi vieux grigou, c’est une blague !! – STOP – Tout va très bien – STOP – On t’attend – STOP – À Mardi – STOP – Bisous – STOP.

Ah… l’humour moldave… je crois que je n’arriverai jamais à m’y faire complètement.

Un peu contrarié, j’ai à peine touché à ma compote et je me suis mis sous la couette avec un Bob et Bobette.

La nuit a été légèrement agitée.

J’ai rêvé que j’étais sur la plage de Saint-Glinglin et que je me débattais au fond d’une brouette, coincé sous un tas de choux-fleurs, tandis qu’un gros lapin gonflable boulottait mon paquet de Petits LU. J’appelais Géraldine pour qu’elle vienne à mon secours mais elle était à l’autre bout du bureau de poste en train de jouer au chamboule-tout avec le ministre de l’agriculture. C’est alors que Peter Mac Roe est arrivé au volant d’une voiture à pédales. Il brandissait un saucisson d’âne et criait : – Don’t worry François ! on va s’occuper de toi ! Bob et Bobette sont sortis du coffre avec une tondeuse à gazon. Juste au moment où ils commençaient à me raser les poils du ventre, je me suis réveillé en sursaut. Sous mon nez, Attila, le chat de la voisine, ronronnait béatement tout en me labourant le gras du bide. Il était sept heures et quart. Encore à moitié endormi, je me suis levé et je suis allé uriner dans le bidet. Dehors, il pleuvait à torrent.

J’ai petit-déjeuné d’une triscotte et d’un filet de maquereau, arrosés d’un verre de vin chaud, puis j’ai enfilé mon ciré et mes bottes en caoutchouc et je suis allé faire un jogging au stade Saint-Ignace. Après avoir tourné trente-huit fois autours du terrain de boules, je suis passé vite fait prendre l’apéro au Saturnin. Là, je suis tombé sur mon vieux copain Godefroid, le maître-nageur de la piscine Saint-Ignace. Je lui ai payé un verre, il a remis ça, j’ai remis ça, il a remis ça, j’ai remis ça, il a remis ça, j’ai remis ça, il a remis ça, j’ai remis ça, il a remis ça, j’ai remis ça, il a remis ça… Je sais plus trop bien ce qui s’est passé ensuite mais quand j’ai voulu partir, Godefroid était allongé sur le billard, en train de chanter Love me tender à l’oreille d’une de mes bottes en caoutchouc. J’ai eu beau insister, le supplier, le menacer, rien à faire, pas moyen de la lui faire lâcher… Du coup, je suis rentré chez moi à cloche-pied… Pile poil pour le journal télévisé.

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