X Barbeau Thon

Le sous-sol du Centre Océanographique et de la Protection des plages de Saint-Glinglin se présente sous la forme d’un long couloir rectiligne bordé d’immenses baies vitrées derrière lesquelles évoluent les créatures marines les plus variées : Sardines, seiches, moustelles, encornets, espadons, calamars, carrelets, mérous, pétoncles, homards, germons, bouquets, pageots, bars, exocets, casserons, rougets, limandes, Saint-Jacques, rascasses, araignées, vives, moules, tourteaux, vieilles, crevettes, turbots, coques, tacauds, pieuvres, carangues, lançons, congres, lottes, morues, berniques, sars, raies, palourdes, cigales, étrilles, lieus, éperlans, zées, barbeaux, thons, dentés, chimères… tout ce joli monde nage, rampe, ondule, ondoie, plonge, barbote, qui dans un bassin, qui dans une bassine, qui dans un bocal, qui dans une piscine.

— Alors, qu’en penses-tu François ?

— C’est vraiment très impressionnant, Peter…

— N’est-ce pas ? Et encore, tu n’as rien vu ! Viens, je vais te montrer ma collection de coquilla…

Soudain, du fond de la pièce s’élève un meuglement funèbre, une sorte de vagissement déchirant, de chant désespéré, dont la poignante tristesse me saisit et me bouleverse.

— Mon Dieu Peter, mais qu’est-ce que c’est que ça ?

— Ah ça, François, c’est un jeune lamantin que nous avons capturé la semaine dernière dans la baie de Saint-Glinglin. Les vaches de mer sont toujours dépressives lorsqu’elles sont séparées de leur troupeau, et celle-ci semble avoir particulièrement du mal à s’y faire… depuis qu’elle est là, elle n’arrête pas de pleurnicher et de se plaindre, à tel point que le Professeur l’a baptisé Ouin-Ouin…

— Franchement Peter, je trouve ça…

— Oui je sais François, you don’t agree… tout cela te semble cruel, mais que veux-tu… c’est dans l’intérêt de la science ! Vois-tu, le Professeur Michel-André Nieux le nourrit exclusivement d’oignons, de choux-fleurs, de fayots, et de pois chiches, afin de le faire péter en abondance, puis il récupère ses gaz et les fait inhaler aux concombres de mer. Il ne lui reste plus ensuite qu’à faire dégorger les concombres et à en analyser le juice. C’est de cette façon qu’il entend pouvoir prouver que ce sont bien les pets de lamantins qui sont à l’origine de cette invasion de cucumbers. Mais viens, allons le saluer, il t’expliquera tout cela beaucoup mieux que moi.

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