En quittant la Courtille-aux-Roses, Simon Malingre se dirigea tout droit vers le Temple, situé à côté, comme nous l’avons indiqué, dans l’intention de rejoindre son maître, le comte de Valois.
L’affreux petit homme débordait d’une joie délirante.
Il se frottait les mains frénétiquement et murmurait :
« Allons ! allons ! c’est dit… je suis encore plus riche que je ne pensais moi-même. Demain j’enlève mon or, j’enfourche un bon cheval, il n’en manque pas dans les écuries de mon maître, et… bonsoir, monseigneur ! débarbouillez-vous comme vous pourrez. »
Par des chemins détournés qui lui étaient familiers, il gagna les appartements du gouverneur et se disposait à entrer dans la chambre de son maître lorsque son propre nom prononcé par une voix connue vint l’arrêter net.
Il ouvrit sans bruit la porte, et, dans l’entrebâillement caché par une tenture qui pendait de l’autre côté, il écouta, retenant sa respiration, la sueur de l’angoisse au front.
Gillonne parlait à Valois de son air doucereux.
« Oui, monseigneur, Simon Malingre est indigne de vos bontés, c’est un traître qui mérite d’être pendu… que dis-je, d’être écartelé et brûlé à petit feu.
– Dis-moi ce que tu as à me dire, mais prends garde… n’essaie pas de mentir… sinon je te ferai arracher la langue et c’est toi que je ferai brûler à petit feu. Parle, maintenant. »
La féroce et vindicative mégère fit alors, en l’amplifiant à sa manière et en chargeant à outrance son ex-fiancé, le récit des événements à la suite desquels Myrtille put enfin être réunie à Buridan.
Simon Malingre, derrière sa porte, était atterré.
Machinalement poussé par l’instinct de la conservation, plus fort que par le raisonnement, il avait fermé doucement la porte et s’était retiré à pas de loup vers un étroit réduit où il savait que nul ne pénétrerait… nul que lui.
Là, se sentant momentanément en sûreté, il se laissa choir lourdement sur un escabeau, ses jambes se dérobant littéralement sous lui, et hébété, hagard, ruisselant de sueur, versant de grosses larmes qui se mêlaient aux gouttes de sueur, sans qu’il parût s’en apercevoir, il se prit la tête à deux mains, geignant sans cesse.
Peu à peu le calme lui revint. Il prit minutieusement toutes les dispositions nécessaires pour ne pas être surpris au cas invraisemblable où on serait venu le relancer jusque-là, s’arrangea dans un coin une sorte de couche et s’étendit voluptueusement en murmurant :
« Je tombe de fatigue… dormons… Nous verrons le reste demain… mais, ma douce Gillonne, tenez-vous bien, je ne suis pas encore écorché vif… Rira bien qui rira le dernier. »