Vers cinq heures du matin, Buridan fut prévenu qu’un mouvement de troupes royales se dessinait vers les barricades, c’est-à-dire vers la rue Saint-Sauveur et la rue aux Piètres, tandis que la rue des Francs-Archers demeurait parfaitement paisible.
« Auraient-ils éventé le piège ? » se demanda Buridan.
Il monta dans la chambre de Myrtille et trouva la jeune fille devant la porte ouverte, écoutant et guettant.
« C’est l’heure, n’est-ce pas ? demanda-t-elle.
– Oui », fit Buridan.
Une indicible émotion l’étreignit alors à cette minute où il allait se séparer de celle qu’il aimait – séparation éternelle peut-être, cette fois.
Quant à elle, pâle comme une morte, elle gardait ce sourire qui électrisait Buridan. Et ce fut elle qui parla :
« Si tu revenais vainqueur, et si le malheur avait voulu qu’Enguerrand de Marigny soit tombé sous tes coups, c’est alors, mon bien-aimé, que nous serions à tout jamais séparés par le sang. Jure-moi, Buridan, jure-moi que, si tu te trouves face à face avec lui, dans la mêlée, ton épée se détournera de lui… »
Buridan se mit à genoux et dit :
« Je jure que je n’ai plus aucune haine contre Enguerrand de Marigny. Je jure que, si le hasard de la mêlée faisait se croiser l’épée du seigneur de Marigny et la rapière de Jean Buridan, la rapière s’abaissera, dût l’épée me percer la poitrine. Es-tu contente, Myrtille ?
– Je te bénis pour la preuve d’amour que tu me donnes. Je te bénis, mon cher amant, puisque tu aimes mieux être uni dans la mort à Myrtille que d’être à jamais séparé d’elle par le sang versé. »
Myrtille avait perdu connaissance.
Buridan la souleva dans ses bras, l’emporta sur le lit.
« Ohé ! seigneur capitaine ! » cria à ce moment une voix.
Buridan reconnut la voix de Bigorne et il se dit que, si Bigorne l’appelait, c’est que l’attaque était imminente.
« Adieu, Myrtille ! » murmura-t-il dans un sanglot.
Il se baissa et, déposant sur ce front virginal un long baiser, il se jeta hors de la chambre sans tourner la tête.
À ce moment, il était terrible.
La voix de Bigorne, une deuxième fois, retentit alors.
« Ohé ! seigneur capitaine, nous avons un prisonnier ! »
Buridan était arrivé en bas.
« Un prisonnier ? demanda-t-il.
– Ou plutôt une prisonnière ! fit Bigorne d’une voix qui parut à Buridan étrangement vibrante. Elle est là », ajouta-t-il, en désignant la grande salle du rez-de-chaussée.
Buridan marcha vers la porte.
« Que veux-tu ? dit Buridan, qui, dans l’exaltation où il se trouvait, redouta une catastrophe inconnue.
– Maître, dit Bigorne, rappelez-vous ce moment solennel où vous avez levé l’épée sur un homme que vous teniez sous vos genoux. L’épée allait frapper. L’homme allait mourir. Alors, je vous ai saisi le bras comme je viens de le saisir et je vous ai dit : « Ne tuez pas le comte de Valois, car le comte de Valois, c’est votre père. »
– Et, maintenant, qu’as-tu à me dire ?
– Rappelez-vous, répondit Bigorne, ce que je vous ai dit ensuite. Je vous ai parlé d’une femme…
– Tu m’as dit, Lancelot, que cette femme c’était… »
Le mot s’étrangla dans la gorge de Buridan.
« Je vous ai dit que c’était votre mère ! dit Bigorne, et maintenant, Jean Buridan, et maintenant, fils du comte de Valois et d’Anne de Dramans, vous pouvez entrer !
– Ma mère ! » balbutia Buridan.
Et il entra.
Mabel était seule dans la grande salle.
Buridan la vit tout de suite dans la demi-obscurité. Il la vit si pâle, avec un visage si douloureux et si rayonnant à la fois, qu’il sentit fléchir ses genoux et s’arrêta contre la porte fermée. Seulement, il éclata en sanglots, ses bras se tendirent dans un geste vague et il répéta :
« Ma mère ! »
… Et tout à coup, il eut cette sensation que deux bras de femme, deux bras frénétiques et tendres le saisissaient avec une violente douceur… Il eut cette sensation, inconnue de lui, que sa tête éperdue se reposait sur un sein de femme qui battait sourdement… Il eut cette sensation de rêve qu’il redevenait enfant et qu’il s’endormait en une délicieuse sécurité sur le sein maternel… Il sentit sur son front une pluie tiède, abondante, précipitée, la pluie des larmes de sa mère… et vaguement, en s’évanouissant, il entendit ces mots :
« Mon Jehan ! mon fils ! je t’ai enfin ! »
Les deux heures qui suivirent furent pour Mabel et Buridan, c’est-à-dire pour la mère et le fils, des heures inoubliables, de ces moments auxquels l’homme, parvenu à la plus extrême vieillesse, reporte encore son souvenir attendri, pour y chercher l’illusion et y trouver encore un dernier rayon, avant de s’enfoncer dans les ténèbres de la mort.
Elle dévorait son fils du regard et le tenait par la main comme pour bien s’assurer que, réellement, elle l’avait. Mais surtout, maintenant que s’était accompli le miracle, elle voulait de toutes ses forces sauver Buridan.
« Maintenant, reprit-elle donc, maintenant, il faut que tu partes…
– Que je parte ?…
– Il faut fuir, te dis-je !…
– Fuir ! Mais même si je le voulais, ma mère, même si je voulais épargner par une lâcheté une douleur que je tremble de vous infliger, comment le pourrais-je ? »
Mabel sortit un parchemin de son sein.
C’était le laissez-passer signé et scellé de la signature royale que Marguerite avait remis à Juana.
Quant au message destiné à Buridan, Mabel le déchira en petits morceaux qu’elle jeta.
Buridan poussa un cri de joie.
« Tu vois ! s’écria Mabel, haletante d’espoir.
– Venez ! ma mère ! venez ! » répondit Buridan qui, entraînant Mabel, lui fit monter l’escalier jusqu’en haut et la poussa dans la chambre de Myrtille.
Buridan désigna la jeune fille, à demi prostrée encore.
« Ma mère, dit-il, si vous voulez que je vive, si vous voulez me donner la force de passer avec mes compagnons à travers toute une armée, voilà celle qu’il faut sauver !… »
*
* *
Une heure plus tard, Mabel et Myrtille franchissaient l’une des barricades élevées par les truands et entraient dans la rue aux Piètres.
Mabel avait le visage aussi calme et indifférent que lorsqu’elle se trouvait près de Marguerite dans le Louvre ; il eût été impossible de saisir chez Myrtille un indice de crainte ou d’émotion. Elle allait comme en rêve… elles étaient en présence de la première ligne d’archers.
« Holà, ribaudes ! ricana le chef du poste. Halte !… »
Mabel marcha à l’officier qui venait de parler ainsi.
« Vous venez d’insulter deux femmes appartenant à la reine. Votre nom ?
– Ça, fit l’officier, interloqué, es-tu folle, femme ?… Holà, qu’on arrête…
– Votre nom ? » répéta Mabel en mettant sous les yeux de l’officier le parchemin royal.
L’officier pâlit… Il s’inclina, se courba et balbutia :
« Je ne savais pas… Par grâce, n’exigez pas mon nom et pardonnez-moi…
– C’est bien. Je pardonne. Faites-moi escorter jusque hors des lignes…
– Dix hommes d’escorte ! cria l’officier en respirant. Et qu’on veille à ce que pas un mot, pas un regard ne déplaise à ces deux femmes jusqu’à ce qu’elles soient hors des lignes ! Sans quoi, les fers !… »
Tout à coup, Mabel, à l’un des nombreux détours de la rue, comprit qu’elle se trouvait dans le voisinage d’un chef important. Et, en effet, là, bien que les hommes d’armes fussent plus nombreux, un grand silence régnait dans la rue.
« Hâtez le pas, dit-elle au chef de l’escorte, car la reine attend la réponse que je dois lui apporter. »
À ce moment, des trompettes sonnèrent.
Plusieurs officiers sortirent et, parmi eux, un homme de haute stature, à la physionomie rude, aux yeux sombres.
« Marigny !… murmura Mabel.
– Quelles sont ces deux femmes ? demanda-t-il. Pourquoi ont-elles une escorte et d’où viennent-elles ? »
D’un geste prompt comme l’éclair, Mabel remit au chef de l’escorte le parchemin royal et lui glissa à l’oreille :
« Répondez. Cinquante écus d’or pour vous si ce chef ne vous retient pas longtemps. C’est de la part de la reine.
– Monseigneur, dit le soldat en déployant le parchemin, ces femmes ont un laissez-passer et elles sont attendues au Louvre dans un instant. »
Marigny jeta un coup d’œil sur le parchemin et ordonna qu’on laissât passer les deux inconnues.
Dans le même instant, ses yeux se reportèrent sur le visage de Mabel. Il tressaillit. Son visage devint très pâle. Il fit deux ou trois pas rapides.
« Mabel ! » fit-il, sourdement.
Dans ce moment, un soupir désespéré gonfla le sein de Myrtille. Elle se renversa dans les bras de Mabel. Sa capuche retomba légèrement…
« Damnation ! gronda Enguerrand de Marigny, c’est Myrtille ! »
En même temps, dans la foule des archers, stupéfaits, avec une sorte de cri où il y avait une joie furieuse et un défi suprême, il saisit sa fille dans ses bras puissants, la souleva et l’emporta évanouie dans l’intérieur du logis.
« Malédiction ! » rugit Mabel.
Et elle-même se jeta d’un bond à la suite de Marigny.
Celui-ci avait déposé Myrtille sur une sorte de large canapé rembourré de coussins, et, sans plus s’occuper d’elle, au bruit que fit Mabel en entrant, il se retourna et, lançant à celle-ci un regard foudroyant, marcha sur elle, terrible, presque auguste, car, dans cette minute, il portait sur sa physionomie le double sentiment de la joie et de la douleur paternelles à leur suprême degré.
« Marigny, dit Mabel, regarde derrière toi. »
Marigny se retourna d’instinct et vit Myrtille qui, à pas chancelants, les mains jointes, marchait vers lui.
« Marigny, reprit Mabel, demande à ta fille si elle veut rester près de son père ou suivre Mabel la maudite. »
Le poing retomba lentement et Marigny, hagard, balbutia :
« Qu’est-ce à dire ?… Elle ne t’entraîne donc pas de force ? Tu la suis donc volontairement ?… Parle !… Je comprends, ajouta-t-il tout à coup en se frappant le front, Marguerite de Bourgogne, c’est ta mère ! et, pauvre enfant, tu veux rejoindre ta mère !… Myrtille, mon enfant chérie, oublie un instant que c’est le premier ministre qui te parle. Rappelle-toi seulement que je suis encore pour toi Claude Lescot, que tu as tant aimé. Rappelle-toi comme tu entourais mon cou de tes deux bras et comme avec tendresse tu me disais : « Père, quand serez-vous pour toujours près de votre fille ?… » Et maintenant, Myrtille, dis-moi, est-ce à Marguerite de Bourgogne que tu veux aller ? Ou bien veux-tu accorder à mon cœur meurtri un peu de ta pitié ?… Myrtille, demeures-tu près de ton père, ou suis-tu Mabel, la détestable exécutrice des ordres de ta mère ?… »
Myrtille se mit à genoux, saisit une main de Mabel, et prononça simplement :
« Père, c’est la mère de Buridan… »
Enguerrand de Marigny chancela. Il porta la main à son front et dans sa gorge râla un sanglot qui se termina par un éclat de rire effrayant.
« C’est dans l’ordre, fille de Marguerite de Bourgogne ! Ah ! c’est là la mère du truand ! ajouta-t-il avec un éclat de rire. Eh bien, j’aurais dû le deviner ! À tel fils, telle mère ! La mère s’est faite l’infamie ! le fils s’est fait le vol ! La mère est l’humble et ignoble servante d’une ribaude couronnée, le fils guette les passants aux détours des chemins pour les détrousser et les filles au fond des courtilles pour les enjôler !… Eh bien, par les plaies du Christ, je ne suis plus ici le père qui pleure et supplie, je suis le ministre qui ordonne et fait justice ! Mère de Buridan, je t’arrête ! Et ton crime, c’est d’avoir pour fils le chef des truands. Fille de Marguerite de Bourgogne, je t’arrête ! Et ton crime, c’est… »
À ce moment, et tandis que Marigny, ivre de rage, balbutiait et levait ses deux mains crispées, comme pour saisir à la fois Mabel et Myrtille, à ce moment, disons-nous, un bruit d’éclatante fanfare monta dans la rue.
Une rumeur lointaine grandit et s’approcha rapidement, apportant jusqu’à Mabel les cris mille fois répétés de : « Vive le roi ! »
Marigny n’entendait rien. Mais Mabel avait entendu.
D’un bond, elle fut à la fenêtre.
« Eh bien, cria-t-elle, puisqu’on arrête la fille de Marguerite de Bourgogne, il faut que le monde sache ! Il faut que le monde épouvanté apprenne que la reine de France a été la maîtresse d’Enguerrand de Marigny ! Il faut que le roi sache que son premier ministre arrête la fille de son épouse ! »
Marigny demeura hébété, comme frappé de la foudre.
« Le roi !… »
Dans l’escalier retentit le pas de Louis Hutin et de son escorte.
« Voici le roi, dit Mabel à haute voix. Eh bien, monseigneur, faut-il que je demande à l’époux de Marguerite la grâce de la fille d’Enguerrand de Marigny ?
– Silence, femme ! rugit Marigny.
– Laissez passer, monseigneur, ou, par le Dieu que vous invoquiez tout à l’heure, le roi va savoir.
– Silence ! bégaya Marigny, dont les cheveux se dressaient sur la tête.
– Sommes-nous libres ? Je me tais. Sinon… »
Marigny courut à la porte, l’ouvrit, ou plutôt la défonça d’un coup de pied.
Et, d’une voix pareille à un gémissement, il cria :
« Ordre du roi ! laissez passer… »
Mabel avait saisi, empoigné Myrtille dans ses bras, et, farouche, terrible, flamboyante, toute droite, elle descendait l’escalier, emportant la fiancée de son fils…
« Le roi ! » annonça une voix éclatante à l’autre porte.
Marigny, le visage décomposé, la démarche chancelante, alla à la rencontre de Louis Hutin.
« Sire, balbutia-t-il en se courbant plutôt comme un homme accablé sous le poids d’un malheur que comme un seigneur qui salue le roi.
– Eh bien, Marigny, fit Louis Hutin de sa voix joyeuse, vous avez entendu, n’est-ce pas ? que mes braves demandent bataille. Sommes-nous prêts ?
– Oui, Sire, nous le sommes ! répondit Marigny en se redressant et, cette fois, d’un accent si terrible que chacun songea qu’il allait y avoir une fameuse capilotade de truands. Nous sommes prêts, et malheur aux rebelles !…
– Bataille, donc ! » cria Louis Hutin.
Mabel et Myrtille étaient parvenues au logis du cimetière des Innocents. Le premier soin de la mère de Buridan fut de barricader la porte d’entrée. Puis elle vint s’asseoir près de la jeune fille, que cette scène avait brisée.
« Je n’avais pas de mère, murmura-t-elle enfin, et je n’ai plus de père…
– Cet homme est dans la main de Dieu, dit Mabel avec solennité. Où va-t-il ? À quelle catastrophe ?… Je ne sais… mais il est marqué, compté, pesé…
– Ô mon père…
– Il faut t’habituer à cette pensée que ton père est mort le jour où, pour la dernière fois, tu as vu Claude Lescot… Et quant à Enguerrand de Marigny, tu l’as entendu !… Et quant à celle qui est ta mère… tout à l’heure, à midi, quelqu’un va venir ici qui pourra t’en parler.
– Quelqu’un ? » demanda Myrtille.
Mabel ne répondit pas. Elle s’absorbait en sa rêverie.
À midi, celui qu’elle attendait ne vint pas : le malheureux Roller n’avait garde de venir ; il avait, comme on dit, reçu son compte. S’il était mort ou s’il lui restait chance de vie, c’est ce que nous verrons en temps et lieu.
Mabel sortait des ténèbres de la haine.
Elle venait de retrouver son fils. Elle tenait dans sa main la main de celle pour qui son fils vivait : elle entrait dans la lumière.
Dans sa rêverie, elle s’interrogeait avec étonnement : elle constatait que cette haine, qui jusqu’alors avait été sa raison d’être, passait à l’arrière-plan de ses préoccupations. Elle se surprenait à penser que la reine était peut-être moins criminelle que ne la faisaient les apparences.
Une sorte d’indifférence lui venait.
La question vitale, chez elle, n’était plus la vengeance.
Que Marguerite de Bourgogne reçût son châtiment ou continuât à vivre dans la puissance et la gloire, Mabel comprenait que ce n’était plus là pour elle-même une question de vie ou de mort.
Pendant les deux jours qu’elle passa au logis du cimetière, elle songea à ces choses sans prendre de résolution. Myrtille reprenait courage. Elle aussi renaissait à la vie.
Le soir du deuxième jour, Mabel sortit : sans doute elle allait aux renseignements. Lorsqu’elle rentra, ses yeux brillaient. Et comme Myrtille l’interrogeait, elle se contenta de lui dire :
« Je crois maintenant que nous pouvons aller attendre à Montmartre, où Buridan ne tardera pas à nous rejoindre… C’est ce que nous ferons demain matin.
À l’aube, les deux femmes étaient prêtes à partir.
Mabel songeait à Wilhelm Roller, qui n’avait pas reparu.
« C’est donc que je ne dois plus m’occuper du sort de Marguerite… se dit-elle. Les papiers sont là… Les papiers accusateurs qui prouveront au roi l’infamie de Marguerite. Dois-je les détruire ? Pourquoi ? Dois-je les emporter ?… Non ! Ce que je dois faire, c’est de ne pas m’en mêler !… Les papiers resteront où ils sont ! Si Roller vient et qu’il les trouve… eh bien, Marguerite sera punie ! S’il ne vient pas, ou si, étant venu, il ne les trouve pas, eh bien, c’est que Marguerite est pardonnée par Dieu comme elle l’est peut-être par moi ! Laissons-la dans la main de Dieu ! »
Mabel et Myrtille se mirent donc en route. Mabel avait acheté la veille un âne qu’elle couvrit elle-même de son double bât avec beaucoup de dextérité. Elle prit Myrtille dans ses bras et l’assit sur un des côtés du bât ; sur l’autre côté, elle plaça un sac contenant divers objets et notamment une cassette très lourde.
La cassette était pleine d’écus d’or.
Ce fut ainsi que Myrtille sortit de Paris.
Deux heures plus tard, la mère et la fiancée de Buridan arrivaient au village de Montmartre, composé de quelques misérables chaumières agenouillées autour d’une chapelle. Ce fut dans une de ces chaumières qu’elles s’installèrent. Et comme, par-dessus la cime des bois qui couvraient les pentes, on apercevait au loin les remparts et les tours de Paris, Myrtille chercha des yeux le point probable où se trouvait Buridan.
Mais elle ne vit qu’un hérissement de toits aigus, et, au loin, les grosses tours du Louvre, et plus loin encore une tour isolée qui semblait s’estomper dans une buée grise comme un fantôme du fond d’un rêve.
« Mère, quelle est cette tour étrange et solitaire ? »
Mabel tressaillit et répondit :
« La Tour de Nesle ! »