V GEÔLIER ET GEÔLIÈRE

Un cri, à cet instant, emplit le cachot. Les deux frères eurent un recul. Qui criait ainsi ? Marie ! Allait-elle céder ?

– Il faut l’achever ! murmura rapidement Henri.

– Qu’on la conduise à la chambre de torture, cria François.

Un cri, encore, éclata sur les lèvres de Marie. Puis elle se tut. La porte du cachot s’était ouverte. Marie vit quatre hommes qui attendaient. Son instinct la prévint que c’étaient là le bourreau et ses trois aides ; elle tomba à genoux.

– Elle va céder ! murmura Henri dans un souffle.

– Elle est à nous ! gronda François.

Le bourreau s’avança. Les aides le suivirent… Ils se penchèrent sur la jeune femme agenouillée… À ce moment, elle se tordit sur le sol en jetant trois ou quatre appels déchirants.

Presque aussitôt, elle se tut. Ce fut, dans ces profondeurs d’enfer, un silence effrayant… Et tout à coup, dans ce silence, une voix faible, vacillante… le premier cri de l’être qui naît. Le vagissement de l’enfant !…

Du fils de Nostradamus !…

François et Henri, livides, les cheveux hérissés, reculèrent.

– La sorcière a enfanté ! gronda le bourreau. Faut-il tout de même la conduire à la chambre de question ?

– Laissez-la ! Laissez-la ! bégayèrent ensemble François et Henri en claquant des dents.

Et tous deux s’enfuirent, les mains aux oreilles, pour ne pas entendre les vagissements de l’enfant qui appelait la vie !… Le bourreau s’en alla, suivi de ses aides.

Alors le geôlier entra dans le cachot, promena son falot sur ce pauvre tas de chairs. Cet homme pâlit. Un long moment, il demeura pensif, tout frissonnant. Et tout à coup une larme jaillit de ses yeux qui n’avaient jamais pleuré. Il se releva, sortit en courant.

Cinq minutes plus tard, il redescendit, accompagné d’une femme jeune encore, de figure commune. C’était sa femme. Les vagissements de l’enfant devenaient plus faibles ; le visage de la mère était d’une pâleur de cadavre.

– Gilles, si je la soigne, peut-être que je serai damnée ?

– Ça se peut, la Margotte. Et peut-être serai-je chassé.

– Ça se peut aussi. Mais ce pauvre petiot qui veut vivre !…

– Et cette malheureuse qui ne veut pas mourir !

La Margotte fit un signe de croix et se mit à soigner la mère et l’enfant !… L’enfant criait. La mère était muette. Quand ce fut fini, le geôlier jura et dit :

– Nous serons damnés, et chassés par-dessus le marché !

La Margotte tenait le petit dans ses bras. Elle dit :

– Cours chercher du lait !…

Dans ce moment, Marie entr’ouvrit les yeux. Son premier regard tomba tout droit sur l’enfant. Doucement, elle tendit les bras. La Margotte, d’un geste aussi doux, lui remit l’enfant, le tout petit que d’une étreinte farouche et passionnée, elle serra sur son sein maternel… Quand Gilles redescendit, il vit la geôlière qui pleurait à chaudes larmes, et la prisonnière, qui, extasiée, souriait !…

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