IV LA CONDAMNÉE

Des jours passèrent. Marie demeurait accroupie. Elle ne cria pas. Elle ne pleura pas. Toute conscience de vie fut abolie en elle. Une seule pensée surnagea : Il ne viendra pas !

À plusieurs reprises, il lui sembla voir apparaître devant elle François et Henri, tantôt ensemble, tantôt l’un ou l’autre seul. Elle ne les entendait pas. Une fois, elle comprit qu’ils proféraient une menace. Et cette fois-là, lorsqu’ils eurent disparu, on l’obligea à sortir et elle parvint enfin dans une salle obscure où des hommes vêtus de noir étaient assemblés…

Entre autres questions, elle fut adjurée de dire depuis combien de temps elle avait des accointances avec le démon, et si elle avait signé un pacte avec lui. Marie secoua la tête sans répondre. Cela dura longtemps. Puis deux hallebardiers l’obligèrent à s’agenouiller, et l’un des hommes se mit à lire sur un parchemin.

Et c’était le tribunal de l’Official !… Et ce que lisait cet homme, c’était sa condamnation à être brûlée vive en place de Grève et à subir la question jusqu’à ce qu’elle eût expliqué la nature de ses relations avec les puissances infernales. Après quoi, elle fut ramenée dans son cachot.

Des jours encore s’écoulent. Et des mois se sont passés depuis la nuit où Renaud est parti pour Montpellier.

Ce fut dans une des minutes où, à pas vacillants, elle parcourait son cachot, que la porte s’ouvrit : le geôlier livra passage à deux hommes, déposa son falot dans un coin et s’éloigna. Marie regarda ses visiteurs et reconnut aussitôt les deux princes.

François marcha sur Marie et lui prit la main. Henri, aussitôt, saisit l’autre main de la victime.

– Nous sommes ici deux frères, dit alors François, et nous nous haïssons parce que vous nous avez inspiré le même amour. C’est une chose étrange, Marie.

– Oui, fit Henri, une chose étrange et qui suffit pour démontrer vos relations avec les puissances infernales. C’est pourquoi le roi veut que vous soyez questionnée…

– Et la question, reprit François, c’est la torture…

– La torture ! frissonna l’infortunée.

Henri et François haletaient. Mais leurs physionomies gardaient l’entêtement de la passion à son paroxysme.

– Marie, reprit, François, nous vous arracherons à la torture, au bûcher. Si vous le voulez, vous allez sortir d’ici.

– Pour changer votre misère en splendeur, gronda Henri, vous n’avez qu’un mot à dire. Puis, l’un de nous se présentera seul avec vous. Car nous avons décidé de nous en rapporter aux armes, et le vainqueur seul aura le droit d’assurer votre bonheur.

– Répondez, Marie, grinça François.

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