Au coup de sifflet, les quatre malandrins, assis sous la cheminée, se levèrent. L’aubergiste ouvrit la porte.
– Il serait temps de faire un plan, dit Trinquemaille.
– Vivadiou ! fit Strapafar, plus je songe à cette expédition, plus il me semble que j’ai déjà la corde au cou.
– Ya ! ponctua Bouracan, che me grois la corde au gou.
– Porco-dio ! grommela Corpodibale. Enlever la fille de messire de Roncherolles, grand prévôt di Parigi.
– Messieurs, reprit Trinquemaille, j’ai trouvé la solution : il faut que Le Royal marche avec nous !… Qu’en dites-vous ?
Une acclamation accueillit ces paroles. Et tout aussitôt, les quatre braves se tournèrent vers l’escalier.
– Le voici ! grognèrent-ils en s’inclinant.
– C’est bien, dit Beaurevers. Je vous pardonne.
En même temps que Le Royal apparaissait, un jeune homme venu du dehors faisait irruption dans la salle en criant :
– Êtes-vous prêts ? Mon cavalier me prévient qu’elle passera ici dans vingt minutes ; il a vu le carrosse partir de Melun. En route ! Je vais vous distribuer vos postes…
C’était un jeune homme d’une vingtaine d’années, le teint pâle, les lèvres minces, les traits durs, l’œil vague.
– Monseigneur, dit Trinquemaille, nous avons réfléchi que cette expédition est contraire aux lois de notre maître Jésus.
– C’est vrai, Dio-ladro ! ajouta Corpodibale en se signant.
– Ya, gronda Bouracan. Il afre défendu de se faire bendre.
– Eh ! vivadiou, il faudrait être Turcs ou Arabes pour faire pleurer cette pigeonnette ! dit Strapafar d’un air contrit.
Le Royal de Beaurevers regardait le nouveau venu. Au haut de l’escalier, quelqu’un écoutait aussi…
– Holà, hurla celui qui venait d’entrer, est-ce une trahison ? Songez que j’en parlerai à mon père et que cela pourra vous coûter cher.
– Monseigneur, dit Trinquemaille, ne nous mettez pas dans l’obligation de vous faire sortir de cette auberge les pieds devant.
Le jeune homme pâlit et jeta un coup d’œil vers la porte.
– Vé ! reprit Strapafar. Nous voulons bien vous remettre votre amoureuse, mais nous voulons que notre capitaine en soit.
– Votre capitaine ?…
– L’illustre Royal de Beaurevers que voici, dit Trinquemaille. Capitaine, voici messire Roland de Saint-André, fils de Mgr Jacques d’Albon de Saint-André qui veut enlever Florise de Roncherolles, fille de notre prévôt…
Là-haut, il y eut quelque chose comme un soupir qui pouvait être un rugissement de joie féroce, et, dans l’ombre, la tête livide de Nostradamus s’injecta de fiel… Les deux jeunes gens se regardèrent de travers.
– Soit ! grinça Roland de Saint-André. Vous serez cinq au lieu de quatre. Consentez-vous ?
– Cela dépend du prix que vous y mettez, dit froidement Le Royal.
– J’ai promis cent écus à vos camarades.
– Du moment que je suis là, c’est le double, tudiable ! Cent écus ! Ventre du pape ! Il m’en faut cent à moi tout seul, quand je vais rouler à travers les cabarets de la rue Pute-y-Muce après un bon souper à la Devinière. Ce sera deux cents écus, ou bien la donzelle passera son chemin.
– Eh bien ! soit ! fit le jeune Saint-André. Deux cents écus. Prix convenu. Hâtons-nous. Venez que je vous poste !
– Un moment, dit Le Royal. C’est moi seul qui dirige l’expédition. Vous allez vous tenir en repos au coin du feu. Et je vous apporte la petite fille. Sinon, rien de fait. Est-ce dit ?
– C’est dit ! Je vous laisse maître du champ de bataille.
– Bon ! reprit Le Royal. Avec moi, on paie d’avance.
– Oh ! oh ! gronda Roland de Saint-André, est-ce que vous n’auriez pas confiance en moi, d’aventure ?
– Non, fit tranquillement Le Royal. Ni en vous, ni en personne. Ainsi, payez ou je m’en vais.
Saint-André jeta au truand un regard mortel, et, entr’ouvrant son manteau, jeta sur la table une lourde bourse dont il versa le contenu. Il se mit à compter rapidement. Il y avait deux cent quinze écus, Le Royal rafla le tout en disant :
– Les quinze écus qui restent paieront le vin. En route !
La bande disparut au dehors dans les ténèbres, parmi les hurlements du vent. Saint-André, pâle, haletant, demeura debout au milieu de la grande salle maintenant silencieuse, écoutant de tout son être… Et sur cette figure, pesait le regard de Nostradamus qui, de là haut, contemplait avec ivresse, le fils de Jacques d’Albon de Saint-André… le fils de l’un de ses deux amis !
Soudain, au dehors, sur la route, un grondement de roues ; puis, tout à coup, des cris, des vociférations ; puis des détonations d’arquebuses ; puis un cliquetis d’épées, des clameurs, des hurlements de blessés, tout le tumulte d’une attaque à main armée et d’une solide défense, puis le galop de chevaux qui fuient, et, tout à coup, un silence terrible !
Saint-André était cloué au sol. Ses yeux se rivaient à la porte. Nostradamus avait descendu quelques marches de l’escalier, et lui aussi regardait avidement vers cette porte, attendant celle qui allait entrer… la fille de Roncherolles ! La fille de son autre ami !
– La fille de Roncherolles ! Le fils de Saint-André ! Là ! Sous mes yeux ! Ah ! voilà la preuve éclatante que le Destin est un être vivant qui m’a pris par la main et me conduit au terme de la vengeance qui doit occuper la vie que je vis en ce siècle ! Car voici sous mes yeux, les enfants de ceux que je hais ; car voici le fils de Saint-André qui veut déshonorer la fille Roncherolles ! Et qui lui apporte la fille à déshonorer ? C’est le fils d’Henri II, roi de France ! Le fils de celui à qui ils ont livré Marie… Le fils du roi de France !
Dans ce moment la fille de Roncherolles entra.
Le Royal de Beaurevers la tenait par un bras. Il était ivre de la bataille, l’œil étincelant. Derrière lui, entra pêle-mêle la bande des quatre malandrins plus ou moins éclopés. Corpodibale essuyait le sang qui coulait sur son visage et vociférait :
– Dio-cane, la madonna lavandaia ! Ils étaient huit ! Quels coups ! Quelle marmelade !
– Ils étaient bien neuf, mon doux Jésus, dit doucement Trinquemaille qui déjà pansait une de ses jambes.
– Ah ! lou couquin de Royal ! rugissait Strapafar. Quente apitodado ! Et l’on hable de Roland à Roncevaux, té ! Le Royal en aurait fait une brandade !
– Ya ! tonitrua Bouracan. Il afre vendu le crâne du bremier et bercé les ventres des deux suivants.
– Silence ! vociféra Le Royal. Qu’on ferme la porte !
Roland de Saint-André avait reculé jusqu’à la cheminée. Il tremblait. Il avait remonté son manteau jusque devant son visage mais il ne perdait pas de vue celle qui venait d’entrer et son regard exprimait une passion terrible.
– Monsieur, dit Le Royal en lâchant la jeune fille, voici la donzelle. Je vous l’apporte. Nous sommes quittes.
La jeune fille se tenait très ferme. Dès que Beaurevers l’eut lâchée, elle marcha à Saint-André. Et sa voix s’éleva :
– C’est donc vous qui faites arrêter et qui séquestrez les femmes par violence et félonie. Qui êtes-vous ? Vous faites bien de cacher votre figure. Je verrais un visage de lâche…
Saint-André frémit. Un frisson de rage le parcourut.
– Sachez-le ! continua-t-elle. On ne porte pas impunément la main sur Florise de Roncherolles. Je ne parle pas de ces misérables truands qui ne sauraient compter… mais vous, qui êtes gentilhomme, osez me regarder comme je vous regarde.
Elle fit tomber la capuche qui recouvrait sa tête. Elle était grande, svelte, d’une admirable pureté académique. L’indignation colorait son visage ; ses lèvres s’ouvraient comme une fleur de corail. Ses yeux bruns avaient l’éclat chatoyant de la soie. Une opulente chevelure brune retombait sur ses épaules. Sa beauté était de celles à qui il est impossible de demeurer inaperçue.
Le Royal de Beaurevers était devenu très pâle !…
La sombre figure de Nostradamus dominait cette scène.
– Si belle ! murmura Le Royal au fond de lui-même. Quoi ! Si belle, si fière, si pure ! Tant d’innocence dans ses yeux !…
– Allons, reprenait Florise, rassemblez mes serviteurs, reconduisez-moi à ma chaise, et peut-être oublierai-je !
Saint-André fit deux pas rapides et lui saisit la main.
– Pourrais-je, gronda-t-il, oublier l’amour qui me brûle !
– Oh ! bégaya-t-elle avec un cri de honte, qui êtes-vous ?
– Qui je suis ? Ne le devinez-vous pas ? Eh bien ! regardez-moi donc, et voyez en moi celui qui depuis un an vous supplie à genoux de l’accepter pour époux.
– Roland de Saint-André !
Un cri de détresse échappa à la jeune fille. Un cri de terreur, peut-être. Elle dégagea sa main, et, devenue toute blanche :
– À la félonie de vos moyens, j’eusse dû vous deviner !
Saint-André grinça des dents :
– Félon, oui, mais je vous aime, moi ! Vous ne voulez pas de moi. Eh bien, je vous tiens. Je ne vous lâche plus.
Et il avança encore sur elle. Florise recula en criant :
– N’y a-t-il pas un homme ici qui me délivre de ce félon !…
En même temps, elle jeta autour d’elle un regard éperdu. Et alors, chose inouïe, ce fut vers Le Royal de Beaurevers, anéanti de stupeur, qu’elle se dirigea. Ce fut sur l’homme qui avait rudement porté la main sur elle que Florise leva ses yeux pleins de larmes !…
Roland de Saint-André s’avança, le visage convulsé. À ce moment, on entendit sur le sol le bruit d’une bourse qui tombait. C’était la bourse qui contenait les deux cent quinze écus… Le Royal de Beaurevers venait de la jeter aux pieds de Saint-André !
– Tenez, monsieur, dit le truand, reprenez votre argent !…
Florise jeta un rapide regard sur Le Royal. Presque aussitôt, elle détourna les yeux.
– Qu’est-ce à dire ? grinça Saint-André.
– C’est-à-dire qu’il faut reprendre votre or, voilà tout ! dit Le Royal en poussant la bourse de cuir du bout de sa botte.
– Seigneur Jésus, saint Pancrace ! bredouilla onctueusement Trinquemaille. Notre beau Royal a perdu la tête.
– Vélou ! fit Strapafar. Lou couquin, il perd la tête.
– Porco-Dio ! grogna Corpodibale. Il perd la testa.
– Sacrament ! larmoya Bouracan. Il n’afe plus son tête.
– Silence ! tonna Beaurevers.
Les quatre, qui déjà allongeaient quatre griffes vers la bourse, se redressèrent d’un bond.
– À vos chevaux ! commanda rudement Beaurevers. Assurez-vous si la chaise de cette noble demoiselle est en état. Et soyez prêts à l’escorter jusqu’à Paris.
Pour la deuxième fois, Florise leva les yeux sur le truand. Le truand de Petite-Flambe avait baissé la tête et s’absorbait en ses réflexions. Saint-André le toucha du bout du doigt.
– Que voulez-vous ? bégaya Le Royal avec effort.
– Or çà, mon maître, grinça Saint-André, vos gens l’ont dit : vous perdez la tête. Que prétendez-vous faire ?
– C’est bien simple : je vais reconduire à son père messire le grand prévôt cette demoiselle que vous m’avez chargé d’arrêter. Vous m’aviez payé pour cela et j’ai loyalement accompli ma besogne. Maintenant, il ne me plaît pas de continuer ce jeu, je vous rends donc votre argent.
– Misérable ! sais-tu bien que je te ferai rouer vif !
– Oh ! tudiable, ne m’échauffez pas les oreilles. Allons, reculez-vous. Je vois que cette demoiselle ne peut souffrir votre contact. En conséquence, je vous défends d’approcher d’elle.
– Eh bien, meurs donc ! hurla Saint-André, qui dégaina et porta au truand un rude coup qui l’eût tué, si d’un bon de côté, il ne se fût mis hors de portée.
Aussitôt, Le Royal se trouva la rapière au poing. Il y eut un rapide cliquetis et tout à coup, Saint-André poussa un hurlement. D’un cinglement, la rapière du Royal l’avait fouetté au visage et zébré sa joue d’une raie rouge. Dans l’instant qui suivit, la pointe avait pénétré dans son épaule.
– C’est le coup de beau revers, dit simplement Le Royal, tandis que Saint-André tombait à la renverse.
– Je te retrouverai ! rugit-il. Tu appartiens au bourreau !
Florise frissonna. Le Royal pâlit.
– Au bourreau ! murmura-t-il. Oui. J’appartiens au bourreau depuis la minute de ma naissance. Aubergiste, écoute : il y a là-haut le corps d’un homme qui fut mon seul ami sur la terre. Tu feras enterrer dignement le pauvre Brabant, et tu donneras un écu à un prêtre pour qu’il le gratifie de quelque prière. Je reviendrai sous deux jours m’assurer que tu as exécuté mon ordre, et il y aura alors dix beaux écus pour toi. Venez, madame !
Il sortit. Florise le suivit. Saint-André s’était évanoui. L’hôte demeuré seul se baissa, saisit la bourse demeurée sur le sol.
– Je dirai que c’est le truand qui l’a emportée ! gronda-t-il.
Le carrosse qui emportait Florise roulait dans la nuit. Les quatre malandrins galopaient, la rapière au poing. Le Royal avait enfourché l’un des chevaux de la chaise, et conduisait lui-même en postillon consommé.
À l’aube, la voiture arriva devant les portes de Paris, et se dirigea vers l’hôtel du grand prévôt, au bout de la rue Saint-Antoine, en face la bastille du même nom. À sept heures du matin, elle entra dans la cour de l’hôtel. Un homme grand, fort, était là, qui reçut Florise dans ses bras, où il la retint avec une tendresse passionnée. C’était le grand prévôt de Paris.
– Pourquoi reviens-tu si tard ? Qu’est-il arrivé ?…
Les quatre compagnons étaient demeurés dans la rue, par prudence. Le Royal de Beaurevers s’avança, salua tandis que le grand prévôt le considérait de son œil d’oiseau de proie.
– Monseigneur, dit-il, j’ai été payé pour enlever cette demoiselle et la remettre à un gentilhomme dont elle vous dira le nom.
– Oh ! murmura Florise, tout bas, vous vous perdez !…
Et le sein de la vierge se mit à palpiter.
– Or çà ! gronda le grand prévôt, est-ce que je rêve ?…
– Vous ne rêvez pas, seigneur grand prévôt. J’ai donc arrêté cette demoiselle et l’ai remise au gentilhomme de qui j’avais reçu deux cent quinze écus.
– Holà, mes gardes, tonna le grand prévôt.
– Mon père ! supplia Florise tremblante d’émotion.
– Seulement, continua Le Royal, la figure de ce gentilhomme m’a déplu. Alors, je lui ai rendu ses deux cent quinze écus, j’ai ramené la demoiselle ici. Voilà ce qui est arrivé. Adieu !
– Gardes, arrêtez cet homme ! écuma le grand prévôt.
Une douzaine d’archers s’élançaient sur Le Royal, tandis que deux ou trois autres fermaient la grande porte de l’hôtel.
– Tudieu ! grogna Le Royal. Si je me laissais arrêter pour voir une minute de plus Mlle Florise ! Mais non ! Elle me verrait pendu.
Sa rapière traça un large éclair ; puis il fonça.
– Arrête ! Arrête ! Au gibet ! vociféra le grand prévôt.
– Grâce pour lui ! balbutia Florise.
– Au truand ! À la rescousse ! hurlèrent les gardes.
Il y eut un tourbillon furieux, des clameurs de rage, des chocs d’acier. Dans ce tourbillon, un être qui ne faisait qu’un avec sa rapière, une lame d’acier vivante, frappait de taille, de pointe, de revers – et Florise regardait cela sans se rendre compte que le vœu secret de son cœur était pour le truand qui l’avait arrêtée !…
– Au large, par le doux Jésus ! fit une voix mielleuse.
– Ya ! tonitrua une autre. Au larche, sacrament !
– Ascout’ oun pau, moun pigeoun ! claironna une troisième.
– Trippe del papa ! hurla une quatrième.
Trinquemaille, Bouracan, Strapafar, Corpodibale, violemment avaient repoussé les battants de la grande porte, et foncé, tête basse.
Toutes les portes de l’hôtel, dans la cour intérieure, vomissaient des gens d’armes. Cinquante gardes enveloppaient le groupe monstrueux, hérissé d’acier : Le Royal, Bouracan, Corpodibale, Trinquemaille, Strapafar ; on ne voyait que leurs bras se lever et s’abattre, et, autour, les gardes tourbillonnaient.
Roncherolles enveloppa sa fille de ses deux bras, la transporta jusque sur le perron de l’hôtel, et voulut l’entraîner à l’intérieur. Mais Florise reprit pied sur le sol.
– Je veux voir ! dit-elle.
– Regarde ! Ces cinq truands à la potence, sur l’heure !
– Petite-Flambe en avant ! tonna Le Royal.
Et le groupe enragé, serré en tas, troua les rangs des gardes culbutés, piqua droit sur la porte… Elle était fermée !
Le Royal jeta un regard autour de lui : là-bas, dans la cour, une petite porte béait. Du geste, il la désigna à ses compagnons. La bande parmi les chocs de fer, les cris, marcha à la porte, et s’y enfonça, apocalyptique vision que contemplait Florise du haut du perron, la figure pâle.
Le Royal de Beaurevers passa le dernier. Au moment de repousser la porte au nez des gardes, il eut un regard vers le perron – et ce regard se heurta à celui de Florise ! Le Royal se sentit pâlir. Dans le même instant, un coup de pique lui déchira l’épaule, il tomba à la renverse ; Florise ferma les yeux… Quand elle les rouvrit, elle vit que la porte était fermée, des gardes saisissaient déjà des madriers pour l’enfoncer.
– Laissez ! hurla Roncherolles. Ils sont dans la souricière !
Une acclamation lui répondit. Un tonnerre de rires. Une vocifération des gardes, les poings tendus vers la porte.
Roncherolles disposa des gardes devant la porte et rentra dans ses appartements, accompagné de Florise, toute pensive. Cette porte donnait accès dans une tour isolée. Il n’y avait pas d’autre issue.
Le Royal de Beaurevers, avec ses compagnons, derrière la porte, se comptèrent. Ils étaient déchirés, pleins de sang, mais vivants.
– Maintenant, dit Le Royal, barricadons ça. Puis, mes agneaux, nous verrons à sortir d’ici, car j’ai soif.
Ils se mirent à l’œuvre, entassant coffres sur bahuts. Le Royal avait disparu dans l’escalier qui grimpait aux étages.
– Il cherche à boire, dit Strapafar.
Bouracan poussait une armoire devant la porte.
– Inutile ! fit la voix de Beaurevers. Vous pouvez démolir. Les gardes entassent des fascines pour nous griller ou nous enfumer. Et impossible de fuir.
– Faisons une sortie !…
– La porte est déjà encombrée de fascines. Brabant l’a dit. Aujourd’hui, moi. Demain un autre. Il y a une fosse au bout de toute vie. Et tenez, voici le commencement de la fête…
Une âcre fumée commençait à rouler ses volutes noires.