V

La trompette sonnait toujours le départ.

– Fils, dit Gneuss, c’est un laid métier que le nôtre. Notre sommeil est troublé par les fantômes de ceux que nous frappons. J’ai, comme vous, senti, pendant de longues heures, le démon du cauchemar peser sur ma poitrine. Voici trente ans que je tue, j’ai besoin de sommeil. Laissons là nos frères. Je connais un vallon où les charrues manquent de bras. Voulez-vous que nous goûtions au pain du travail ?

– Nous le voulons, répondirent ses compagnons.

Alors les soldats creusèrent un grand trou au pied d’une roche, et enterrèrent leurs armes. Ils descendirent se baigner à la rivière ; puis, tous quatre se tenant par les bras, ils disparurent au coude du sentier.

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