Quand le vicaire monta en chaire, avec son large surplis d’une blancheur angélique, la petite baronne était béatement assise à sa place accoutumée, près d’une bouche de chaleur, devant la chapelle des Saints-Anges.
Après le recueillement d’usage, le vicaire se passa délicatement sur les lèvres un fin mouchoir de batiste ; puis, il ouvrit les bras, pareil à un séraphin qui va prendre son vol, pencha la tête, et parla. Sa voix fut d’abord, dans la vaste nef, comme un murmure lointain d’eau courante, comme une plainte amoureuse du vent au milieu des feuillages. Et, peu à peu, le souffle grandit, la brise devint tempête, la voix roula sous les voûtes avec de majestueux grondements de tonnerre. Mais toujours, par instants, même au milieu de ses plus formidables coups de foudre, la voix du vicaire se faisait subitement douce, jetant un clair rayon de soleil au milieu du sombre ouragan de son éloquence.
La petite baronne, dès les premiers susurrements dans les feuilles, avait pris la pose gourmande et charmée d’une personne d’oreille délicate qui s’apprête à goûter toutes les finesses d’une symphonie aimée. Elle parut ravie de la douceur exquise des phrases musicales du début ; elle suivit ensuite, avec une attention de connaisseur, les renflements de la voix, l’épanouissement de l’orage final, ménagé avec tant de science ; et quand la voix eut acquis tout son développement, quand elle tonna, grandie par les échos de la nef, la petite baronne ne put retenir un bravo discret, un hochement de satisfaction.
Dès lors, ce fut une jouissance céleste. Toutes les dévotes se pâmaient.