II

Cependant, le vicaire disait quelque chose ; sa musique accompagnait des paroles. Il prêchait sur le jeûne, il disait combien étaient agréables à Dieu les mortifications de la créature. Penché au bord de la chaire, dans son attitude de grand oiseau blanc, il soupirait :

– L’heure est venue, mes frères et mes sœurs, où nous devons tous, comme Jésus, porter notre croix, nous couronner d’épines, monter notre calvaire, les pieds nus sur les rocs et dans les ronces.

La petite baronne trouva sans doute la phrase mollement arrondie, car elle cligna doucement les yeux, comme chatouillée au cœur. Puis, la symphonie du vicaire la berçant, tout en continuant à suivre les phrases mélodiques, elle se laissa aller à une demi-rêverie pleine de voluptés intimes.

En face d’elle, elle voyait une des longues fenêtres du chœur, grise de brouillard. La pluie ne devait pas avoir cessé. La chère enfant était venue au sermon par un temps atroce. Il faut bien pâtir un peu, quand on a de la religion. Son cocher avait reçu une averse épouvantable, et elle-même, en sautant sur le pavé, s’était légèrement mouillé le bout des pieds. Son coupé, d’ailleurs, était excellent, clos, capitonné comme une alcôve. Mais c’est si triste de voir, au travers des glaces humides, une file de parapluies affairés courir sur chaque trottoir ! Et elle pensait que, s’il avait fait beau, elle aurait pu venir en victoria. C’eût été beaucoup plus gai.

Au fond, sa grande crainte était que le vicaire ne dépêchât trop vivement son sermon. Il lui faudrait alors attendre sa voiture, car elle ne consentirait certes pas à patauger par un temps pareil. Et elle calculait que, du train dont il allait, jamais le vicaire n’aurait de la voix pour deux heures ; son cocher arriverait trop tard. Cette anxiété lui gâtait un peu ses joies dévotes.

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