Je te le donne en mille, Ninon. Cherche, invente, imagine : un vrai conte bleu, quelque chose de terrifiant et d’invraisemblable... Tu sais, la petite baronne, cette excellente Adeline de C***, qui avait juré... Non, tu ne devinerais pas, j’aime mieux te tout dire.
Eh bien ! Adeline se remarie, positivement. Tu doutes, n’est-ce pas ? Il faut que je sois au Mesnil-Rouge, à soixante-sept lieues de Paris, pour croire à une pareille histoire. Ris, le mariage ne s’en fera pas moins. Cette pauvre Adeline, qui était veuve à vingt-deux ans, et que la haine et le mépris des hommes rendaient si jolie ! En deux mois de vie commune, le défunt, un digne homme, certes, pas trop mal conservé, qui eût été parfait sans les infirmités dont il est mort, lui avait enseigné toute l’école du mariage. Elle avait juré que l’expérience suffisait. Et elle se remarie ! Ce que c’est que de nous, pourtant !
Il est vrai qu’Adeline a eu de la malechance. On ne prévoit pas une aventure pareille. Et si je te disais qui elle épouse ! Tu connais le comte Octave de R***, ce grand jeune homme qu’elle détestait si parfaitement. Ils ne pouvaient se rencontrer sans échanger des sourires pointus, sans s’égorger doucement avec des phrases aimables. Ah ! les malheureux ! si tu savais où ils se sont rencontrés une dernière fois... Je vois bien qu’il faut que je te conte ça. C’est tout un roman. Il pleut ce matin. Je vais mettre la chose en chapitres.