XX. Combat Corps à Corps

Pour bien expliquer au lecteur la cause de cette irruption subite des Apaches dans le village comanche, nous sommes contraints de retourner auprès du Cèdre-Rouge.

Le Chat-Noir avait quitté le conseil pour se rendre auprès des pirates.

Ceux-ci étaient prêts à le suivre.

Seulement, comme le Cèdre-Rouge avait remarqué que l’agitation qui, à son arrivée, régnait dans le camp, loin de diminuer ne faisait qu’augmenter, il ne put résister au désir de demander au chef ce que tout cela signifiait et ce qui s’était passé.

Le Chat-Noir se hâta de le satisfaire en lui racontant la fuite miraculeuse de doña Clara, qui avait disparu avec ses compagnons sans qu’il fût possible de deviner ce qu’ils étaient devenus.

Depuis le matin, les guerriers les plus expérimentés de la tribu étaient en quête sans pouvoir rien découvrir.

Le Cèdre-Rouge fut loin de soupçonner que la jeune fille qu’il avait laissée à son camp était celle que les Apaches cherchaient si activement ; il réfléchit quelques minutes.

– Combien étaient-ils de blancs ? demanda-t-il.

– Trois.

– Ils n’avaient aucune autre personne avec eux ?

– Si, reprit le chef dont les sourcils se froncèrent et l’œil étincela de fureur ; il y avait encore deux guerriers peaux rouges, un surtout, un lâche Coras, renégat de sa nation.

– Très-bien, répondit le Cèdre-Rouge ; que mon frère me conduise auprès des chefs, afin que je leur apprenne où sont les prisonniers.

– Mon frère le sait-il donc ? demanda vivement le Chat-Noir.

Le Cèdre-Rouge jeta son rifle sur l’épaule, siffla entre ses dents, mais ne répondit pas.

Ils arrivèrent à la hutte du conseil.

Le Cèdre-Rouge, prenant la responsabilité de l’affaire sur lui, se chargea de répondre aux questions qui lui seraient adressées par les Indiens.

Depuis le départ du Chat-Noir, pas un mot n’avait été prononcé dans le conseil.

Les Indiens, repliés sur eux-mêmes, attendaient patiemment le résultat des promesses faites par le chef.

Celui-ci reprit sa place au feu du conseil, et s’adressant aux autres sachems :

– Voici les chasseurs blancs, dit-il.

– Achsèh-ohta (très-bon), répondit un vieux guerrier ; qu’ils parlent, des chefs les écoutent.

Le Cèdre-Rouge s’avança, et, s’appuyant sur son rifle, il prit la parole à un geste du Chat-Noir :

– Mes frères rouges, dit-il d’une voix claire et accentuée, sont tout aussi fatigués que nous des attaques continuelles de ce coyote qui n’appartient à aucune nation ni à aucune couleur, et, qui se fait appeler le Fils du Sang ou le Blood’s Son. S’ils veulent se laisser guider par l’expérience d’un homme qui, depuis longues années, connaît à fond toutes les ruses et les fourberies dont cet homme est capable, avant peu, malgré les forces imposantes dont il dispose, ils l’auront chassé honteusement des prairies et l’obligeront à regagner la frontière en abandonnant pour jamais les riches territoires de chasse sur lesquels il prétend régner en maître.

– Nous attendons que notre frère le chasseur s’explique plus clairement, avec franchise et sans ambages, interrompit le Chat-Noir.

– C’est ce que je vais faire, reprit le squatter : les prisonniers que vous aviez étaient précieux pour vous, puisque parmi eux se trouvait une femme blanche ; vous les avez laissés échapper, il faut les reprendre. Ils seront pour vous des otages importants.

– Mon frère ne nous dit pas où se sont réfugiés ces prisonniers.

Le Cèdre-Rouge haussa les épaules.

– C’est pourtant bien facile à savoir, dit-il ; les prisonniers n’avaient sur leur chemin, avant d’atteindre la frontière, qu’un seul endroit où il leur fût possible de se mettre à l’abri.

– Et cet endroit ? demanda le Chat-Noir.

– C’est le grand village d’été des Comanches des montagnes, les plus fidèles alliés du Blood’s Son, les fils de l’Unicorne, cette nation qui a renié les croyances de ses pères pour se mettre complètement sous la dépendance des blancs, et à laquelle vous devriez envoyer des jupons. Ne cherchez donc pas vos prisonniers autre part, ils sont là.

Les Indiens, frappés de la justesse de ce raisonnement, donnèrent des marques non équivoques d’approbation, et se préparèrent à écouter avec plus d’intérêt ce que le chasseur avait encore à leur dire.

– Mes frères doivent donc faire deux choses, continua le squatter : premièrement, surprendre le village des Comanches ; secondement, marcher immédiatement contre le Blood’s Son.

– Bien, dit Stanapat, mon frère est un homme sage ; depuis longtemps je le connais, ses conseils sont bons ; mais le téocali habité par le Blood’s Son est bien défendu. De quelle façon agira mon frère pour s’en emparer ?

– Que mon frère écoute, reprit le Cèdre-Rouge. J’ai avec moi dix chasseurs résolus, mais j’en ai laissé quatre-vingts, tous armés de bons rifles, dans une île du fleuve sans fin où ils sont campés en attendant mon retour. Le détachement destiné à attaquer le téocali l’investira de tous les côtés sans que les guerriers se laissent voir ; moi, pendant ce temps, j’accompagnerai le Chat-Noir et sa tribu jusqu’au village des Comanches. Dès que les prisonniers seront tombés entre nos mains, j’irai dans l’île où je les ai laissés chercher mes jeunes hommes, et je reviendrai avec eux et le Chat-Noir aider mon frère Stanapat à semparer du téocali qui ne pourra nous résister.

Cette promesse faite d’une voix haute et ferme produisit tout l’effet qu’en attendait le squatter.

Les Indiens, songeant au pillage immense auquel ils pourraient se livrer, aux richesses incalculables réunies en ce lieu, n’eurent plus qu’un désir, celui de s’emparer du téocali le plus tôt possible.

Pourtant, grâce à l’impassibilité indienne, aucune des passions qui bouillonnaient dans leurs cœurs ne se montra sur leurs visages, et ce fut d’une voix froide et calme que le Chat-Noir remercia le Cèdre-Rouge et lui dit qu’il pouvait se retirer pendant que les chefs délibéreraient sur ce qu’il venait de leur exposer.

Le squatter s’inclina et quitta le conseil, suivi de ses compagnons.

– Eh bien, lui demanda la jeune fille, que croyez-vous que feront les Peaux Rouges ?

– Soyez tranquille, señorita, répondit le squatter avec un sourire indéfinissable, je connais les Indiens ; le plan que je leur ai soumis est trop simple, il leur offre trop d’avantages pour qu’ils le repoussent ; je puis vous assurer d’avance qu’ils le suivront de point en point.

– Il y a loin d’ici au village des Comanches ?

– Non, répondit l’autre avec intention ; en partant de suite, nous y serons ce soir même.

La jeune fille poussa un soupir de satisfaction, et une vive rougeur colora son charmant visage.

Le Cèdre-Rouge, qui l’observait à la dérobée, ne put s’empêcher de murmurer à part lui :

– Il faut que j’aie avant peu la clef de ce mystère.

Ils rentrèrent sous la tente.

Dans le conseil des chefs, tout s’était passé comme l’avait prévu le Cèdre-Rouge.

Après une courte délibération portant plutôt sur les moyens d’exécution que sur le projet en lui-même, le plan avait été adopté à l’unanimité.

Une heure plus tard, tout était en mouvement dans le camp.

Les guerriers couraient rejoindre leurs détachements, les troupes se formaient : c’était un désordre et un brouhaha inimaginables.

Enfin, peu à peu le calme se rétablit, les deux détachements s’ébranlèrent dans les directions proposées par le Cèdre-Rouge, et bientôt de cette foule de guerriers qui criaient et dansaient dans le camp, il ne resta plus qu’une trentaine d’hommes, qui se rendirent au village, afin de recevoir les alliés au fur et à mesure qu’ils arriveraient.

Le Chat-Noir s’était mis à la tête de sa troupe, suivi des pirates.

Les Apaches avaient pris en file indienne la direction du village des Comanches, de ce pas particulier aux Indiens et qu’un cheval au trot ne suit que difficilement.

La marche n’offrit rien de particulier.

Les Indiens suivaient à peu près le même chemin que Valentin et ses compagnons avaient fait.

Le plus grand silence et la plus grande circonspection régnaient dans les files ; on aurait dit que les Apaches ne voulaient même pas être entendus par les oiseaux du ciel.

Avec une dextérité inouïe et dont les Indiens seuls sont capables, ils marchaient tous dans le pas les uns des autres, si exactement qu’on aurait cru qu’un seul individu avait passé dans le sentier, poussant l’attention jusqu’à se baisser pour ne pas froisser les branches d’arbres et évitant avec soin de frôler les buissons, passant autant que possible sur la terre battue ou sur les rochers, afin que leurs traces fussent moins visibles, faisant détours sur détours et revenant dix fois à la même place dans le but d’embrouiller si bien leur piste qu’il fût impossible de la reconnaître.

Lorsqu’ils arrivaient au bord d’un ruisseau ou d’une rivière, au lieu de la traverser en ligne droite, ils suivaient ou remontaient le cours de l’eau pendant des espaces considérables, ne reprenant terre que lorsque le sol était assez solide pour ne pas garder l’empreinte de leurs pas.

Ils faisaient tout cela avec une patience exemplaire, sans ralentir leur course et avançant toujours vers le but qu’ils avaient choisi.

Ils se trouvèrent à environ six heures de l’après-dîner au sommet de la colline, d’où l’on apercevait à une demi-lieue à peine le village d’été des Comanches.

Le bruit des chants et des chichikoués venait par bouffées jusqu’aux Apaches, leur faisant connaître que leurs ennemis se livraient à la joie et célébraient quelque cérémonie sans avoir le soupçon d’une attaque prochaine.

Les Indiens s’arrêtèrent et tinrent conseil afin de prendre leurs dernières mesures.

Les Comanches ont deux sortes de villages : les villages d’été et ceux d’hiver.

Les villages d’hiver sont construits avec soin et avec une certaine régularité ; leurs maisons sont composées de deux étages, bien distribuées, légères et même élégantes.

Mais les Comanches sont des oiseaux de proie continuellement exposés aux invasions dont eux-mêmes menacent incessamment leurs voisins ; aussi construisent-ils leurs villages sur la pointe des rocs, absolument comme des aires d’aigle, et cherchent-ils tous les moyens de les rendre imprenables.

Le village le plus étrange, que nous ayons vu est formé par deux hautes pyramides en forme de téocali qui s’élèvent de chaque côté d’un ravin et se rejoignent à une hauteur considérable par un pont jeté à travers l’espace.

Ces pyramides ont environ 425 pieds de long sur 148 de large ; à mesure qu’elles s’élèvent cette largeur diminue ; la hauteur totale est d’environ 86 pieds.

Ces deux pyramides, divisées en huit étages superposés, renferment cinq cents habitants, qui du haut de ces forteresses extraordinaires sont en mesure de se défendre contre des nuées d’ennemis.

Dans les villages d’hiver des Comanches, la porte n’est pas placée, comme en Europe et dans les pays civilisés, au rez-de-chaussée ; le Comanche, quand il veut entrer chez lui, applique une échelle contre la maison, monte sur le toit, et de là descend par une trappe dans les étages inférieurs ; l’échelle une fois tirée, il est impossible de s’introduire dans la maison.

Le pueblo d’Aronco est posé au sommet d’une montagne escarpée, à la pointe d’un précipice de plusieurs centaines de pieds de profondeur.

Les habitants ne rentrent chez eux qu’au moyen d’échelles superposées, comme je ne sais plus dans quel village de la Suisse. Mais en temps de guerre, les échelles disparaissent, et ce n’est plus qu’à l’aide, de quelques entailles creusées de distance en distance dans le roc, que l’on peut arriver au pueblo.

Les villages d’été ne sont construits que pour être habités pendant la belle saison, en temps de paix, pour faciliter les récoltes, la moisson et la chasse ; dès que viennent les premiers froids ou qu’un bruit de guerre se fait entendre, ils sont immédiatement abandonnés.

Tous les villages d’été se ressemblent.

Celui-ci, comme celui des Apaches, était entouré de palissades et d’un large fossé ; mais les fortifications, qui n’avaient jamais été entretenues, se trouvaient dans un état complet de destruction, le fossé était comblé en plusieurs endroits, et les palissades, arrachées par les femmes indiennes pour faire du feu, livraient, en beaucoup de places, de commodes passages aux assaillants.

Il s’agissait, pour les Apaches, de descendre dans la plaine sans être aperçus des habitants, ce qui pour une troupe européenne aurait été difficile, sinon impossible ; mais les Indiens, dont les guerres ne sont qu’une suite de surprises et d’embuscades, savent comment surmonter de telles difficultés.

Il fut convenu que la troupe, divisée en trois détachements, commandés le premier par le Chat-Noir, le second par un autre chef, et le troisième par le Cèdre-Rouge, descendrait la colline en rampant, tandis que quelques hommes, laissés à la garde des chevaux des cavaliers, accourraient aussitôt que le village serait envahi.

Ceci arrêté, le Chat-Noir fit préparer des torches incendiaires. Lorsque tout fut prêt, les trois détachements s’étendirent sur le sol, et la descente de la colline commença.

Certes, un homme, placé en vedette dans la plaine n’aurait pu se douter que plus de cinq cents guerriers marchaient sur le village en glissant et rampant dans les hautes herbes comme des serpents, ne faisant même pas osciller les branches ou seulement les feuilles des buissons sous lesquels ils passaient, se faufilant les uns après les autres, et conservant un tel ordre dans leur marche, que toujours ils étaient de front.

La descente dura une heure.

Une fois dans la plaine, le plus difficile était fait ; grâce à la hauteur des halliers et des broussailles, il était presque impossible qu’on les aperçût.

Enfin, en gagnant du terrain pas à pas, en surmontant des obstacles et des difficultés énormes, ils atteignirent la palissade.

Le premier qui arriva fut le Chat-Noir.

Il imita le glapissement du coyote.

Deux cris semblables lui répondirent, poussés par les chefs des autres détachements, qui, eux aussi, étaient arrivés.

Alors le Chat-Noir, certain d’être vigoureusement soutenu par ses amis, saisit son sifflet de guerre, en tira un son perçant, aigu et saccadé.

Tous les Indiens se levèrent à la fois, et, bondissant comme des tigres, ils se ruèrent dans le village en poussant leur formidable cri de guerre.

Ils étaient entrés de trois côtés à la fois, refoulant devant eux la population épouvantée, qui, surprise à l’improviste, fuyait dans toutes les directions en hurlant de terreur.

Quelques-uns des Apaches, aussitôt entrés, avaient allumé leurs torches et les avaient jetées sur les toits de paille des callis ; les huttes avaient immédiatement pris feu ; l’incendie, gagnant de proche en proche, s’avançait à l’avant-garde des Apaches, qui l’excitaient avec tout ce qui leur tombait sous la main.

Les malheureux Comanches, surpris au milieu d’une cérémonie, entourés d’un cercle de feu, attaqués de toutes parts par leurs féroces ennemis, qui couraient au milieu du feu comme une bande de démons, tuant et scalpant les femmes et les enfants, étaient en proie au plus profond désespoir et ne résistaient que mollement à cet assaut furieux.

Cependant le feu gagnait de plus en plus, le village était une fournaise ardente ; l’air embrasé n’était déjà plus respirable, et des flots d’étincelles et de fumée, chassés par le vent, aveuglaient et brûlaient les yeux.

Les chasseurs, réfugiés sur le toit d’un calli, se défendaient en désespérés, ne comptant pas se sauver, mais voulant au moins vendre chèrement leur vie ; déjà ils étaient enveloppés d’une auréole de flammes qui se rejoignaient au-dessus de leurs têtes sans qu’ils songeassent à reculer.

Pourtant, le premier moment de terreur passé, une troupe de guerriers comanches était parvenue à se réunir et opposait la résistance la plus acharnée aux Apaches.

Tout à coup la Gazelle blanche, l’œil brillant, le teint animé, les dents serrées et les lèvres pâles, se jeta en avant, suivie par le Cèdre-Rouge et les pirates, qui ne la quittaient pas d’une ligne.

– Rendez-vous ! cria-t-elle à Valentin.

– Lâche ! répondit celui-ci, qui la prenait pour un homme, voici ma réponse !

Et il déchargea son pistolet sur la jeune fille.

La balle traversa le bras de l’Ourson, qui poussa un hurlement de douleur et se jeta comme un fou dans la mêlée.

– Rendez-vous, encore une fois !… reprit la jeune fille, vous voyez bien que vous allez être tués !

– Non ! mille fois non ! cria Valentin, je ne me rendrai pas !

La Gazelle, par un effort prodigieux, s’élança après les murs du calli, et, s’aidant des pieds et des mains, elle parvint sur le rebord avant même que l’on eût soupçonné sa résolution.

Alors, avec l’énergie et la fermeté d’une tigresse, elle se précipita sur doña Clara, et la saisissant par la taille, elle lui posa un pistolet sur le front.

– Te rendras-tu, à présent ? fit-elle avec rage.

– Prends garde, niña ! prends garde ! cria Sandoval.

Il était trop tard.

Curumilla, d’un coup de crosse sur la tête, venait de la renverser.

Les pirates s’élancèrent à son secours, mais Valentin et ses amis les repoussèrent.

Un horrible combat à l’arme blanche s’engagea sur le corps de la jeune fille, qui gisait sans connaissance sur le sol.

Valentin jeta un regard scrutateur autour de lui ; d’un mouvement aussi prompt que la pensée, il saisit doña Clara à bras-le-corps, et se jetant du haut du calli, il alla tomber au milieu du détachement des Comanches, qui le reçurent avec des cris de joie.

Sans perdre de temps, le chasseur déposa à terre la jeune fille, à demi morte de terreur, et se mettant à la tête des guerriers, il exécuta une charge si heureuse que les Apaches, surpris à leur tour, furent contraints de reculer.

Don Pablo et les autres rejoignirent alors le chasseur.

– Corbleu ! qu’il fait chaud ici, dit le Français, dont les cheveux et les sourcils étaient brûlés. C’est notre ami le Cèdre-Rouge qui nous vaut cela ! Décidément, j’ai eu tort de ne pas le tuer.

Cependant les Comanches s’étaient remis de leur terreur, les guerriers avaient trouvé des armes et reprenaient l’offensive.

Non seulement les Apaches n’avançaient plus, mais sur divers points ils commençaient à reculer, pas à pas, il est vrai, mais c’était déjà presque une retraite.

Les pirates, désespérés de la blessure de leur enfant chérie, l’entouraient et cherchaient en vain à la rappeler à la vie.

Seul le Cèdre-Rouge combattait à la tête des Apaches et faisait des prodiges de valeur.

La nuit était venue, le combat durait toujours, aux lueurs sinistres de l’incendie.

Valentin prit à part Pethonista et lui dit quelques mots à l’oreille.

– Bon ! répondit le chef, mon frère est un grand guerrier, il sauvera ma nation.

Il s’esquiva aussitôt, en faisant signe à une certaine quantité des siens de le suivre.

Doña Clara ne s’était pas longtemps laissé abattre.

Le premier mouvement de terreur passé, elle s’était relevée, et, saisissant un pistolet :

– Ne vous occupez plus de moi, dit-elle à Valentin et à son frère ; faites votre devoir de braves chasseurs : si l’on m’attaque, je saurai me défendre.

– Je reste auprès de vous, moi ! dit Schaw en lui lançant un regard brûlant.

– Soit, répondit-elle avec un sourire ; désormais je suis en sûreté.

Les Comanches s’étaient, avec leurs femmes, retranchés dans la grande place du village, où les flammes ne pouvaient que faiblement les atteindre.

Du reste, les misérables callis n’avaient pas été longs à brûler. L’incendie s’éteignait déjà faute d’aliment, et l’on ne combattait plus que sur un monceau de cendres.

Valentin, tout en luttant au premier rang de ses alliés avec ses compagnons, se contentait de conserver les positions qu’il avait réussi à occuper, sans chercher à repousser les Apaches.

Tout à coup le cri de guerre des Comanches, mêlé à un formidable hourra, retentit derrière les Apaches, dont la troupe était attaquée en queue avec une furie incroyable.

– Le Blood’s Son ! le Blood’s Son ! s’écrièrent les Apaches en proie à une terreur indicible.

C’était en effet l’inconnu qui, suivi de don Miguel, du général Ibañez, de l’Unicorne et de tous ses compagnons, fondaient comme un ouragan sur les Apaches.

Valentin poussa un cri de joie pour répondre au hourra de ses amis, et se précipita en avant à la tête de ses guerriers.

Alors la mêlée devint horrible ; ce n’était plus un combat, c’était une boucherie, un carnage atroce !

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