ET MAINTENANT QUE C’EST LA PLUIE…

Et maintenant que c’est la pluie et le grand vent

de Janvier

et que les vitres de la serre

où je me suis réfugié

font, sous la pluie, leur petit bruit de verre

toute la journée,

et que le vent, qui rabat la fumée des cheminées,

dégrafe et soulève

les vignes vierges de la tonnelle,

Je ne sais plus où Elle est… Où est-elle ?

À pas pleins d’eau, par les allées,

dans le sable mouillé

du jardin

qui nous fut à tous deux notre rêve de Juin,

Elle s’en est allée…

et la maison

où nous avions, tout cet été,

sous les feuilles des avenues qu’on arrosait,

imaginé

de passer notre vie comme une belle saison,

la maison,

dans mon cœur, abandonnée, est froide

avec son toit

d’ardoise luisant d’eau,

et ses nids de moineaux

dénichés et pourris qui penchent aux corniches

et traînent dans le vent…

Il va bientôt faire nuit,

et le grand vent bruineux tourne les parapluies

et mouille au visage

les dames qui reviennent du village

et ouvrent la grille…

Mon amie

Ô Demoiselle

qui n’êtes pas ici,

cette heure-ci

passe, et la grille ne grince pas,

je ne vous attends pas,

je ne soulève

pas le rideau

pour vous voir, dans le vent et l’eau,

venir.

Cette heure passe, mon amie,

Ce n’est pas une heure de notre vie…

et nous l’aurions aimée, pourtant, comme toutes celles

de toute la vie

apportée simplement dans vos mains graves de dame belle.

Vous êtes partie…

Il bruine

dans les allées

qui ont mouillé

vos chevilles fines.

Il bruine dans les marronniers

confus et sombres

et sur les bancs où, cet été, à l’ombre,

avec l’été

vous vous seriez assise, blonde !

Il bruine sur la maison et sur la grille et dans les ifs

de l’entrée

que, pour la dernière fois

peut-être je regarde, en songeant à mi-voix

peut-être pour la dernière fois :

« Elle est très loin… où est elle… son front pensif

appuyé à quelle croisée ? »

À la tombée de la nuit,

je vais fermer, aux fenêtres d’ici,

les volets qui battent et se mouillent,

et j’irai sur la pelouse

rentrer

un jeu de croquet oublié qui se mouille.

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