Chapitre VII. Des petits Singes.

Dans le petit Royaume d’Issini, sur la Côte d’Or, les Singes sont en aussi grande abondance que dans aucune autre, & aussi divers dans leur grandeur que dans leur figure. La plus jolie espece est de ceux qu’on nomme Sagouins. Ils ne sont pas plus gros que le poing. Les uns ont le dos noir & le ventre blanc avec de longues barbes. D’autres sont gris sans aucun poil au visage, ni aux mains, & de la grosseur d’un chien médiocre. D’autres sont d’une grosseur extraordinaire, furieux & capables de se défendre contre les Negres, lorsqu’ils en sont attaqués. Les Issinois les appellent des hommes sauvages, & prétendent que la crainte du travail est la seule raison qui les empêche de parler. Ces étranges Animaux se bâtissent des cabanes dans les bois & s’assemblent en troupes pour ravager les champs des Negres. Au mois de Janvier 1702, le Matelot du Fort qui étoit en même tems le chasseur de la Garnison, blessa un de ces gros Singes, & le prit ; le reste de la troupe quoiqu’effrayée par le bruit d’une arme à feu, entreprit de venger le prisonnier non seulement par ses cris, mais en lui jettant de la boue & des pierres en si grand nombre qu’il fut obligé de tirer plusieurs coups pour les écarter. Enfin il amena au Fort le Singe blessé & lié d’une corde très-forte. Pendant quinze jours il fut intraitable, mordant, criant, & donnant des marques continuelles de rage. On ne manquoit pas de le châtier à coups de bâton, & de lui diminuer chaque fois quelque chose de sa nourriture. Cette conduite l’adoucit par degrés, jusqu’à le rendre capable de faire la révérence, de baiser la main, & de réjouir toute la Garnison par ses souplesses & son badinage. Dans l’espace de deux ou trois mois, il devint si familier, qu’on lui accorda la liberté, & jamais il ne marqua la moindre envie de quitter le Fort .

Share on Twitter Share on Facebook