On trouve dans le Royaume de Congo beaucoup de ces grands Animaux qui tiennent comme le milieu entre l’espece humaine & les babouins qui sont les plus grands Singes. Battel raconte que dans les forêts de Mayomba au Royaume de Loango, on voit deux sortes de monstres dont les plus grands se nomment Pongos & les autres Enjokos. Ce sont des especes de grands Singes. Les premiers ont une ressemblance exacte avec l’homme ; mais ils sont beaucoup plus gros & de fort haute taille : avec un visage humain ils ont les yeux fort enfoncés, leurs mains, leur joues, leurs oreilles sans poils, à l’exception des sourcils qu’ils ont fort longs, le reste du corps est velu ; mais le poil n’en est pas fort épais & sa couleur est brune : la seule partie qui les distingue des hommes est la jambe qu’ils ont sans mollet. Ils marchent droits en se tenant de la main le poil du cou : leur retraite est dans les bois, ils dorment sur les arbres & s’y font un espece de toit qui les met à couvert de la pluye, leurs alimens sont des fruits ou des noix sauvages. Ils marchent quelquefois en troupes, & tuent les Negres qui traversent les forêts, ils tombent même sur les Éléphans qui viennent paître dans les lieux qu’ils habitent, & les incommodent si fort à coup de bâtons qu’ils les forcent de prendre la fuite en poussant des cris. On ne prend jamais de Pongos en vie, parce qu’ils sont si robustes que dix hommes ne suffiroient pas pour les arrêter : mais les Negres en prennent quantité de jeunes après avoir tué la mere, au corps de laquelle ils s’attachent fortement, lorsqu’un de ces Animaux meurt : les autres couvrent son corps d’un amas de branches & de feuillages. On a observé qu’ils ne font aucun mal aux hommes qu’ils surprennent, du moins lorsque ceux-ci ne les regardent point, comme un petit Negre qu’ils avoient retenu pendant quelques tems dans leur societé, l’avoit observé. Battel ne nous dit pas quelle est la seconde espece de monstre dans ce genre.
Dapper rapporte que le Royaume de Congo est plein de ces Animaux qui portent aux Indes le nom d’Orangoutang, c’est-à-dire, habitants des bois. Cette bête, dit-il, est si semblable à l’homme qu’il est tombé dans l’esprit à quelques voyageurs, qu’elle pouvoit être sortie d’une Femme & d’un Singe. Un de ces Animaux fut transporté de Congo en Hollande & présenté au Prince d’Orange Fréderic-Henri. Il étoit de la hauteur d’un enfant de trois ans & d’un embonpoint médiocre, mais quarré & bien proportionné, fort agile & fort vif : les jambes charnues & robustes : tout le devant du corps nud ; mais le derriere couvert de poil noir. À la premiere vue son visage ressembloit à celui d’un homme ; mais il avoit le nez plat & recourbé ; ses oreilles étoient aussi de celles de l’espece humaine, son sein, car c’étoit une femme, étoit potelé, son nombril enfoncé, ses épaules fort bien jointes, ses mains divisées en doigts & en pouce, ses mollets & ses talons gros & charnus. Il étoit capable de lever & de porter des fardeaux assez lourds. Lorsqu’il vouloit boire, il levoit d’une main le couvercle du pot & tenoit le fond de l’autre, ensuite il s’essuyoit proprement les levres. Il se couchoit pour dormir, la tête sur un coussin & se couvroit avec tant d’adresse qu’on l’auroit pris pour un homme au lit. Les Negres font d’étranges récits de cet Animal, ils assurent non-seulement qu’il force les femmes & les filles ; mais qu’il ose attaquer des hommes armés. En un mot il y a beaucoup d’apparence que c’est-là le Satire des Anciens. C’est sans doute de ces sortes d’Animaux dont parle Merolla, lorsqu’il dit que les Negres prennent quelquefois dans leurs chasses des hommes & des femmes sauvages .