Chapitre III Malice des Singes.

Le même Religieux dans son Voyage de l’Afrique Occidentale dit que le long de la riviere de Senega, dans l’Isle de Bilbas ; on voit une très-grande quantité de Singes. Les Negres les haïssent mortellement, à cause des grands dommages qu’ils font dans leurs terres ; car quand ils entrent dans un champ de ris, de mil, ou de pois, ils en emportent tant qu’ils peuvent, & en gâtent dix fois davantage. Ils découvrent les cases des Negres, quand ils n’y voyent personne, brisent toutes les callebasses & les pots qu’ils y trouvent ; & emportent tout ce qui leur tombe sous la patte. Cela a souvent donné occasion à ces Peuples d’attraper des Rats, & de les apporter aux Comptoirs des Européens pour les vendre, croyant que ceux-ci les achetteroient aussi-bien que les Singes, puisque les uns & les autres n’ont d’autre propriété que celle de faire du mal. Ceux qui vont souvent à la chasse des Singes observent de ne les tirer jamais que dans le visage ; les blessures qu’ils reçoivent en cet endroit, les font tomber infalliblement, parce qu’y portant d’abord leurs pattes, le mouvement les empêche de se saisir de quelque branche, & de s’y attacher, de maniere qu’on ne peut même les avoir qu’après qu’ils sont expirés. Il arrive encore assez souvent qu’étant blessés, & tombant de branche en branche, ils entortillent leur queue autour de quelqu’une qui s’y roidit de telle sorte qu’ils y demeurent suspendus après qu’ils sont morts.

Les François qui sont au Sénégal sont plus délicats que nos Flibustiers & autres Européens, qui demeurent à l’Amérique dans des endroits où il y a de ces Animaux : car ils les mangent & les trouvent bons, & assurément quand ils sont gras ou jeunes, c’est une viande tendre & délicate ; mais ceux qui sont aux côtes d’Afrique, ont trop d’autres viandes pour s’arrêter à celle-là. Les Negres s’en accommodent à leur place, les mangent, les trouvent excellens, & s’en nourissant, ils ont le plaisir de se venger des dommages qu’ils en ont reçus. Il est étonnant de voir dans cette contrée combien il y a de différentes especes de Singes. Chaque canton en produit qui sont fort différens de leurs voisins. Ces diverses especes ne se mêlent point les unes avec les autres, & dans un même canton, on n’en trouve jamais de deux sortes.

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