V Papauté

« Per carità, madame la baronesse (on vous dirait volontiers mademoiselle !) Ah ! Ah ! Ah ! Mais le monsieur le baron votre mari, il protesterait, ah ! ah ! ah ! c’est que c’est vrai, vous avez un petit ventre qui commence à devenir arrogant. On travaille bien, je vois, en France, Ah ! si ce beau pays voulait redevenir religieux, aussitôt La population décimée par l’anticléricalisme, oui, baronesse, c’est prouvé la population croîtrait considérablement. Ah ! Jésus saint ! comme elle écoute bien, l’arrogantine, quand on parle sérieusement, oui, baronesse, vous avez l’air d’une arrogantine. Ah ! ah ! ah ! alors, on veut voir le pape. Ah ! ah ! la bénédiction d’un simple cardinal comme moi ne suffit pas. Ah ! ah ! taisez-vous, je comprends bien. Ah ! ah ! je tacherai d’obtenir l’audience. Oh ! ne me remerciez pas, laissez donc ma main tranquille. Comme elle embrasse bien, l’arrogantine, hein ! oui ! Venez encore ici, je veux que vous emportiez un souvenir de moi.

« Là une chaîne, avec la médaille de la sainte maison de Lorette. Allons que je vous la passe autour du cou, je veux dire… Ah ! c’est du français, nous pouvons pas le prononcer. Vous ne savez pas l’italien. Nous disons toujours ou, en français vous dites u, c’est très fatiguant – Maintenant que vous avez la médaille, vous allez me promettre de ne jamais la quitter. Bien, bien, bien ! Venez que je vous baise au front. Là, allons est-ce qu’elle a peur de moi l’arrogantine. C’est fait, es-moi ce-qui vous fait rire Rien ! de n’est pas grand chose. Un conseil. Quand vous irez au Vatican, je vous recommande de ne pas mettre tant de puanteur, je veux dire tant d’odeur sur vous. Au revoir, arrogantine. Revenez me voir. Mes compliments au monsieur baron.

 

C’est ainsi que, grâce au cardinal Ricottino qui avait été nonce à Paris, Macarée obtint une audience du pape.

Elle se rendit au Vatican, vêtue de sa belle robe de velours noir armoriée. Le baron des Ygrées, en redingote, l’accompagnait. Il admira beaucoup la tenue des gardes-nobles, et les Suisses mercenaires, enclins aux soûleries et aux mutineries, lui parurent de beaux diables. Il trouva l’occasion de parler à l’oreille de sa femme, d’un de ses aïeux cardinal sous Louis XIII…

 

Les deux époux rentrèrent a l’hôtel fort émus et comme confits par la bénédiction papale. Ils se déshabillèrent chastement et dans le lit ils parlèrent longtemps du pontife, tête blanchie de la vieille église, neige que les catholiques pensent éternelle, lys en serre.

– Ma femme, dit pour finir François des Ygrées, je vous estime en vous adorant et j’aimerai de tout mon cœur l’enfant que le pape a béni. Qu’il vienne donc l’enfant béni, mais je désire qu’il naisse en France.

– François, dit Macarée, je ne connais pas encore Monté-Carle, allons-y Il ne faut pas que je perde la boule. Nous ne sommes pas millionnaires. Je suis certaine que j’aurai du succès à Monte-Carlo.

– Tubleu ! Morbleu ! Têtebleu ! sacra François, Macarée vous me faites voir rouge.

– Aïe, cria Macarée, tu m’as donné un coup de pied, maq...

– Je vois avec plaisir Macarée, dit spirituellement François des Ygrées, qui se ressaisissait vite, que vous n’oubliez pas que je suis votre mari.

– Allons, mon petit Zozo, on part pour Monaco.

– Oui, mais tu accoucheras en France, car Monaco est un état indépendant.

– C’est entendu dit Macarée.

Le lendemain le baron des Ygrées et la baronne, tout bouffis de piqûres de moustiques, prirent à la gare des billets pour Monaco. Dans le wagon ils faisaient des projets charmants.

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