Ils avaient combiné la partie entre eux, les cinq de l’autre jour : Zonzon, Justin son homme, François qui la voulait toujours, Gros Jules, Kiki.
– Pas de femmes ! avait dit Zonzon.
Quant à D’Artagnan, il avait été malade pour l’ouvrage, il n’avait qu’à crever pour la fête.
On avait rigolé dès le chemin de fer. On avait chanté ! On s’avait baigné dans la Tamise – et Zonzon la première, même que François avait juré : « Mazette ! » en lorgnant de si près sa balafre sur le ventre. Après, pour prouver, elle avait pompé, à elle seule, le vin qu’il y avait dans trois bouteilles ; puis on avait dîné.
Arrivés dans ce pré, ils firent ce que Zonzon proposa :
– Si qu’on faisait la vache ?
Ils s’étalèrent.
Il faisait chaud, il y avait de l’ombre. Ils étaient un peu gris. Depuis son « Mazette », François semblait bouder :
– Hé ! la môme ! fit tout à coup François.
Zonzon, sur le dos, suçait une orange. Elle avala son jus :
– Tiens ? Tu renais ?… Qué qu’y a ?
Il ne répondit pas tout de suite. Il avait son idée. Il fit signe aux autres :
– Attention ! on va rire.
Puis il revint à Zonzon.
– Rien.
– Alors, pourquoi que tu me sonnes ?
– Je n’te sonne pas, dit François. Mais je pense que nous sommes, ici, quatre…
– Cinq ! rectifia Zonzon.
– Oui, cinq, si je te compte. Mais je parle des hommes.
– Dis donc ! fit Zonzon. C’est-y que je n’vaux pas mon homme ?
– Voire… dit François.
Il en resta là. Il prit une cigarette :
– Hé, Jules, du feu !
Ce fut Zonzon qui revint :
– Dis donc, François, qué qu’c’est qu’t’as voulu dire avec ton « voire ».
– Moi ? s’étonna François. Rien.
–C’est-y, insista Zonzon, que je ne vaille pas mon homme ?
– Voire… dit de nouveau François.
Du coup, elle se cala sur son derrière. Les autres rigolaient. Elles les regarda tous :
– Vous saviez bien que je n’ai pas peur d’un homme, ni d’deux, ni d’trois, ni d’quatr’, tas de fainéants que vous êtes.
Elle se fâchait : cela prenait bien. Ils pouffèrent. Puisque François avait commencé, c’était à François à poursuivre :
– Oh ! je sais ; quant aux bras, tu les as solides ; mais pour le reste !
– Le reste, s’étonna Zonzon. Quel reste ?
– Tout, expliqua François. Une supposition que l’aut’jour, au lieu de rester dehors, tu nous aurais suivis. Qui qu’t’aurais fait ?
– Bé !… comme vous autres. J’aurais rempli les sacs.
– Bon. Une supposition qu’au lieu de veiller à l’agent, t’aurais pu, comme nous, rencontrer cet agent. Qué qu’t’aurais fait ?
– Tu parles trop !… En tout cas, pas décampé, comme vous l’auriez peut-être fait, tas de fainéants que vous êtes !
– Il est quelquefois plus dur de fuir, observa François… Mais une supposition qu’au lieu d’être ici les trois fainéants qu’tu dis et ton homme, nous le soyons tous quatre, ton homme. Qué qu’tu ferais ?
– Moi ! fit Zonzon.
– Oui, qué qu’tu ferais ?
– Mais… j’ferais avec quatre, ce que je fais avec un.
– Voire, dit François.
Ils éclatèrent, et Justin plus haut que les autres. Tout de même, après réflexion, il parut inquiet :
– Écoute, vieux, c’est pas des choses à dire. Et toi, Zonzon, fourre ta langue dans ton orange !
– T’es bon, toi ! dit Zonzon.
Elle se tourna vers François :
– Ne blague pas. C’est-y que tu prétends que je n’pourrais pas être la femme de quat’z hommes ?
– Heu ! douta François.
– C’est-y qu’tu crois que je n’serais pas d’force ?
– Heu ! répéta François.
– C’est-y que tu veux dire que j’en aurais, avant vous autres, mon compte ?
– Heu ! dit encore François.
– Eh ! bien ! fit Zonzon, chiche !
Elle était sautée debout.
Quand Zonzon avait dit : « Chiche ! » c’était aussi grave que si elle avait craché par terre, en jurant :
– Que j’en crève.
Tout de même, il rigola :
– Chiche quoi ?
– Chiche, déclara Zonzon, que vous êtes quatre, et que je tiens le coup.
Alors, c’était sérieux ?
– En ce cas, dit François, il nous reste à nous mettre aux ordres de Madame. Si, bien entendu, Justin le permet.
– Permet ou pas, dit Zonzon. Et puisque t’as commencé, tu passeras le premier. Et tout de suite !
– Bon, bon, fit François, en traînant de la voix.