I

Elles sont mortes, ses amies,

Ses amis sont là-bas, là-bas…

Elle s’avance à petits pas

Parmi des choses endormies.

Son âme se plaint doucement,

Dans les sous-bois, près des fontaines,

Elle voit des formes lointaines

Qui vont, pleines d’apitoiement.

Devant sa pauvre âme tremblante

Tous les souvenirs sont passés,

Le soir, avec leurs dos lassés,

Et leur démarche nonchalante.

Dans son calme fauteuil de bois,

Je vois sa taille qui se penche,

Puis je vois sa figure blanche

Qui sourit parmi les sous-bois.

Ses pieds mignons foulent les mousses,

Les oiseaux ont de petits cris,

Et ses amours et ses yeux gris

Sont de vieilles histoires douces.

On eût dit qu’elle allait parler,

Ses lèvres chuchotaient entre elles,

Et l’on voyait dans ses mains frêles

L’habitude de consoler.

Mélancolique et matinale,

Quand je regarde, je la vois,

Très vieille avec sa vieille voix,

Dans les feuilles de soleil pâle.

Et ce n’est plus le beau soleil ;

C’est le soir, dans le salon tiède :

Le feu, la lampe… On cause, on cède

Aux baisers aimants du sommeil.

Au foyer une flamme rampe,

Et dans le salon qui s’endort,

Quelques amis qu’éclaire encor

La lueur faible de la lampe…

Puis, il te faudra les quitter.

Le jour souffre et revit encore :

Mais toi, la blancheur de l’aurore

Ne te fera plus grelotter.

La mort viendra sans te le dire

Toucher tes lèvres sans couleur,

Où la joie, et puis la douleur

Sont mortes dans un lent sourire ;

Puis ton cœur, maison du bon Dieu,

Où tant d’amis étaient ensemble

— Et leurs fronts dans la nuit qui tremble

Se diront vaguement adieu —

Tes yeux, où les jours sans secousse

Ont mis de la tranquillité,

Et tes épaules de beauté

Que la fatigue a faites douces.