Une heure après, environ, le prêtre sortit dans la cour, poussé par cette même étrange impulsion de mouvement qui, déjà, l'avait contraint à errer par les rues du village, – tel qu'un somnambule qui marche sans savoir où ni pourquoi, et qui, pourtant, ne peut pas s'arrêter.
Sur toutes choses un charme était tombé, pareil à celui qu'il subissait lui-même. De tous les hommes à qui Sylvestre avait parlé, tout à l'heure, dans sa chambre, aucun n'avait dit un seul mot. Tous étaient sortis en silence, immédiatement ; quelques-uns avaient traversé la cour, en même temps que le prêtre, pour se rendre à la chapelle, et s'étaient jetés là, y gisaient, immobiles, sur les dalles de pierre. Quelques-uns s'étaient retirés à part, pour se confesser l'un l'autre ; il les avait vus, tout à l'heure, pendant qu'il s'occupait à préparer l'autel pour l'office prescrit. Un autre, les mains pendantes, marchait de long en large devant la maison, sans arrêt, les yeux très grands ouverts et ne voyant rien. Un autre encore, saisi d'un besoin machinal de mouvement, comme le Syrien, avait, lui aussi, parcouru le village, se parlant très haut à soi-même, tandis que dans la lumière incertaine du monstrueux brouillard, des visages surpris le considéraient, de toutes les portes des maisons. Les paroles de Sylvestre avaient eu pour effet de clore, en quelque sorte, brusquement, l'existence terrestre des auditeurs ; et tous, aussitôt, avaient laissé tomber d'eux, comme un lourd manteau désormais inutile, toutes leurs pensées et occupations de ce monde.
Quant au Syrien lui-même, il aurait été bien incapable de rendre compte de l'état où il se trouvait. Il lui semblait que le temps ne marchait plus, comme aussi que ce n'était pas lui-même qui remuait, mais que la terre se mouvait sous ses pieds. Et toujours, tout en changeant de place, il levait les yeux vers le ciel, du côté de l'Orient, attendant ce qu'il savait qui allait venir, avec une certitude pleinement exempte de crainte.