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– Ma chérie, dear heart, ouvrez les yeux, je vous prie, open your eyes, my darling ! La tête blonde roulait doucement entre les genoux de Michelle et Philippe la regardait avec une attention profonde. Était-ce vraiment cela, cette chose fragile, lumineuse, cette coupe fragile de lumière toujours changeante même dans son étrange sommeil, qu’il avait tenue à bout de bras, contre la muraille ? Sa main gauche restait crispée au bouton de porte, et il appuyait l’autre contre sa poitrine, honteusement, ainsi qu’un outil de meurtre. Que cette main-là eût agi malgré lui, à son insu, dans l’emportement de la colère, possible ! L’exécrable était maintenant que cette tache noire au fond de lui persistât, que la lumière revenue la cernât sans l’entamer… Il ne se souvenait de rien. Ces yeux clos dont Michelle essayait gauchement de lever les paupières gardaient le secret de ce qu’ils avaient vu, d’un acte encore mystérieux que le raisonnement pourrait sans doute aisément reconstituer, mais qui ne lui en resterait pas moins aussi étranger que s’il eût été commis par un autre. Une part de sa vie, aussi petite qu’on la suppose – n’importe ! – venait de lui échapper pour toujours, une part de lui-même avait été, lui vivant, frappée de mort, abolie. Par quelle blessure mystérieuse, par quelle brèche ouverte de l’âme avait-elle ainsi glissé au néant ? Il semblait qu’avec elle se fût évanouie toute sécurité, toute certitude et que la conscience, ainsi qu’une citerne crevée, ne laissât plus désormais monter à la surface qu’une eau limoneuse, chargée d’angoisse. Une sorte de calme épouvante, une terreur aussi fade que le dégoût filtrait goutte à goutte de cette plaie noire et pourrie.

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