Les pays qui ont défendu la thèse du contrôle de la production sont les pays exportateurs de denrées alimentaires et de matières premières, essentiellement les pays de l’Amérique Centrale et de l’Amérique du Sud, Cuba, les Dominions Britanniques, au premier rang desquels l’Australie. Ils l’ont fait cependant avec réserve, en se défendant de tendre à une économie de restrictions. Cela est en soi un signe favorable, montrant que dans le monde présent, caractérisé par des possibilités techniques infinies, le malthusianisme économique devient de plus en plus impopulaire. On pourrait presque dire que les pays exportateurs avaient mauvaise conscience. C’est cette gêne qui explique en partie le succès de leurs adversaires en empêchant les mesures de contrôle à la production de figurer d’une façon explicite dans les résolutions finales.
La Grande-Bretagne a mené le combat contre les tendances restrictionnistes. Confirmant des informations que nous avons pu obtenir d’autre part, l’attitude de la délégation britannique à Hot Springs montre que l’Angleterre redoute une coalition des pays producteurs de denrées alimentaires et de matières premières, qui aurait pour résultat de porter les prix de ces marchandises, relativement au prix des produits industriels, à un niveau très supérieur à celui qui prévalait avant la guerre. Le résultat serait que l’Angleterre aurait à donner, pour obtenir la même quantité d’importations, un volume beaucoup plus grand de marchandises nationales. Étant donné que les débouchés pour les marchandises britanniques après la guerre seront probablement limités, cela signifierait que l’Angleterre éprouverait de grosses difficultés à équilibrer sa balance des comptes.
Mais dans leur attaque contre les tendances restrictionnistes, les délégués britanniques se sont trouvés gênés par le fait que leurs Dominions se trouvaient dans le camp opposé. Il est intéressant de noter qu’au sein de la commission s’occupant des stocks régulateurs, les deux chefs des tendances adverses étaient, d’une part, l’Angleterre, d’autre part, l’Australie. On peut conclure provisoirement de la Conférence de Hot Springs, en ce qui concerne l’Angleterre, que l’opposition entre ses intérêts et ceux de ses Dominions la gênera considérablement dès qu’il s’agira pour elle de définir une politique économique d’ensemble.
Les délégués américains étaient naturellement tentés de prendre la tête des pays exportateurs de produits alimentaires. La plupart de leurs interventions ont visé à soutenir les délégués de ces pays. Les raisons de cette attitude sont faciles à comprendre. En premier lieu, les États-Unis eux-mêmes sont un pays exportateur de denrées alimentaires. D’autre part, toute leur politique sud-américaine exige qu’ils prennent la défense économique des pays de l’Amérique du Sud.
Cependant, les Américains à Hot Springs ont presque constamment cédé devant les Anglais. Il semble qu’une entente au moins tacite a été conclue entre l’Angleterre et les États-Unis pour qu’un certain nombre de questions délicates, mettant en jeu l’avenir même des deux Empires, ne soient pas soulevées d’ici la fin de la guerre.