IX Bourdëscâdo

Car je languis d’amour.

LA BIBLE.

Depuis que Dina avait reçu la lettre d’Aymar, elle était moins inquiète, mais non moins agitée ; et, le lendemain, sur le vêpre, elle dit à son père :

– Je sors visiter Élisabeth, mon amie ; je reviendrai bientôt. Cette sotte mentait, car elle était peu disposée à la société, à la causerie ; pour songer à son aise et voir le ciel comme elle disait, seule, elle s’en fut errer sur les rives de la Saône ; imprudente !…

Son futur devait arriver après deux ou trois jours. Que de jolis rêves ne dut-elle pas faire, qui bercent plus que la solitude !

Un peu en deçà de l’Ile-Barbe, un passeur était assis sur la proue de sa bèche, espèce de barque abritée sous des toiles ou pavois, comme une gondole.

Une fantaisie s’empara subitement de Dina.

– Batelier, dit-elle en s’approchant, j’ai bien envie de voguer sur cette belle eau, mais je suis seule.

– Belle dame, qu’importe ?…

– Batelier, voici un écu pour mon passage, et voici ma bourse pour que vous respectiez une jeune malade.

Le batelier prit l’écu et la bourse ; Dina sauta dans la bèche, et disparut sous la tente.

Déjà la barque voguait au loin.

Tout à coup on entendit une symphonie douce, éloignée, qui glissait sur la surface de l’eau, et l’on vit poindre une autre bèche, qui ramait fort, et d’où partaient souvent des rires inextinguibles. Elle était chargée de jeunes hommes et de jeunes filles qui étaient venus faire de la musique et s’ébattre à la fraîcheur du soir ; ils ramèrent pour s’approcher de la barque de Dina, et passèrent tout auprès, se penchant pour voir sous la tente silencieuse ; mais le passeur pressa son aviron en amont, et ces indiscrets filèrent en aval sans rien distinguer.

La bèche de Dina remontait et s’éloignait toujours, et pourtant la nuit noire était tombée, et pourtant elle avait demandé au batelier à ne voguer qu’une heure au plus.

Et le batelier quittant son banc, se glissa sous la tente ; un cri s’échappa de la bèche qui disparut à l’horizon.

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