Yves-Fred Boisset (adhérent 871), « précorupsissien », se demandait en 1989 :
Où est passé le subjonctif ?
J’aimais tant l’imparfait du mode subjonctif
Que j’eusse souhaité que la langue actuelle
N’en abandonnât point la forme rituelle
Comme si chaque verbe était né défectif.
Il se prête à l’amour car il est suggestif
Et, tel un corps de femme a l’aura sensuelle,
Il évoque à la fois l’espérance cruelle,
La crainte, le désir ou le doute furtif.
N’eût-il pas été doux que de vous je m’éprisse
Dans ce joli parler aux senteurs de caprice
Que nos contemporains ont jugé périmé ?
Et qui se fût choqué qu’à vos pieds je mourusse
Si vous fussiez rétive à l’espoir sublimé
Qu’il fallût si longtemps qu’au fond de moi je tusse ?
Et un amoureux du subjonctif averti nous confie :
Monsieur le gérant du café-bar « LE PARDAILHAN « et du subjonctif,
Par les temps présents qui courent vers un problématique futur, vous vous attaquez vaillamment – à reculons certes – au subjonctif imparfait.
C’est parfait, l’harmonie du mot lui-même en faisant un passé simple comme un bonjour (que je vous transmets par la même occasion.)
Je me permets l’envoi de deux poèmes jumeaux intitulés « Nul amour n’est plus-que-parfait » qui me paraissent idoines à vos aspirations. Poèmes que nous avions concoctés bien avant que nous eussions connu vos préoccupations linguistiques.
Que n’eussiez-vous donc la bonté de me lire et que faisant, vous jouissiez d’assez de plaisir afin que vous puissiez en parler et qu’éventuellement vous recommandassiez le recueil dans lequel ces lignes furent tirées.
À votre secrétaire qui m’avait agréablement reçu…
Du déjeuner poète
Une accolade amie
À la jeune Mimi
Elle-même Poët
Comme elle me l’a dit.
Bien cordialement
Jean-Louis Ardouin
NUL AMOUR N’EST PLUS QUE PARFAIT, n°1
Que vous me fussiez apparue un beau matin
Quand mes rêves glissaient vers d’heureux lendemains…
Que vos pas d’aventure eussent croisé les miens
Et que nous eussions eu agréable entretien…
Que j’eusse senti en vous soupçon de passion
Et ouï mots doux murmurés à cette occasion…
Que vos yeux doux votre sourire et vos manières
M’eussent fait désirer embarquer pour Cythère…
Que des fées nous eussent présagé bonheur plein
Je n’eus tardé, chère… à demander votre main.
Sot, qu’aurais-je pu faire afin que tu le susses
Que mon amour eût été, et je ne m’abuse,
Égal au tien si ta flamme m’eût déclarée
Sans ambages, sans que j’eusse à la deviner…
Mais… que nous ne nous fussions jamais rencontrés
N’est-ce point, mon amour, gage d’éternité !
Jean-Louis Ardouin
NUL AMOUR N’EST PLUS-QUE-PARFAIT, n° 2
Que tu me fusses apparue nue un beau matin
Quand mes rêves glissaient en de brûlantes mains…
Que tes pas d’aventure eussent croisé les miens
Et que nous eussions eu équivoque entretien…
Que j’eusse senti en toi frisson de passion
Et ouï mots crus murmurés à cette occasion…
Que ton si suave corps promis sans manières
M’eût donné fort désir d’embarquer pour Cythère…
Que pour jouir de toi et en avoir bonheur plein
Il se pourrait que j’eusse… demandé ta main !
Pauvre fat, que dire afin que vous le sussiez
Qu’il en eût fallu plus pour que vous m’abusiez
C’est sans ambages que je veux vous déclarer
Que votre flamme, vous l’eussiez pu deviner,
Eût demandé plus de pudeur, plus de doigté
Si vous eussiez voulu ardemment me combler !
Jean-Louis Ardouin
Il se prête à l’amour car il est suggestif
Et, tel un corps de femme a l’aura sensuelle,
Il évoque à la fois l’espérance cruelle,
La crainte, le désir ou le doute furtif.
Yves-Fred Boisset
Monsieur,
Naturellement, c’est par votre passage dans Envoyé Spécial que je vous ai connu.
Je suis un Breton, amoureux de la deuxième langue que l’histoire nous a donnée, et comme vous et les vôtres, soucieux de la défendre, chaque fois que cela se peut.
Le passé simple fait partie des éléments qui justifient les vertus de précision que l’on prête généralement au français.
Quant à l’imparfait du subjonctif, c’est un ingrédient de son charme. Il colorie l’éloquence rhétorique, rend flamboyante la diatribe polémique, pimente voluptueusement le dialogue amoureux.
Alors bon courage et recevez mon obole de soutien. Très cordialement.
Yves Bernard (adhérent 680)
Eût-il vraiment fallu que je vous rencontrasse
Et que de vos beaux yeux vous me regardassiez
Eût-il vraiment fallu que vous persistassiez
Et qu’entre vos doux bras, seul, je m’abandonnasse ?
Était-il nécessaire au fond que je restasse
Sans qu’il fût jamais dit que vous me retinssiez ?
N’eût-il pas convenu que vous me plaignissiez
Avant qu’à vos appas inconscient je cédasse ?
Vous fûtes mienne avant que la nuit ne finît
Que le ciel s’éclairât et que le jour pâlît
Quelque blasé coriace et fort que je me crusse
Je ne pus regretter que nous nous connussions.
Vous gagnâtes mon cœur presque et quoique j’en eusse
Il s’en fallut de peu que nous nous aimassions.
En toute sympathie. J. C. Peter
Terminons ce court chapitre par une exhortation ; il faudrait que chacun s’exerçât au maniement de ces formes subtiles :
Immédiatement vous me plûtes… Je vous le déclarai.
Il fallait que je vous revisse et vous obtempérâtes.
Vous acceptâtes un rendez-vous, mes baisers, mes caresses…
Il serait très opportun que nous nous revissions et que nous poussassions plus loin notre commerce amoureux.
Car l’amour du subjonctif mène bien souvent à l’amour au subjonctif !