Ne trouvez-vous pas cela « poétiquement chantant » de pratiquer cet art subtil ?
Monsieur Bouissière Alain, nous fûmes conquises par votre association et nous ne pensions pas qu’il existât un groupe comme le vôtre qui se révélât aussi poétiquement chantant. Aussi comme maman et moi sommes très intéressées, nous avons décidé de nous inscrire au CO. R. U. P. S. I. S. Nous vous joignons notre règlement de vingt francs.
Solange et Pascaline Le Roussel (adhérentes 501 et 502)
Il est très étonnant d’observer que les personnes sensibilisées à notre aventure s’expriment spontanément sous forme de poésies.
Le visiteur pénètre dans le café, consulte les coupures de presse qui ornent les murs, lit quelques courriers, discute avec l’un avec l’autre et va chercher l’inspiration en « faisant un petit tour de ville ». À son retour, sur un coin de table, presque sans retouches, il nous fabrique incontinent (l’adverbe, pas l’adjectif, je m’entends !) un charmant poème rempli de musique et fleuri comme du du Bellay !
Et nous sommes très fiers, Monpazier et nous, elle pour avoir conservé ses vieilles pierres médiévales, et nous pour avoir exhumé ces bonnes vieilles conjugaisons, d’avoir réveillé chez certains la veine poétique qui dormait en eux !
D’ici que les rappeurs, ces nouveaux poètes populaires qui manient l’allitération comme ce n’a plus été fait depuis des lustres, rythment et riment à l’imparfait du subjonctif et au passé simple et, pourquoi pas, en vieux français…
Requeste d’un escrivaillon ressuscité
Vers mille six cents je vescus,
Et il fallut qu’on m’embaumast,
Et que ce jourd’hui m’esveillast.
Ceci me cousta moult écus !
Lors, j’appris doncque que ma grammaire,
Fit trop folastrer mon grand-père.
Il l’aima en langue de boy,
Si mal qu’elle en perdist la joy,
Des passés simples et subjonctifs
De l’imparfait. Meslant les tifs,
Vous fistes, sire Pardailhan,
Que nous pusmes resver, vaillants,
De resjouir la conjugaison,
De nos verbes en pasmoison.
Nous agréesroit vray que ces festes
Chantassent toujours en nos testes !
Et qu’agréable nous seroit,
Que, confiant, vous acceptassiez
En vostre académie de roys,
Nostre prestance bien modeste,
D’escrivaillons rapetassiers !
Fait en vostre auberge de Pardailhan,
En la bonne ville de Montpazier,
En ce trentième jour du mois des vendanges,
De l’an de grâce mil neuf cent nonante huit,
Par nous, communesment nommé
en nostre première vie Wrantz Bas de Haut
en nostre seconde vie
Francis Haudebat.
SUBJONCTIF PARFAIT
Le subjonctif était parfait,
Fallait-il qu’on l’abandonnât
Pour un simple et vulgaire présent
À la musique plus ordinaire.
Si de passage au Pardailhan,
Je vous assure gentiment
Qu’il faudrait que vous servissiez
Au voyageur que je serai
Ce que vous avez de plus grand,
N’en soyez pas trop étonnés !
Cinquante et un, c’est le pastis,
L’année aussi de ma naissance.
Il fallait que je vous écrivisse
Pour arrêter la fuite du temps,
Celui qui fait que l’on peut dire
Qu’il aurait fallu que je busse
Bien plus d’alcool pour mon délire.
Mais fallait-il que je le susse !
Un arrêté ministériel
De cinquante ans m’a précédé,
Pourtant, petit, j’ai fredonné
Des subjonctifs très imparfaits.
Il a fallu que je ressasse
Pour retrouver les accents
D’un mode écrit au bon vieux temps
Qu’il fallait que je me rappelasse.
Il aurait peut-être fallu
Que je busse davantage
Pour éclairer mon crâne obtus
Longtemps fermé à l’art subtil.
Pierre-Jean Loyau-Renan
Une logique musicale ?
Cher ami du français,
J’ai bien aimé la remarque d’un des membres du CO. R. U. P. S. I. S. disant hier sur France 2 qu’il y a une logique musicale dans la concordance des temps et des modes.
Mon père parlait le béarnais aussi bien que le français, et l’imparfait du subjonctif lui était naturel : Le substrat de notre vieille langue d’oc aide. Par exemple :
Que can que bieni (=il faut que je vienne), mais au passé : que calè que benoussi (=il fallait que je vinsse). Le français sera sauvé par les occitans, comme la France jadis par les Armagnacs et le Bon Roi Henri !
Très cordialement,
Jean Hourcade
A. L. F.
Entonnons (les bains ?)
Romance subjonctive, paroles de Briollet et Léo Lelièvre, musique de Gaston Maquis
Parlé :
J’eus jadis une folle maîtresse très forte sur les subjonctifs. Comme le sort voulut que nos amours se brisassent, il fallait que je composasse cette romance pour que mes larmes se séchassent et que mes sanglots s’étouffassent. Avant que je ne commençasse, je demanderais que vous écoutassiez cette complainte qui est la plus triste de toutes celles que vous ouïtes.
De mes caresses vous rougîtes,
Puis ensuite vous les subîtes
Pourquoi faut-il que d’notr’passion
À présent nous ricanassions ?
Tout d’abord vous m’idolâtrâtes,
Puis avec un autr’vous m’trompâtes
J’aurais pas cru que vous l’pussiez.
Et qu’mon rival vous l’aimassiez.
Refrain :
Amer, amer destin du cœur
Femme légère que vous fûtes
Vous fît’s hélas pour mon malheur
Toutes les peines que vous pûtes.
Il fallait que j’vous écrivisse,
Ou que chaque jour je vous visse
Pour que vous me soupirassiez
Les mots dont vous m’baptisassiez.
Fallait que je m’agenouillasse
Sans que jamais je reculasse,
Pour que nous nous adorassions
Et puis qu’nous nous dégoûtassions,
Et puis que nous nous plaquassions.
Refrain :
Amer, amer destin du cœur
Dans l’amour que vous suscitâtes
Vous fîtes germer la douleur
Et ce jour-là, vous m’épatâtes !
Sans que jamais je marchandasse
Il fallait que je roucoulasse
Les vœux que vous incarnassiez
Et que vous accumulassiez.
En échang’d’vos ch’veux qu’vous m’offrîtes,
C’est avec joie que vous me prîtes
Les méch’s que vous désirassiez
Car j’voulus bien que vous m’éméchiez.
Refrain :
Amer, amer destin du cœur
Quand un beau jour nous constatâmes
Qu’nos ch’veux lâchaient nos crân’s vainqueurs,
Dès lors nous nous déplumardâmes
Vous n’maimiez plus, fallait que j’eusse
Bien des forces pour que je pusse
Prendr’mon cœur sans qu’vous l’retinssiez
Pour ne pas qu’vous l’abîmassiez.
Combien de cruautés vous eûtes
Que de noirs projets vous conçûtes
Pour que vous m’ensorcelassiez
Et que vous me poignardassiez.
Refrain :
Amer, amer destin hélas
Il fallait que j’vous oubliasse
Car votr’nom, trop m’écervelât
Pour que jamais vous l’répètasse.
La première personne qui m’a procuré le texte de cette chanson c’est le guide touristique du village, nordiste d’origine et monpaziérois de cœur.
Un après-midi, il pénètre dans le bar (ce qui n’est guère dans ses habitudes !) et de sa voix de stentor :
– « Je me rappelais quelques mots d’une chanson que chantait mon père (M. Van Den Bosch porte allègrement ses octante ans), je me suis débrouillé à obtenir le texte en passant des annonces dans les revues spécialisées, je vous offre la partition ! »
Et, sans attendre, a cappella, il m’a intégralement chanté cette « Romance Subjonctive » !
Même démarche chez ce correspondant qui, d’une écriture élégante a écrit ceci :
Monsieur, je tiens tout d’abord, à vous adresser toutes mes félicitations et tous mes encouragements pour l’entreprise originale, exemplaire et plaisante dans laquelle vous vous êtes engagé avec vos amis et que vous êtes en train de mener à bien. Comme des millions de Français et de Francophones j’ai découvert votre démarche grâce à la télévision qui vous a consacré un sympathique reportage. Malheureusement je n’avais pu, alors, relever vos coordonnées que je recherchais depuis pour vous écrire. Or, la chance est venue à mon secours ces jours-ci sous la forme d’une coupure de presse : Le Dauphiné libéréen date du 3 septembre dernier consacrait un long article à votre aventure sous la plume de Gilles Debernardi, article dont vous avez eu certainement la primeur.
Enseignant retraité, littéraire de goût et de formation, je m’intéresse de près à la langue française. Au printemps dernier, un vieil ami me soumettait trois vers écrits au subjonctif imparfait et m’en demandait la provenance et l’auteur. Ne pouvant y répondre, je posais la question à la revue littéraire Lire à laquelle je suis abonné. Ma question passa dans le numéro de juin.
J’ai reçu trente-six réponses émanant des lecteurs dont la grande majorité me dit que ces vers sont extraits d’un poème que le célèbre humoriste Alphonse Allais écrivit à la danseuse Jane Avril en 189O sous le titre de : « Complainte amoureuse » et m’en adresse le texte complet (c’est la bonne réponse ). Les autres me parlent d’une chanson : « Romance subjonctive » de Léo Lelièvre et Gaston Maquis que Mayol chantait au début du siècle (ce n’est pas la bonne réponse mais c’est intéressant quand même !) et m’en ont adressé le texte avec des variantes.
L’un de mes correspondants inconnus qui m’avait déjà adressé cette « Romance » vient de me faire parvenir l’article du Dauphiné.
Je désirerais, Monsieur Bouissière, adhérer au Corupsis et vous faire parvenir ma cotisation sous ce pli.
Sachant votre passion pour ce temps mal connu, je me permets de vous adresser les textes d’Allais et de Lelièvre mais peut-être les avez-vous ?
En mesurant l’honneur que je brigue à vouloir entrer dans le CO. R. U. P. S. I. S., je vous adresse, Monsieur Bouissière, l’expression de mes meilleurs sentiments et vous renouvelle mes encouragements.
R. B. (adhérent 927)
Monsieur et chers amis, en vous remerciant pour la carte de membre adhérent reçu ce jour, je veux vous faire part de quelques trouvailles. Sur la feuille jointe, extraite de la revue « Femme actuelle « (Printemps 1997), vous verrez qu’Arletty chantait en 1939 :
« Pitié, Ernest, pour une faible femme !
Sentez mon sein palpiter de passion !
À ce péché, perdition de mon âme,
Faudrait-il que nous succombassions ? »
C’est assez surprenant, n’est-ce pas ?
D’autre part, dans la revue « Magnificat « de juin 1997, j’ai appris et noté que le mode du verbe qui exprime le souhait, comme dans : Dieu vous bénisse ! est l’optatif du subjonctif ! ! !
J’ai lu, il y a quelques années, Le cheval d’orgueil de Pierre-Jakez Helias, (chez Plon) en retenant que son père ou son grand-père utilisait fréquemment une tournure au subjonctif pour accueillir ses visiteurs.
Mais je ne retrouve ni la dite tournure, ni la page où l’auteur cite ce souvenir. Je poursuis mes recherches. (« J’eusse voulu », ce me semble, je ne sais plus la suite.)
Pour terminer cette lettre, étrenner mon adhésion, peut-être eût-il fallu que j’improvisasse quelque subjonctif subtil et bien venu ?
À court d’idées, je me contente de vous dire ma joie d’être des vôtres, et de vous adresser mes très cordiales et subjonctives salutations,
Marie-Reine Vaconnet (adhérente 685)
Et, désormais, puisque la porte de la truculence est entrouverte, il faudrait tenter aussi de réhabiliter tous ces vocables anciens qui résonnent dans notre tête comme les ferraillages des mousquetaires, fanfarons, querelleurs, forts en gueule, vivants !
Que les bretteurs dégainent leur rapière et viennent au secours de notre langue en réutilisant les pittoresques vocables que le français a relégués au fond de sa mémoire !
Au lieu de traiter quelqu’un de con, traitez-le de benêt (prononcer beunet), de faquin, d’olibrius, de cuistre, de paltoquet, etc. Ou bien, au lieu de le traiter d’enculé, traitez-le de sodomite ! L’insulte sera plus terrible !
Il y a trente ans, 1968 a décrispé et déchâtié la langue et, si l’on veut croire nos correspondants qui récriminent sans se départir de l’humour, la tolérance qui court actuellement ressemblerait à du laxisme.