S. O. S. subjonctif

Cher ami

Bien qu’affairé à abreuver votre clientèle avant que de soif elle ne trépassât, vous eûtes cependant, à notre égard une oreille attentive.

Qu’il nous soit au présent (avec mille excuses) permis de vous remercier ! Et, ces lacunes subjonctives que vous acceptâtes, trouvèrent, en votre tolérance, leur place.

Vous dire qu’en cet après-midi radieux, notre univers s’en trouva brusquement profondément transformé, et, du coup celui de nos enfants ! Que nous nous interrogeassions vous surprendrait-il ? (regards goguenards et sarcasmes).

Saisiront-ils un jour toute la saveur de ce langage nouveau ?

Nous le pûmes, vous le pûtes, diront-ils plus tard qu’ils le purent ?

Amicalement et à bientôt

Marie-France et Guy Meyer (adhérents 485)

Nous avons ouï dire que des associations comme la nôtre avaient été créées dans l’entre-deux-guerres par Georges Duhamel, Alexandre Vialatte ; c’était trop tôt pour qu’elles fussent viables.

Car, en cette fin de siècle où la langue française accepte naturellement les gros mots qui ne choquent plus nos chastes oreilles, où les grands médias utilisent une langue élémentaire pour rester accessibles au plus large public, où insérer des expressions d’outre-Atlantique fait « in » et « smart », je pense, nous pensons, que le moment est venu de dégager des étagères de la langue les poussiéreux imparfaits du subjonctif et passés simples et de s’en servir avec tout le panache qu’ils n’ont pas perdu dans leur sommeil !

La survie de notre langue, dans l’univers anglo-saxon qui fatalement (hélas !) deviendra la langue officielle de nos descendants, passera par l’exhumation de temps oubliés, mais aussi de mots oubliés. Si pittoresques dès qu’on les réveille…

Le S. O. S. lancé a été entendu, des lettres y ont répondu :

S. O. S.

Au secours ! le monde est malade

La haine a verrouillé les cœurs ;

Les êtres sont en débandade

Ne croyant plus à quelque ailleurs…

Où sont les sages de la terre

Aux larges mains d’apaisement ?

Le désamour et la misère

Pleurent en leur hymen sanglant.

Pourtant, il est une survie

Pour le navire ballotté.

Serait-ce pas la poésie,

Route de verticalité ?

La poésie est un prodige

Et ce monde sombre et pervers ;

Fleur des grands sommets, sur sa tige

Elle provoque l’Univers !

On veut la railler, voire en rire,

Mais qui pourra trouver la clé

D’un futur guéri du délire,

Sinon le poète inspiré ?

Jacqueline Delpy

Lauréate de l’Académie française,

Présidente d’art et poésie de Touraine, Esvres-sur-Indre

Monsieur, exaltée, enthousiasmée, que dis-je, transportée par ce reportage que je vis hier au soir, dans l’étrange lucarne, sur les hérauts du parler bien, et qui de vos membres, me fit rêver d’être.

Plût à Dieu que vous m’adoubassiez, (corrigez-moi si je ne m’abuse), pour porter haut l’oriflamme d’un subjonctif imparfait depuis trop longtemps remisé au fond des mémoires.

Peu me chaut les clabauderies de l’ignorant, si c’est pour son bon usage (du subjonctif imparfait) qu’il faut pourfendre les perfides réducteurs d’une langue française, hélas, valétudinaire !

J’apporte mon obole, et accompagne dès lors votre plumet dans la croisade.

Bien à vous,

Florence Mansuy (adhérente 459)

Cher monsieur, à peine sus-je que vous ne composâtes jamais avec le passé simple ; à peine connus-je que le subjonctif vous sembla d’emblée imparfait quand un usage trivial prétendit qu’il ne fût plus régi par la concordance des temps ; à peine appris-je la louable mission à laquelle vous résolûtes de vous dévouer en faveur de l’intangibilité des aspects verbaux, qu’il m’eût semblé commettre une sorte de forfaiture quand j’eusse douté s’il fallait que je vous rejoignisse, après que j’avais été instruit de vos intentions.

Quelle déplorable perte si le laxisme grammatical l’emportait au point que nous renonçassions et que nous nous privassions du virtuel, de l’inchoatif, du procès et de l’inachevé, propres à l’exact imparfait du subjonctif ! Il fallait que nous fussions nonchalants pour que nous vissions sans regrets de tels solécismes, que nous nous soumissions à un tel appauvrissement, que nous nous résignassions à un tel émondage.

Il n’était pas possible que ces écarts temporels plussent au vulgaire, qu’ils s’installassent dans l’usage commun, et qu’on assassinât la grammaire sans que personne ne réagît ni protestât. Il importait donc que vous vinssiez et que vous prissiez des mesures, ce que vous fîtes.

Vous semblerait-il opportun que je pusse prendre rang dans votre cohorte d’orthodoxie ? Sans doute, tolérâtes-vous des militants plus idoines et plus disponibles, mais il me serait agréable que vous ne me rejetassiez pas. Dans cet espoir, je vous dis mes pensées attentives et cordiales.

M. Xavier Darcos, doyen de l’Inspection Générale de l’Éducation nationale et sénateur maire de Périgueux.

(adhérent 360)

Bravo ! Bravissimo !

Un fax est advenu, j’ai lu, je suis convaincu…

et je tâcherai de répandre la bonne parole !

J’apporte mon suffrage à cette noble cause,

et pour la soutenir, aussitôt je propose

Un slogan didactique :

Le plus parfait des conatifs c’est l’imparfait du subjonctif.

Un distique prophylactique :

Comme le CO. R. U. P. S. I. S., combats la corruption

et refuse tout vice à ton élocution.

Et un quatrain lyrique :

CO. R. U. P. S. I. S. salvateur, parmi les démissions

Des locuteurs triviaux, il suffisait, en somme,

Que nous ouïssions ta voix pour qu’enfin nous crussions

À l’avenir radieux de notre doux idiome.

François Vareille (adhérent 961)

Finie la courtoisie qui enchantait nos pères,

Oubliées les valeurs dont on était si fier,

Perdue, la politesse, et ce qui va de pair…

Et place au mauvais goût, la casquette à l’envers !

Heureux qui, comme Ulysse a fait un beau voyage,

Et puisé dans les livres le goût du beau langage.

Le temps n’est pas si loin, au détour d’une page,

Où surgissaient encore ces temps un peu sauvages…

À la moindre occasion -Dieu sait s’il y en avait ! -

L’on employait de beaux subjonctifs imparfaits.

L’habitude était saine, et quel qu’en fût le prix,

S’ils en valaient la peine, il fallait qu’on la prît.

Ne vous méprenez pas, ce n’était pas un vice :

On savait s’arranger pour ne pas qu’ils sévissent.

Gageons qu’il suffirait que je les écrivisse,

Pour que de vos mémoires de nouveau ils surgissent…

Il faudrait tout d’abord que vous les goûtassiez,

Pour qu’ensuite charmés, vous les répétassiez

Et qu’ayant découvert ces plaisirs outranciers,

Sans le moindre complexe, vous en abusassiez !

Le vingt-six février de l’an dix-neuf cent un,

Fut décidé dans l’ombre un décret assassin.

On accepta dès lors le subjonctif présent

Au lieu de l’imparfait consacré par les ans.

Rappelez-vous ce temps : celui des Années folles.

Le siècle ainsi naissait d’un jet de vitriol.

À se couper les ailes au seuil de son envol,

Pouvait-il éviter de se briser au sol ?

Foin de la nostalgie, fini ! me direz-vous.

Il faut suivre son temps. Allez, on se dévoue ?

– D’où qu’il est ton français ? Ben ouais, tu l’as mis où ?

– Ben j’chais pas, j’ai glissé, pis j’l’ai paumé partout…

Bien d’accord avec vous, c’est un vrai cauchemar.

Vous souhaitez réagir, car vous en avez marre ?

Pour bien faire, on le sait, il n’est jamais trop tard :

Pourchassons sans pitié ces lieux communs barbares !

CO. R. U. P. S. I. S. s’est créée, c’est une association

Qui nourrit pour la langue une franche passion.

Rétablir ses usages, telle est notre mission :

Ne serait-il pas bon qu’unis, nous vainquissions ?

Si tu montres la lune, un jour avec ton doigt,

Les idiots, sois-en sûr, regarderont ton doigt.

Fais fi des quolibets, n’écoute que la voix

Qui te dit doucement qu’au français tu le dois !

Thierry Chevrier (adhérent 113)

En cette époque, chaque minorité reconnaît sa chapelle à la tenue vestimentaire, au style de musique écouté, au désinhibant sniffé, fumé ou ingéré et au jargon utilisé. Ce langage évolue au gré des trouvailles des médias et la tentation est grande pour un journaliste de qualifier la France d’hexagone, d’annoncer des réformes désormais drastiques après avoir été longtemps draconiennes, d’informer que Machin a concédé un but, que le concert live de Truc est annoncé pour mardi prochain et qu’il est Seize Quarante (Pour ceux qui n’écoutent pas le Mouv’, cela signifie 16 heures 40.)

Et, dans cette quête d’originalité, il est toutefois agréable d’assister à des exhumations bien sympathiques telle que la compil de Untel, apocope informatico-médiatique de compilation (Lat. compilare de pilare, piller)…

C’est pour toutes ces raisons qu’il suffirait que certains grands prêtres de l’audiovisuel s’enhardissent et osassent pour qu’un nouveau verbiage original devînt à la mode.

Ils pourraient commencer par utiliser le précis passé simple :

Nous vous informâmes ce matin du mouvement de grève à la SNCF,

et continuer par le conseilleur imparfait du subjonctif :

Il faudrait que vous téléphonassiez à ce numéro avant votre départ !

Suivant l’aura du journaliste, son exemple sera suivi car il peut représenter pour certains un moyen de se singulariser de façon tout à fait originale.

Petite histoire : Nous avons crée l’association en fin d’année scolaire et quelques étudiants ou lycéens du village ont spontanément adhéré à notre humoristique initiative. Nous étions très étonnés de leur assiduité à apprendre les règles de l’imparfait du subjonctif jusqu’au jour où nous avons pris connaissance qu’ils l’utilisaient en classe pour « coincer » leurs professeurs et pour se singulariser auprès de leurs camarades !

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