Le subjonctif et les associations

Il faudrait que nous nous associassions… Et mon correcteur orthographique qui s’entête à me proposer : associations !

La liberté d’association n’a été reconnue en France qu’en 1901, la même année où la tolérance est allée jusqu’à admettre le subjonctif présent au lieu du subjonctif imparfait etc., etc.

La loi du 1er juillet 1901 affirme :

Les associations de personnes pourront se former librement et sans autorisation, ni déclaration préalable.

Et, sérieuses ou fantaisistes, les associations foisonnent en France !

C’est pas cher et ça peut rapporter gros, disait Crozemarie, le tireur à l’A. R. C. !

Ces associations dévoratrices quant aux « effigies du monarque »…

Cher monsieur le président, j’eusse aimé ce jour vous mander plus importante obole, mais encore pour cela eût-il fallu que mes ressources se fussent révélées constituer un fonds suffisant où pouvoir y puiser sans parcimonie.

Étant membre de nombreuses associations dévoratrices quant aux « effigies du monarque » (comme eût dit Flaubert), et ne disposant que de faibles moyens d’érémiste (Retraité Minable Impécunieux), veuillez considérer mon envoi plutôt comme une adhésion de principe à votre sympathique mouvement, auquel je serais heureux que vous m’agrégeassiez tout en m’y agréant, dussé-je par ce souhait vous paraître quelque peu présomptueux.

Je fais également adhérer au comité pour la réhabilitation et l’usage du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, une amie marseillaise dont je souhaiterais que se manifestât son attirance à l’égard de vos initiatives autrement que par des velléités, et qui ne manquera pas de vous contacter sans tarder.

Bon travail linguistique, cher monsieur le président, et croyez, je vous prie, à mes sentiments distingués et dévoués,

Paul Courget (adhérent 850)

Monsieur, à la suite de notre conversation téléphonique de ce jour, j’ai le plaisir de vous confirmer que j’eusse aimé être adhérente à l’association CO. R. U. P. S. I. S. afin d’ajouter mon modeste concours à une œuvre aussi louable.

Il eût été regrettable de laisser ainsi notre beau langage dépérir sans opposer une quelconque résistance, fût-elle orale.

Le maniement du verbe avec bonheur ne devrait-il être que l’apanage d’un cercle restreint de beaux diseurs ? Je n’en crois rien. Perpétuons, de grâce, des phrases et des mots dont nous sommes héritiers. Léguons, en ces temps surinformatisés, la noblesse d’une langue construite au fil de notre histoire. Bannissons les contractions, les abrégés castrateurs et exprimons-nous pleinement.

Il eût été souhaitable que nous fissions de notre langue maternelle – mondialement considérée comme marque d’une certaine distinction, teintée certes d’intellectualisme – un instrument quotidien, mais non banalisé, de communication correcte.

Noëlle Marti-Gerbaud (adhérente 910)

Monsieur et cher membre fondateur, je vous vis à la télévision, vous rendis visite en juillet et adhérai au comité sur-le-champ (devenu foirail, je crois).

Veuillez trouver ici la confirmation écrite de mon souhait d’être membre de votre association et, ci-dessous, un extrait de la belle langue que j’aime (Les égarements du cœur et de l’esprit. Crébillon fils. (Folio, p. 105) :

« Je souhaitais mille fois qu’elle fît un faux pas, qu’elle se donnât même une entorse ; je ne voyais plus que ce moyen pour engager la conversation ; mais il me manqua encore, et je la vis monter en carrosse, sans qu’il lui arrivât d’accident dont je pusse tirer avantage ».

Pour pourfendre apocopes et autres aphérèses, je suis des vôtres ! Amicalement,

Dominique Jean (adhérent 756)

« Bannissons les contractions, les abrégés castrateurs et exprimons-nous pleinement »… Dans les diverses conversations et à la lecture des courriers de ces amoureux du beau langage, une remarque revient cycliquement : Pourfendre apocopes et aphérèses…

Les premiers qui ont évoqué cette idée, c’était, je crois, des techniciens de l’audiovisuel…

Cette sympathique corporation emploie un langage technique plus proche de l’anglo-onomatopéique que du français :

– Passe le spot, qu’on mette le gloup dans le trumps. Gaffe au frukle ! Ouais, branche le trax et essaie le grumpy ! O. K. Ça roule !

– Vous devriez créer une association pour l’abolition des apocopes et des aphérèses…

Heureusement qu’au bar Le Pardailhan les dictionnaires avoisinent la machine à bière !

Stupeur ! Les mêmes qui raccourcissaient les mots jusqu’à émettre des monosyllabes gardaient la nostalgie de l’autobus, du métropolitain ou du cinématographe !

Et qu’il est plaisant de jouer avec ces mots :

Oh ! Vous prîtes l’autobus et vous ratâtes la séance de 17 h 30. Il aurait fallu que vous prissiez l’automobile ou le métropolitain pour que vous fussiez à l’heure au cinématographe !

Assurément, on ne peut pas aller à contre-courant et imposer de rouler à motocyclette, d’effectuer les reportages armé d’un appareil photographique et d’un microphone, d’écrire avec un stylographe, et de suivre les informations sur le récepteur de télévision !

Cette dernière, qui s’est vue raccourcie en « télé » puis en « T. V. ». finira-t-elle en un simple « T » ? Tout comme le mot « cassette » qui, faisant trop français, se travestit en K 7 !

Nouveau langage codé que chacun comprend !

Faut-il récriminer ? Je ne veux pas me prononcer, je n’ai pas l’âme d’un censeur, mais je militerai pour que les générations futures se souviennent de ces longs mots techniques qui sont à l’origine de nos raccourcis et qu’ils peuvent les utiliser sans passer pour un réac (apocope), par anticonformisme et avec humour…

Nous ne pouvons mentionner ici toutes les associations qui nous ont contactés à la suite de la publicité faite autour de la nôtre et nous prions les non-citées de nous en excuser.

De la vénérable Défense de la Langue Française (Jean Dutourd, Brigitte Level, Françoise Fermentel, Bernard Segard) à l’intransigeant Comité Provence Protection Langue Française de Roland Kerkove à Bandol, en passant par Avenir de la Langue Française (Jean Hourcade, Albert Salon, Thierry Priestley) à Paris 09 et l’Académie francophone de Joseph Krotky à Chambéry et l’Association Sauvegarde et Expansion Langue Française, (ASSELAF), de Christian Mazilier-Loustalet, ces associations avouent leur détermination à défendre notre doux idiome contre les attaques de l’anglo-américain et contre le langage débraillé véhiculé par les animateurs des émissions télévisées populaires.

D’autres, plus littéraires comme l’Association des amis d’Alexandre Vialatte (pugnace défenseur de l’imparfait du subjonctif, s’il en est !) ou l’Association Claude Vaugelas, de Pérouges…

Monsieur,

Je vous présente rapidement les objectifs de notre association : cette confrérie est née d’une « révolte ». Nous étions agacés de voir avec quel laxisme la majuscule était utilisée ou non utilisée : il suffit de lire la presse pour voir que les titres ou les noms de personnes ou de pays sont victimes du mauvais usage des règles de la langue française.

Notre ambition est aussi de revitaliser le point-virgule ; signe de plus en plus ignoré car peut-être est-il jugé dépassé ? En ce qui me concerne, je considère le point-virgule comme un élément central car il est charnière et qu’il organise la phrase autour de lui ; bref il est le centre autour duquel doit s’organiser la pensée.

La mission de notre association est claire : nous allons intervenir dans la vie culturelle française pour dire l’intérêt du bon emploi de ces signes qui incarnent une forte dimension littéraire et culturelle ; voire patrimoniale. Nous agissons en écrivant des lettres lorsque nous constatons le non-respect des règles d’utilisation de la majuscule.

Voici donc esquissée à grands traits notre joyeuse confrérie ! Vous me demandez de nous présenter : nous sommes actuellement une douzaine de membres fondateurs (pour l’essentiel des enseignants – historiens, profs de maths, etc. – mais pas seulement) et nous serions heureux de vous compter dans nos rangs si vous le souhaitez.

Notre parrain est, comme vous le savez, le chroniqueur matinal de France Inter : Philippe Meyer.

Je reste à votre disposition pour tous renseignements complémentaires, et je vous souhaite une bonne ponctuation ! Merci de votre intérêt, à bientôt.

Bien cordialement,

Patrick Gourlay

Association pour la défense et la promotion de la majuscule et du point-virgule. Quimper.

En réalité, cette lettre ne nous était pas adressée ; elle était destinée à Bernard Farge (adhérent 462) qui, en informant l’association quimpéroise de notre existence, a reçu ce courrier et nous en a envoyé une copie.

Monsieur le président,

J’ai été séduit par CO. R. U. P. S. I. S. Bravo ! Ce que vous faites est superbe. Je souhaite devenir membre de votre association.

Par ailleurs, je me permets de vous donner une information et d’exprimer un souhait.

L’information :

Je suis responsable d’une association, appelée Eurcasia, qui organise chaque printemps, depuis 17 ans, des rencontres d’étudiants américains et russes (ou biélorusses) avec des lycéens de Thonon-les-Bains et d’Evian. Au programme de ces rencontres figure un concours de connaissance de la civilisation de l’autre qui inclut un exercice… d’utilisation du passé simple. Au printemps prochain il va de soi que nous y ajouterons l’usage de l’imparfait du subjonctif.

Le souhait :

Je souhaite que l’équipe lauréate de ce petit concours reçoive une distinction (par exemple une lettre ou une sorte de certificat ou diplôme, ou toute autre chose à votre convenance) de CO. R. U. P. S. I. S.

Est-ce envisageable ?

Merci de l’attention que vous voudrez bien accorder à ma suggestion. Je suis à votre disposition pour vous donner de plus amples renseignements sur l’activité de notre association en faveur de la langue française si vous le souhaitez.

En vous renouvelant mes félicitations, je vous adresse, Monsieur le président, mes meilleurs sentiments.

Philippe Guichardaz (adhérent 792)

Comité Léman Mont-blanc Thonon-les-Bains Cedex

C’est à la suite de cette requête que le diplôme suivant a pu être décerné à l’équipe biélorusse en 1998.

Faut-il rejoindre la… Fédération des Associations de Ceux Qui Ont que ça À Foutre ?

Monsieur,

Président-fondateur de l’A. D. O. N. I. S. (Association pour la Défense Opiniâtre des Nains de jardin et de l’Imparfait du Subjonctif, Journal officiel du 10.07.96), j’ai appris, il y a peu, l’existence de CO. R. U. P. S. I. S. dont les buts me semblent parfaitement dignes d’intérêt.

L’A. D. O. N. I. S., qui compte 20 membres actifs et 3 membres d’honneur depuis la dernière assemblée générale, se propose, sous des prétextes futiles et deux raisons d’être parfaitement incompatibles, de réunir des amis de la belle langue et du bon vin, pour traiter à l’imparfait du subjonctif de sujets parfaitement triviaux et inutiles (donc beaux).

J’aimerais donc que vous m’envoyassiez à mon adresse ci-dessus tout document qui pourrait m’être utile afin que j’adhérasse à CO. R. U. P. S. I. S. et que je rejoignisse la grande famille des fidèles de l’imparfait du subjonctif.

J’ai par ailleurs fondé le collectif pour la sauvegarde du point virgule, ainsi que l’association pour la défense d’une espèce , toutes associations regroupées sous le drapeau de la F. A. C. Q. O. Q. C. A. F., association palindromique : Fédération des Associations de Ceux Qui Ont Que Ça À Foutre.

Il serait gentil que vous me répondissiez.

Que je conjuguasse !

Bernard Fourtet

Non, les associations de défense de la langue française ne font pas partie de la F. A. C. Q. O. Q. C. A. F. ! Voici « le mot du président », texte rédigé par Jean Dutourd dans le bulletin 182 de Défense de la Langue Française du 3° trimestre 1996 :

Le palais Bouquinquant

J’ai longtemps rêvé sur le mot alcool. C’est un très beau mot ; j’oserai presque dire un mot grisant. Apollinaire était de mon avis, je suppose, puisqu’il s’en servit comme titre d’un recueil de poèmes. Ma rêverie était teintée de tristesse. Je me demandais quand on allait dire « alcoule ». Cela arrivera assurément, puisque le langage anglo-saxon prononce ou le double o, et la moutonnerie (ou moutonnité) française commence à faire de même.

Durant les grandes querelles sur la réforme de l’orthographe, j’eusse aimé que les ardents réformateurs se préoccupassent des mots étrangers qui sont de plus en plus nombreux dans notre langue, mais ils ne s’attaquèrent, hélas ! qu’à nos vieux mots vénérables : ils leur enlevèrent leurs accents circonflexes et leurs lettres prétendument inutiles, comme on arrache des statues ou des mascarons à une façade classique.

Pourtant, il y avait à faire avec des vocables exotiques tels que « look », « cool », « business », « show », « clash », « crash », « patchwork », « jackpot », « feeling », « roots ». Ce serait une excellente idée, à mon avis, de les transcrire phonétiquement. Cela donnerait : louque, coule, chaud, crache, routes, etc. En d’autres termes, cela leur enlèverait leur magie, et personne ne voudrait plus les employer.

Je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas subir le même traitement aux noms propres, qui se compliquent d’année en année. Ainsi Isaac, qui était fort simple, s’écrit à présent « Yitzhak », Formose « Taïwan », Tiflis qui ne dérangeait personne, « Tbilissi », qui n’est pas facile à épeler. Il faut remplacer le Kh du colonel Khadafi par un R, puisque son nom, à en croire les présentateurs de télé, se prononce « Radafi ».

Dans ce domaine, nous avons un grand exemple : celui de nos aïeux, qui transcrivaient selon les exigences de leur gosier les mots étrangers ayant franchi plus ou moins légalement nos frontières.

Que c’est charmant, mon Dieu, le riding-coat naturalisé en redingote, le bowling green en boulingrin et le duc de Buckingham en Bouquinquant. Le palais Bouquinquant, à Londres, nous serait aussi familier que la colonne Vendôme si nous consentions à l’appeler ainsi.

Jean Dutourd de l’Académie française (adhérent 310)

Et en écho, André Colin :

(…) Ceci étant dit sans illusion ; beaucoup de mots immigrés ont été naturalisés depuis belle lurette ; ils sont devenus les serviteurs fidèles et font consciencieusement leur travail.

Si je dis en sabir :

« Après avoir consommé un steak frites au Pardailhan, le play-boy est sorti au bras de sa pin-up pour aller assister à un match de foot »,

tout le monde comprend, ou presque ; mais si je dis :

« Après avoir consommé une tranche frites au Pardailhan, le garçon à jouer est sorti au bras de son épinglée en haut pour aller assister à une partie de pied », mon interlocuteur me dévisagera d’un air soupçonneux et « me mettra frappé en dehors par un coupé en remontant bien ajusté ».

Autrement dit : me mettra knock-out par un uppercut bien ajusté !

Cela donne à réfléchir !

Je pense tout de même qu’il faut lutter contre l’immigration clandestine de vocables anglo-saxons nouveaux dont nous n’avons que faire, quitte à naturaliser les autres.

Notre combat est le même : restaurer l’édifice pour transmettre un héritage intact aux générations à venir…

André Colin

Même avec un grain d’humour l’on peut faire de la résistance et souvent l’ironie est la meilleure des armes !

Et nous remercions Roger Sabin, concepteur du blason CO. R. U. P. S. I. S. qui nous explique :

Armoiries de Monpazier sur gousset d’azur flanqué en dextre et senestre de plumes (symbolisant l’art d’écrire) sur fond de gueule avec en entête

« CORUPSIS » et comme devise : « RES CONJUGATIONIS PUGNA NOSTRA EST ». Le blason est ceint par deux palmes en feuilles de chêne qui rappellent l’écrin vert de la cité du CO. R. U. P. S. I. S.

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