Le subjonctif et les neurones passifs

Parlons maintenant du grand brassage d’idées qu’à mon grand regret, ce livre ne parviendra pas à exprimer. Car ma mémoire ne peut in extenso restituer la substance, l’essence, la quintessence des milliers de conversations avec les badauds, les curieux, les convaincus, les adeptes et même les « adorateurs » que j’ai rencontrés.

Cher monsieur,

Ah ! Que j’aimerais que vous m’acceptassiez

Dans votre cercle privilégié,

Afin que nous pussions, de concert, deviser

Sur les bienfaits de la grammaire,

Assouvir notre passion

Pour la conjugaison,

Activer nos neurones passifs

Par l’imparfait du subjonctif.

Subjonctivement vôtre

Michelle Garcia (adhérente 979)

Moi qui cherchais un jeu inédit, original et intelligent, à partager avec mes grands petits-enfants, je l’ai trouvé grâce à vous. Soyez remercié mille fois pour nos futures joutes oratoires… Et j’enrage de ne pas y avoir pensé toute seule ! Quelles belles vacances avec fous rires assurés !

M. et Mme François Filet (adhérents 663)

La France profonde contient encore de grandes richesses !

Puisse votre initiative de relancer un joli parler plein de finesse et de courtoisie faire « école » !

J’aimerais que vous fussiez ministre de la Culture en cédant votre bar à Monsieur Douste-Blazy.

Encore bravo et amitiés !

Madame Jacques Richou

Il existe dans le monde de la francophonie, qu’il soit de tout horizon ou de toute culture, un inconscient collectif, un amour de la langue sous-jacent que nous avons réussi, comme dans une psychanalyse, à faire émerger et c’est notre plus grande récompense !

Je me souviens de mes cours de philo (apocope) où l’on m’apprenait que la langue était le ciment d’une nation. Et comment je le réalise aujourd’hui !

Combien de petites gens, comme dit Bertrand Poirot-Delpech, ont la passion de la bonne langue : « Le pourrissement de la langue se fait par les élites, alors que, dans les profondeurs, on garde l’amour des mots justes, honnêtes et charmants. »

Il fallut que j’emmenasse une amie découvrir le Périgord pour que je me souvinsse de cette si jolie petite bastide qu’est Monpazier, et que je voulusse lui faire visiter. Quelle ne fut pas ma surprise de voir que rien n’y avait changé !

Pas même l’hôtel de Londres où je dormis, il y a quelque vingt années.

Et juste là, presque caché, au bout de la maison, un petit café de village, « Le Pardailhan », ce genre de café où les habitués viennent le soir regarder un match ou jouer aux cartes en échangeant quelques propos d’actualité. J’adore écouter les gens parler avec leur accent souvent chargé des couleurs et des parfums locaux. Donc, nous nous installâmes à une table pour déjeuner.

Mais là, les paroles que j’entendis furent surprenantes, puisque tout le monde parlait au passé. Vous savez, ce langage que nous apprîmes à l’école primaire et que la maîtresse nous obligeait à employer au cours de rédactions laborieuses, le subjonctif.

Ce temps vieillot et poussiéreux, mais tellement plein de charme et de nostalgie !

Ici, nous eûmes l’impression de jouer le passe-muraille et de nous retrouver quelques décennies en arrière.

Mais quel plaisir pour l’oreille et quelle satisfaction d’échanger quelques phrases avec les habitués !

Il fallut que je parlasse cinq minutes pour décider de continuer chez moi et de voir ainsi la réaction de mon entourage.

Quel plaisir !

Qu’eussiez-vous le courage et la volonté de continuer pour le plus grand plaisir des amoureux du français !

Avec toute notre sympathie.

Bleuette Boulanger

À Monsieur Bouissière, pour l’incorruptible CO. R. U. P. S. I. S.

Eût-il fallu ?

Eût-il fallu que nous corrompissions le beau langage ?

Que nous ne subjonctivassions plus qu’au présent ?

Que cette mélisse du bien-dit finît en mélasse ?

Que l’on nous privât de notre passion ?

Que quelques gugusses nous prissent pour des jocrisses ?

Que nous ne nous arc-boutassions pas contre cette compromission ?

Que nous ne concoctassions plus cette délectation ?

Que nous ne restituassions plus ce cocasse délice ?

Que nous ne nous consacrassions pas à cette mission ?

Que, pour tout dire, nous ne nous décarcassassions pas pour cette restauration ?

Nous aimerions que vous tous, Français, soulevassiez une contre-révolution, que vous utilisassiez ce qui fut le bon ton, que vous pétitionnassiez contre cette casse du bel usage, que vous pourchassassiez toute omission, bref, que vous poursuivissiez cette mission et ne relâchassiez pas votre attention !

En souvenir de ma visite du mois d’août, bien cordialement.

Jean Roubinet (adhérent 886)

Monsieur,

Il serait séant, en ma qualité de professeur de français, attaché à ma langue ainsi qu’à sa beauté, que je vous demandasse de m’inscrire à votre association, ainsi qu’une de mes amies, spécialiste de Corneille, enseignante à Bordeaux III, M me  Simone D.

Je souhaiterais que vous me fissiez parvenir des documents relatifs à l’objet de votre association ainsi qu’à son objet philosophique et culturel.

Permettez-moi de vous remercier de mener cette action qui aura un impact plus important sur la population que si elle émanait de l’Académie elle-même : le peuple aurait ressenti cela comme un oukase ou comme une marotte venue tout droit d’un cénacle de vieillards, vendant leurs lubies sur la place publique.

Il serait enfin bienséant que je vous félicitasse de mener maintenant ce combat, avant qu’il ne fût trop tard, vous pouvez d’ores et déjà me compter des vôtres.

Bien cordialement,

Thierry Bruneau (adhérent 617)

Partie d’un quasi-canular, la création de l’association a engendré un tel brassage d’idées et de réactions positives qu’à un moment donné, sans toutefois se prendre au sérieux, par respect pour ces correspondants, nous avons pris au sérieux toutes ces remarques et réflexions qui nous parvenaient. Nous nous sommes sentis investis d’une mission sinon de défense de la langue française, du moins de porte-drapeau de cette grande fête autour de notre doux idiome.

Voici un peu de blé puisqu’il en faut pour faire du foin !

Vos compagnons de joug .

Daniel Bévéraggi

Supplique en écho

CO mment être accepté, faire l’unanimité ?

RU miner au-dehors ou briller en dedans,

PS almodier à l’envi un mode, un temps mité ?

Is olé, peut-on donc le défendre bien longtemps  ?

Je n’aurais point voulu qu’ils se chamaillassent,

J’aurais aimé que de nombreux verbes ils maillassent.

J’aurais aimé que surpris vous tempêtassiez

Et qu’étonné, ému, les plombs vous pétassiez.

Eût-il vraiment fallu que nous nous surprissions

Pour qu’une place au club ensemble nous prissions ?

J’aimerais espérer qu’on ne me délaissât

Mais qu’un ticket pour moi, bien sûr, on me laissât.

Mon entrée il fallait que tu la proposasses

Et que mon nom sur un parchemin tu posasses.

Mon désir faudrait-il que je le surmontasse

Ou que, par ces vers au pinacle je montasse ?

L. Clot

Monsieur, par deux fois, j’ouïs la télévision parler de votre association.

Je naquis à Eymet en 1936 et je vécus au Bugue jusqu’en 1957. Je suis donc comme vous du Périgord et non de Périgord comme disait Louis XVIII de Talleyrand avec une intention blessante.

Autrefois, je parlais patois mais je n’ai plus guère l’occasion de le pratiquer.

Le livret d’orthographe de Bled et le Bescherelle furent utilisés par mes élèves et moi au cours de ma carrière d’instituteur. Je vous recommande aussi le recueil des poésies du docteur Boisset mort à Sarlat en 1939.

Il m’arrive donc d’utiliser l’imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif dans le langage oral, avec une parfaite maîtrise de ses formes et de ses pièges au grand dam de ma femme qui me trouve pédant. Je vous recommande aussi la prose de madame de Sévigné ou de Talleyrand qui utilisaient ces temps naturellement.

C’est pour cela que je souhaiterais que vous m’acceptassiez au sein de votre association.

Je prendrais aussi plaisir à ce que nous célébrassions Noé qui planta la vigne afin que le philosophe pût affirmer : le vin est nécessaire, Dieu ne le défend pas, il eût fait la vigne amère s’il eût voulu qu’on n’en bût pas.

Bien cordialement.

Jean-Pierre Soulet (adhérent 183)

Cher monsieur,

Je fais partie de l’ensemble choral de Lorgues venu en mai visiter votre région et chanter parmi vous, ce qui me permit de faire votre connaissance comme celle du CO. R. U. P. S. I. S., puisque nous logions dans votre hôtel.

Or, voici qu’au cours d’une récente croisière en Russie, nous rencontrâmes un conférencier talentueux qui nous cita un petit poème de Diderot, découvert cette année même dans les archives de Saint-Pétersbourg.

Vous pourriez souhaiter qu’il fût dans votre livre d’or.

C’est un intéressant témoignage de son époque et il contient deux imparfaits du subjonctif que je remarquai aussitôt en pensant à vous.

J’espère que ce poème vous plaira, il s’agit de la « Volga prise par les glaces ».

Croyez, Cher monsieur, à mes meilleurs sentiments !

Voici donc ce poème de Diderot :

Je vois, et derechef mon cœur en est glacé

De l’une à l’autre de ces rives

Le courroux d’un fleuve brutal

Soulever ses ondes captives

Contre leur prison de cristal.

Aussi, dénué de courage

Vous l’avouerai-je, le souci

Fixait mes yeux sur le rivage

Bien que des gens armés de crocs et d’hameçons

Entourassent notre voiture,

Prêts à nous harponner de toutes les façons

S’il arrivait qu’à travers les glaçons

Nous allassions par aventure

Trouver le séjour des prisons.

Hélène Carsuel

Bonjour Monsieur,

Je ne suis sûre ni de votre nom ni de votre adresse ! J’ai relevé les deux rapidement lors des informations sur la première chaîne le 27 février… et les présentateurs ne prononcent pas très bien les noms !

Il nous citait et nous montrait une personne qui, dans le Lot me semble-t-il, tente de réhabiliter dans son village l’emploi de l’imparfait du subjonctif et cette idée m’a subjuguée.

Si ce mot arrive à son destinataire et que ce soit vous, recevez mes félicitations et mes encouragements.

Il y a longtemps en effet (1937-1938), j’avais assisté à une conférence de Georges Duhamel – qui était en ce temps-là un des « maîtres à penser » de la jeunesse – dont j’étais. Il nous avait chanté la beauté de l’imparfait du subjonctif et proposé une association de défense de ce temps déjà fort malmené à l’époque et bien sûr, nous étions prêts à le suivre. Mais comme vous le savez, d’autres sujets de souci ont arrêté ce projet. Je trouve bien sympathique que plus de 50 ans après, un homme dans un coin de France, relève le défi et je lui souhaite bonne chance !

Encore que… maintenant que les Français abandonnent leur langue ?… que le sommet devient le « top », que le retour est un « come back », que le style est un « look », qu’un succès est un « tube », une occasion une « opportunité » et qu’un avion ne s’écrase plus mais se « crashe », est-il encore possible de faire chanter l’imparfait du subjonctif dans le « baragouin » parlé maintenant ?

Je voudrais que la rose fût encore au rosier… et que notre langue fût encore respectée !

De toute façon, bon courage et mes meilleures salutations.

Renée Rennes

Monsieur,

Le hasard fit que nous passâmes par Monpazier en septembre 1996, précisément lors de la journée du Patrimoine.

Il faisait chaud, très chaud, votre bar nous attendait, mais au moment d’en franchir le seuil, mon regard fut attiré par la plaque apposée à l’entrée : CO. R. U. P. S. I. S. Que pouvait donc cacher cet étrange assemblage de lettres ?…

Vous eûtes la bonté de m’éclairer, j’aurais aimé que nous poursuivissions la conversation, mais les clients assoiffés étaient nombreux !

Quelques mois après, je lus l’article que vous consacrait Le Point dans son numéro du 21.12.96 avec la photo du « Maître » derrière son bar, en train de lever son verre… à l’imparfait du subjonctif.

Vous continuâtes dans la notoriété, puisqu’on vous vit, un peu plus tard, sur la chaîne « Arte », devisant « grammaticalement parlant » avec des académiciens.

Vous deveniez célèbre, à la fois pourfendeur de la loi 19O1 et défenseur de l’imparfait du subjonctif. En somme, pourquoi pas une nouvelle Défense et Illustration de la langue française ?

J’ai longtemps pratiqué avec jubilation la concordance des temps dans la langue de Cervantès : bel exemple que nous donnent les Castillans : le respect des origines de leur langue, latine comme la nôtre.

Je souhaite donc longue vie à CO. R. U. P. S. I. S. à travers la France et les pays francophones pour que notre belle langue française survive dans l’Europe de demain.

Prospérité au Pardailhan, la belle enseigne !

Jeanne Joseph (adhérente 977)

L’application consciente dans le discours des règles sémantiques et grammaticales ne suppose pas être en possession d’une science ou d’une virtuosité particulière.

Puisse notre ardeur réactiver et perpétuer les nuances propres à la splendeur de la langue française !

« Ars longa, vita brevis »

Alain Pelloux

Monsieur,

Après avoir dégusté cette délicieuse brouillade aux truffes, nous devisâmes longuement à propos de ce devenir bien incertain de la langue française. Oui, l’avenir est sombre, et pourtant, depuis, grâce à vous, je rêve :

– Et si, par la magie d’un édit ministériel, tous nos textes administratifs devaient obligatoirement être rédigés au subjonctif, présent, imparfait et même plus-que-parfait ?

– Et si… Que de tracas en moins !

Je n’en veux pour preuve que cette aimable plaisanterie dont je vous joins la photocopie. Rédiger au subjonctif cette ineptie relèverait du parcours du combattant et madame l’inspectrice d’académie y aurait certainement regardé à deux fois.

Faire simple :

L’inspectrice d’académie de Seine-Saint-Denis communique :

« La méthode statistique utilisée pour classer les collèges de l’académie de Créteil s’appelle la classification ascendante hiérarchique (…) On utilise la méthode de Ward pour distances euclidiennes. On agrège les individus qui font le moins varier l’inertie interclasse. Au départ, il n’y a que de la variance interclasse, à l’arrivée, il n’y a que de la variance intraclasse. On cherche à obtenir à chaque pas un minimum local de l’inertie intraclasse ou un maximum de l’inertie interclasse. On réunit deux classes les plus proches du centre de gravité en prenant comme distance la perte d’inertie interclasse résultant de leur regroupement… »

Mieux même : si toutes les circulaires préfectorales, rectorales et autres devaient être rédigées au subjonctif, cela calmerait certainement les ardeurs de ces bureaucrates et technocrates bien souvent trop paperassiez (excusez, c’était trop tentant, je n’ai pas pu me retenir !).

Secondement, je vous dirai sur un autre plan ma peur de votre idée de subjonctif. Oui, pour la poésie, cela m’effraie. Tout simplement parce que je ne vois comme rime à rêvasse ou que je chantasse que des mots comme : grognasse, pétasse, lavasse, pouffiasse, putasse, connasse, limace, carcasse etc. et, comme le disent les enfants : « Ce ne sont pas des mots de poésie ! ».

Me croirez-vous maintenant si je vous dis que les textes administratifs à la mairie ou à l’école sont des mines d’or !

Pour vous rafraîchir la mémoire, je suis l’enseignant, secrétaire de mairie des Unités chlorophylliennes dans l’espace ludique scolaire .

Amitiés.

C. P.

Cher monsieur,

Eussé-je été informé, je ne vous aurais pas écrit plus vite.

Un tel sujet méritait que l’on prît du recul.

Aussi lorsque je décidai d’être des vôtres, ce ne fut point dans un élan irréfléchi mais au bout d’un long chemin semé d’embûches.

Je les effaçai toutes, fussent-elles électroniques : l’e-mail du « ouèbe » avait fait barrage mais ma persévérance paya.

Un quidam alerté par mes cris me fit parvenir votre adresse.

Puis-je, maintenant, faire partie du clan ?

Veuillez, je vous prie, trouver ci-joint un chèque d’un montant de 20 F, qui, chose heureuse, échappe à ma fâcheuse tendance à la procrastination.

Une dernière question : Pourrai-je militer, dans vos rangs, en faveur de l’imparfait du subjectif ?

En toute sympathie,

Patrick H. Smith (adhérent 901)

L’exemplaire du discours prononcé le 30 novembre 1989 : Des vertus de l’imparfait du subjonctif , offert par Jean Dutourd porte la dédicace suivante :

À Alain Bouissière, en toute complicité subjonctive et subjective…

Dans Subjonctivement vôtres, le manuscrit original qui devait être destiné à une auto-édition plus particulièrement destinée aux adhérents, nous avions reproduit divers courriers qui n’avaient rien à voir avec le subjonctif.

En effet, les correspondants, motivés par les reportages vantant les vertus du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, se livraient, dans leurs réactions, à des réflexions sur la langue française qui dépassaient le cadre de ces deux conjugaisons…

Et quelle satisfaction d’être parvenu, grâce aux grands médias, à activer les neurones passifs de nos contemporains !

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