Le tour du monde en subjonctif

Les étrangers francophones apprennent la langue classique et, paradoxalement, sont plus à l’aise que les Français dans le maniement de ces bonnes vieilles conjugaisons.

Témoins, ces correspondants étrangers francophiles qui nous ont manifesté leur sympathie dans des textes qui n’ont été que très légèrement « corrigés ».

Commençons par le point de vue de deux ex-lycéens allemands des années 50 :

Jadis, à l’école, les maîtres des langues

(Qu’ils eussent ailleurs dirigé leurs harangues !)

Voulurent que nous apprissions les formes

Rares des verbes français – un boulot énorme -

Mais, bien que les profs nous torturassent,

Nous ne retînmes pas toutes les règles, hélas !

Ainsi préparés, en France, nous allâmes :

Aucun subjonctif imparfait nous trouvâmes,

Et le passé simple que nous employâmes

Évoqua des sourires, ce que nous déplorâmes !

Quel dommage que nos efforts scolaires

Ne fussent plus estimés au pays de Molière !

Eussions-nous vite connu de CO. R. U. P. S. I. S. le siège,

Nous aurions mieux supporté ce sacrilège.

Quelle joie que des sages aient créé un projet

Où on mange et conjugue encore plus que parfait !

Plût à Dieu que les Français retrouvassent

Toutes les formes classiques qu’ils apprirent en classe !

Helmut et Inge Gallistl, Allemagne

Les Belges, nos voisins, nos frères, s’accrochent à leur francophonie comme ces naufragés agrippés au « Radeau de la Méduse », perdus sur l’océan du germanisme et de l’anglophonie.

Madame, Monsieur, j’ai bien reçu votre courrier accompagné de ma carte de membre bienfaiteur et je vous remercie. Pour que je répondisse à votre aimable invitation et me transportasse en votre merveilleuse petite bastide, il faudrait que les disciples d’Hippocrate me soulagent de mes graves problèmes de dos. N’eût été cet empêchement majeur, j’aurais déjà fait de Monpazier ma prochaine destination.

J’aurais ainsi retrouvé ce Périgord que je ne fis que traverser en 1981, dans le cadre d’un voyage d’études, accompagné de géographes plus enclins à casser des cailloux qu’à admirer le paysage et à découvrir les produits de son terroir.

Mais je n’aurais pas le droit de ne pas espérer, ne fût-ce que pour m’aider à garder le moral lors des épreuves qui m’attendent.

Au risque de me répéter, votre combat est très beau.

Il aurait fallu que la langue française ne chût pas sous les coups répétés de l’invasion des anglicismes et du laxisme.

Les fautes de français se sont répandues partout, que ce soit dans les quotidiens, les livres (coquilles et vraies erreurs), et maintenant la télévision, où des titres agressent véritablement les anciens adeptes de Grevisse (un Belge, cocorico !)

J’en étais encore de cette réflexion tout récemment, quand, lisant le roman d’un auteur belge injustement méconnu (« la fabulation » de Jacques-Gérard Linze ), je me dis : « Enfin un livre sans la moindre faute ! ».

Je suis loin de vous mais décidé à apporter ma pierre à l’édifice que s’est mis à bâtir le CO. R. U. P. S. I. S. Je vais tenter de réparer les fautes de temps, en particulier d’accords de temps dans la presse belge, mes lectures, et débusquer les subjonctifs présents ou les conditionnels félons, les subjonctifs imparfaits oubliés, les passés simples maltraités.

Il faudrait bien, au bout de votre (oserais-je dire notre ?) beau combat qu’un jour :

Les grammairiens et romanistes laxistes fussent écartés de la profession ;

– Les hommes politiques prissent exemple sur votre ancien président, feu François Mitterrand, non pas nécessairement dans sa politique, mais pour son phrasé ;

– Les « beaufs » du secteur socioculturel ne rissent plus du lettré aimant faire crisser les verbes ;

– Le subjonctif imparfait pût renvoyer aux semi-oubliettes certains de ses temps congénères moins difficiles donc moins riches ;

– On ne perdît plus son français en le lisant ;

– Nos hommes politiques belges communautarisassent dans la vraie langue de Voltaire ;

– Les mêmes ne décausassent plus systématiquement les Flamands égratignant la même langue et s’écoutassent d’abord dans un enregistreur ;

– Que toujours les mêmes poignassent dans la défense de la langue française avant que de rêver à tout « rattachisme » ;

– Les Wallons se ramassassent et comprissent que leur avenir de francophones passe par une amélioration de leur langue véhiculaire.

P. S. Je n’ose imaginer mes correcteurs, bien amicalement.

Michel Stevaert (adhérent 804)

Le bouillant Jean-Marie Dehan nous écrit de Spa :

(…) Et je vous signale que, dès à présent, je vais personnellement insister auprès de mes amis parlementaires belges, afin que soit rendue obligatoire, sur tous les documents officiels, la mention :

L’abus du subjonctif imparfait ne nuit pas à la santé…

Sous sa rubrique Questions de langue, il écrit :

Dernier des grands dinosaures encore en vie – pour combien de temps ? – le subjonctif imparfait a de longue date fait le bonheur des humoristes de tout poil. Le meilleur, en la matière, côtoyant comme toujours le pire… Que l’on songe à ces pusse, visse et autres misse et busse qui nous faisaient tant rire à la Communale… Et on reste volontairement poli en omettant certains susse, sinon pétasse… !

À présent, et on le regrette ici, le S. I. a rejoint, au bureau des objets perdus, le conditionnel passé (1 re et 2 e formes), le futur – unanimement prononcé « ais » comme le conditionnel présent – et le passé simple (considéré comme littéraire). Si bien que de nos jours, la punition classique d’antan : « Élève CHAPROT, vous me copierez 10 fois les conjugaisons », fait figure d’aimable divertissement pour potache désœuvré !

D’ailleurs, signe des temps, le correcteur d’orthographe (?) de mon traitement de texte achoppe systématiquement sur TOUS les subjonctifs imparfaits (et passés simples aussi) que j’ai parfois l’outrecuidance de vouloir taper…

Soit !

Raison de plus, peut-être – juste avant leur enterrement – de savourer ce poème d’Alphonse Allais récemment exhumé par La Marjolaine :

Oui, dès l’instant où je vous vis,

Beauté féroce, vous me plûtes, etc., etc. (Voir page Error: Reference source not found).

Des Pays-Bas aussi, on souhaite restaurer l’usage de l’imparfait du subjonctif :

Monsieur, seriez-vous étonné que vous reçussiez des pays lointains une réaction à votre sympathique initiative de restaurer l’usage de l’imparfait du subjonctif et du passé simple ?

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article dans « Le Point » du 21 décembre 1996 et je serais heureux que vous précisassiez les conditions, cotisation et numéro bancaire pour être membre de votre comité.

Permettriez-vous que je vous souhaitasse une très bonne année qui soit riche en santé, prospérité et en imparfaits du subjonctif et autres passés simples ?

Subjonctivement vôtre.

Drs. Dick Van Den Brink (adhérent 400)

Lauréat duMot d’Or 1996

D’Allemagne, on défend la langue française et sa grammaire :

Cher monsieur, il aurait, il est vrai, mieux valu que je vous écrivisse un peu plus tôt, cependant mieux vaut tard que jamais.

Ne jugeriez-vous pas inopportun que des applaudissements vous vinssent de l’étranger ? me suis-je demandé. Mais il est était vraiment grand temps que les compatriotes de Boileau, de Pascal, de Voltaire, de Lamartine et bien d’autres encore se soulevassent contre ce honteux nivellement linguistique (système tondeuse à gazon), ne fussent-ils que peu nombreux.

Je regrettais si souvent que bon nombre de personnes soi-disant cultivées eussent honte de jouir pleinement de la richesse de la grammaire française et se résignassent à être « à la page ».

Il serait souhaitable que les responsables, avant tout les élus et les autres hommes politiques se rappelassent leur devoir envers le peuple et sa langue et qu’ils missent tout en œuvre pour guérir la magnifique langue française, patrimoine d’une grande nation.

Accepteriez-vous, Monsieur, que je vous présentasse mes compliments ? Tout en espérant que vous ne vous laisserez nullement décourager dans vos efforts, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Rudolf Sperr

Une rencontre extraordinaire à Monpazier.

D’Allemagne à Monpazier, l’imparfait du subjonctif fait un lien. Et, chose promise, lettre publiée !

Monsieur, peut-être vous souvenez-vous du couple allemand qui vous demanda l’explication du tableau CO. R. U. P. S. I. S. au mur de votre bar ?

Pendant notre visite de la bastide de Monpazier, la grande chaleur et une soif insupportable nous forcèrent à entrer dans un bar ou nous prîmes une boisson froide. En attendant le garçon, nous aperçûmes, au mur, à côté de la porte, un tableau.

L’inscription qu’il portait signifia la plus grande surprise que nous eûmes pendant notre séjour dans le Périgord. De loin, nous y lûmes seulement les majuscules : C. O…. I. S. Après avoir reconnu l’inscription complète, nous essayâmes d’avoir une explication plus profonde quant à ce comité. Mais nous ne trouvâmes personne parmi les autres hôtes du bar qui sût nous le dire, le garçon du bar inclus. Nous appelâmes ensuite le gérant afin que, lui, nous donnât l’information désirée.

Le patron du bar nous expliqua d’une manière aussi enthousiaste que pleine d’humour toute l’histoire et les buts du comité. À la fin de notre conversation, le patron désira que nous, les participants d’un cours de français en Allemagne, lui envoyassions une lettre dans laquelle nous eussions fait usage du passé simple et de l’imparfait du subjonctif pour qu’il pût l’intégrer dans une publication prévue.

Après avoir pris une photo, nous promîmes de lui envoyer la lettre pour qu’il en fît usage dans son livre. À la première leçon de français après notre retour, nous parlâmes de cette rencontre un peu extraordinaire et décidâmes d’écrire la lettre demandée pour qu’elle fût intégrée dans la publication.

Acceptez, Monsieur, nos salutations les plus distinguées, au nom du cours.

F. Reusch

De Grande-Bretagne, on s’adonne aussi aux plaisirs de l’imparfait du subjonctif :

Cher monsieur, la semaine dernière, lors de notre séjour en France, nous visionnâmes cette émission T. V. où il fut question de votre croisade antilaxiste grammaticale. Cela nous ferait plaisir, à mon épouse et à moi, que vous acceptassiez notre abonnement à votre estimable entreprise.

En tant qu’anciens enseignants, nous servîmes, ne fût-ce que modestement, sur plusieurs décennies, le rayonnement de la langue de Voltaire sur des générations d’étudiants anglophones. Pour eux, même à leur insu, la concordance des temps des verbes français et les subtilités du subjonctif contribuèrent sensiblement à leur développement intellectuel.

Nous souhaiterions donc que votre campagne fût couronnée de succès et qu’elle jetât un obstacle infranchissable sur la pente glissante du culte de la facilité. Avec nos meilleurs vœux,

James and Joan Walling (adhérents 586)

La bonne fée exaucera-t-elle ce vœu venant de Grande-Bretagne :

« Il eût été mieux que j’apprisse l’anglais ? »

Monsieur, ce fut en quête d’une bière que je découvris chez vous l’existence du comité établi pour la défense de deux éléments primordiaux de la langue française.

Par ce biais, j’entrai dans un monde quasi occulte comme si j’eus avalé une dose de cannabis.

En effet, un frisson prit possession de mes membres chaque fois qu’un nouveau flot de sons sifflants sortit de votre bouche pour retentir dans mes oreilles. Plus étrange encore, je fus transporté par une sorte d’excitation sexuelle (mes excuses si je vous choque !).

Si seulement mon professeur de français, une jolie jeune femme à l’époque, m’eût introduit, il y a un demi-siècle, à ces aspects séduisants du français ! Bonne raison en elle-même de rester à l’école pour faire ses devoirs (je vous choque de nouveau ?).

Vous eûtes le courage, Monsieur, d’affronter la réalité qui est que les Français ne connaissent plus guère leur passé (simple) et, pour comble, ne comprennent qu’imparfaitement leur précieuse mode subjonctif. Quelle horreur, quel déclin, voire quelle déclinaison !

Que les Français soient guidés donc par leurs voisins anglais (pas facile), lesquels, avec leur respect inné pour le patrimoine, continuent d’utiliser couramment le passé simple (« I went ») à côté du parfait (« I have gone »).

Cela dit, j’admets que les Anglais sont plus négligents encore que les Français dans l’usage du subjonctif, si bien que cette élégante mode (qui dans mon imagination porte des jupes) est maintenant quasiment disparue.

C’est, à mon avis, le fatal précurseur d’une régression dans nos deux pays, quoique je me console en concluant qu’on ne peut tout avoir dans le monde imparfait où nous vivons.

En tout état de cause, je me permets de formuler pour vous un dernier souhait qui est que les étrangers étudiant le français ne finissent pas par affirmer :

« Il eût été mieux que j’apprisse l’anglais ! ».

Je vous prie d’agréer, Monsieur le président du CO. R. U. P. S. I. S., cette simple expression (ne fût-elle imparfaite) de ma gratitude et de ma solidarité sous-jacente, dans le futur comme dans le passé.

Janet et Eric Gaskell

De Suisse et de francophonie :

Mon séant, sur un seyant siège céans vissé, il fallut que je vous visse avant que de séant votre propos trouver.

Si fait ! Ainsi, avec diligence, me mis-je en quête de votre postal numéro dans un épais fascicule, qui, verbe et distinguo à tout vent inocule.

Si d’aventure, à Monpazier, il faudrait que je m’arrêtasse, il serait de bon ton que nous nous entretinssions.

Mais, trêve de digressions oiseuses de ma part. Il me serait fort agréable que de plus amples documentations, de vous autres recevoir…

… afin de « francophoniquer » pouvoir, les bifides langues qui point ne sont de nos terroirs…

Ne voyez point, là, de propos xénophobes, mais le verbe de banlieue commence à me gonfler le… citron !

Franco-helvétiquement vôtre !

Pascal Pioloux

Même du Paraguay, on soutient notre combat :

Cher monsieur, ce fut avec un plaisir intense que nous pûmes découvrir, ma femme et moi, que vous fondâtes une société de défense de l’usage du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, grâce à l’émission diffusée le 3 juin 1997 sur TV5, programme de Montréal.

Permettez-moi de solliciter mon adhésion au CO. R. U. P. S. I. S. en vous envoyant un chèque de 10 francs et quelques timbres pour couvrir les frais de correspondance avec le Paraguay.

Avec toutes mes félicitations pour votre action et mes encouragements pour poursuivre le combat.

Henri Bergeron (adhérent 690)

Du Canada aussi, on suit la grammaire française. Et avec quelle attention !

Cher monsieur, je viens d’ecouter un programme de T. V. fort interessant dans lequel vous prenez part comme un defenseur de l’Imparfait du Subjonctif ce dont je vous felicite car ayant fait toutes mes etudes en France (École Pascale et lycee Janson-de-Sally) a Paris de 1925 à 1937.

J’ai actuellement 79 ans et demi, et si bien j’ai « bourlingue » a travers le monde et si je parle cinq langues, j’adore la langue francaise et votre passage a la T. V. m’a fait souvenance de mon cher prof, « le pere Mayer » qui insistait sur l’usage de l’Imparfait du Subjonctif, et qui m’a donne l’amour de la grammaire francaise. À cause des langues et de mon age, j’oublie la plus belle langue du monde, le francais. Ici, à Toronto (Canada), nous recevons heureusement le Canal 5 International ou je puis me distraire avec les jeux : « Pyramide » et « Des Chiffres et des Lettres ».

(…)

L’Imparfait du Subjonctif se prete a pas mal de jeux de mots, tous aussi droles les uns que les autres. Je vous felicite tres chaleureusement pour votre succes a l’Academie francaise et pour votre magnifique initiative.

Recevez, monsieur mes respectueuses salutations, votre nouvel ami,

Francis Ricordi. B.

Nota Bene : Excusez les accents manquants mais ma machine a ecrire ne « parle » qu’en anglais, helas !

Cher monsieur Bouissière, c’est avec un réel plaisir que j’ai suivi votre cours de grammaire française à la télévision.

En effet, l’emploi de l’imparfait du subjonctif est rare et comme vous le disiez alors, trop souvent remplacé par une forme de conjugaison plus facile.

J’habite en Colombie-Britannique à côté de Vancouver, dans la partie la plus ouest du Canada, la langue française y est très peu parlée.

L’imparfait du subjonctif y est inconnu et donc jamais conjugué.

Pendant 31 ans, j’ai été pilote de ligne sur long courrier pour une compagnie d’aviation canadienne, Canadian Airlines International Ltd.

J’ai eu la chance et le plaisir, durant toutes ces années, d’aller à travers le monde et, durant mes escales, que ce soit au Japon, en Australie, au Mexique ou en Chine, je me suis toujours fait un devoir d’aller rendre visite aux divers Alliances Françaises ou Groupes de langue française, pour le simple plaisir de parler le français.

Celle ou je me suis senti le plus à l’aise était à Beijing (Pékin), le français y était des mieux parlé.

Mon père était un féru de l’imparfait du subjonctif, parfois un sujet de dérision pour ses amis.

Donc, ses trois fils à bonne école, que nous le voulussions ou non, nous l’employâmes régulièrement.

C’était devenu pour nous un jeu des plus intéressants, où l’un corrigeait l’autre dans des joutes verbales interminables.

Durant la guerre ou très peu après, mes parents habitèrent à Agonac au nord de Périgueux et je pense que j’étais alors en dixième.

Nous y restâmes, mon frère et moi, très peu de temps et nous fûmes envoyés dans un collège dirigé par des jésuites.

J’ai maintenant 60 ans, l’âge magique de la retraite pour les pilotes de ligne canadiens.

J’ai toujours voulu retourner à Agonac, et j’ai maintenant tout le temps devant moi pour le faire.

Je me ferais un plaisir de visiter Monpazier et l’hôtel de Londres afin de profiter de vos leçons de grammaire française.

Par cette lettre, j’aimerais vous demander s’il me serait possible de devenir membre de votre « Club ».

Je vous remercie de votre attention et espère avoir, un jour, le plaisir de recevoir de vos nouvelles.

Commandant Yves R. Cellier

De Namibie à Monpazier, de Monpazier en Namibie, il y a un nouvel adhérent :

Onesi, le 25 août 1997

Madame, Monsieur,

Vais-je vous surprendre par cette lettre, je ne pense pas, puisque la langue française a beaucoup d’admirateurs et de pratiquants. J’en suis un, je suis originaire du Congo-Brazzaville. Mais j’ai élu domicile dans ce pays où j’ai une épouse namibienne et deux fillettes.

Dans le n° 182 (octobre-novembre-décembre 1996) de Défense de la Langue Française, j’ai croisé avec bonheur l’annonce de la création de CO. R. U. P. S. I. S. Comme il vaut mieux parler la langue française, l’idée m’est venue de vous écrire. D’abord, il faudrait m’inscrire parmi les adhérents. Avant la fin de cette année 1997, je vous enverrai, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par mandat-poste, une somme supérieure ou égale à 20 $ U. S. D. pour mes cotisations futures. La somme que vous aurez en francs français sera ma participation financière à raison de 10 F par an selon votre annonce.

Ce pays étant dans la zone dollar, il est très difficile d’obtenir des francs français.

Prière de vite me répondre dès réception de ma lettre.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

M. G. K.

D’Algérie (gardons l’anonymat !) « Ce combat que vous menez est aussi le nôtre ». Mais, est-ce bien nous qui avons besoin de courage ?

C’est en suivant une émission sur France 2 intitulée Envoyé Spécial que j’ai eu l’occasion d’entendre parler du CO. R. U. P. S. I. S. et j’ai tout de suite écrit au siège de cette association chargée de la réhabilitation d’un temps qui a tendance à disparaître au même titre que le passé simple d’ailleurs, ce qui est vraiment dommage !

Ce combat que vous menez est le nôtre aussi, non seulement parce que nous estimons qu’il est juste mais aussi parce que nous vivons une situation difficile à tous les points de vue. J’exerce la profession d’inspecteur de français dans l’enseignement primaire en Algérie et je suis confronté quotidiennement à toutes sortes de problèmes, d’embûches… tout simplement parce que je participe à la formation de formateurs c’est à dire d’instituteurs de langue française. Ce qui n’est pas du goût des tenants de l’arabisation forcée et forcenée qui font tout ce qui est en leur pouvoir afin de réduire l’impact de la langue française sur la vie de tous les jours en Algérie. Néanmoins nous tenons bon et nous luttons, nous aussi, afin que nos enfants se familiarisent avec la langue de Voltaire.

La sauvegarde de la langue française est pour nous une aide et c’est pourquoi j’ai été vraiment ému en suivant l’émission en question et en découvrant qu’il existe des personnes qui mènent un combat ô combien noble ! afin que cette belle langue soit préservée dans ce qu’elle a de plus spécifique, la conjugaison.

Soyez donc assuré de ma sympathie, de mon soutien, et sachez que de l’autre côté de la Méditerranée, il existe des gens qui mènent un combat quotidien pour que la langue française demeure la deuxième langue du pays.

Mes amitiés à tous les adhérents du CO. R. U. P. S. I. S. et bon courage pour la poursuite de votre noble mission.

Ali B.

(…) Me trouvant dans un pays où la langue française n’est pas usitée (les cercles restreints mis à part), je me contente d’apprécier la truculence de la langue en écoutant les émissions télévisuelles ou en lisant. Cette pratique a fait que je maîtrise mieux l’écrit français que son parler.

La rencontre avec des personnes maniant merveilleusement le verbe de Molière m’impressionne et me fascine. Il faut dire aussi que l’amour de la langue française m’encourage et m’aide à persévérer.

Ma désapprobation est totale et mon « pincement au cœur » est douloureux à la vue de fautes aussi grotesques sur les écriteaux, frontons, etc. des devantures de certains commerces dans mon pays. Car, à côté de l’identification en arabe, se trouve généralement, la traduction en langue française. Ainsi, nous pouvons trouver :

–Vulgarisateur, au lieu de vulcanisateur

Pièces détachés au lieu de pièces détachées

Réparation sallons, au lieu de réparation salons, etc.

Les exemples sont multiples et agaçants.

Dans les temps qui courent, s’afficher publiquement comme défenseur de la langue française dans l’intention d’apporter des corrections peut nuire. La situation que vit le pays oblige tout un chacun à garder l’anonymat dans ce genre de transcendance.

Mes amitiés aux membres du CO. R. U. P. S. I. S.

Votre ami.

P. S. : Je serais ravi de pouvoir correspondre avec un adhérent ou adhérente du groupe ayant mon âge.

N. B.

« Nous avons perdu les colonies, nous aurions pu garder la grammaire… »

Terminons ce chapitre avec Jacques Longué, journaliste retraité (mais le sont-ils vraiment un jour ?) et preuve est de constater que le beau langage traverse les frontières…

Cher monsieur,

– « C’est quoi, votre livre, vous cherchez à dire quoi ? »

L’instituteur de Cauterets, M. Vergez n’a jamais envisagé qu’un de ses petits montagnards d’écoliers soit un jour invité dans une émission littéraire. J’entends de la tombe monter sa protestation ironique

– « Quoi, quoi, quoi, il n’y a que les oies qui font quoi ! »

Nous avons perdu les colonies, nous aurions pu garder la grammaire…

Qu’entends-je ? L’adverbe désormais est fasciste, le point-virgule décadent, le participe présent archaïque. Savoir distinguer d’un verbe qu’il est transitif ou qu’il ne l’est pas, est devenu obsolète.

Aux Chantiers de la jeunesse de Saint-Pé-de-Bigorre, pendant la guerre, se trouvait un « chef » dont je n’ai retenu que le surnom, Coco. À l’époque on disait qu’il était nègre, maintenant on le déclarerait noir, ou de couleur, ou encore afro.

Des jeunes filles du pays l’interpellaient sans méchanceté aucune :

– Dis, Coco, toi y en avoir froid ? Coco, tu as bien fait miam-miam ?

Un jour, lassé, Coco mit ses deux mains sur les hanches et lança :

– Mesdemoiselles, je n’ai pas beaucoup de temps, mais je suis disposé à vous donner des leçons de français, gratuitement.

Dans le « civil », il était professeur de lettres modernes au lycée de Fort-De-France.

Militaire à Vienne (Autriche) en 1950, je fus abordé Mariahilfer Straße par un homme d’un certain âge qui, se méprenant sur la signification de l’étoile d’éclaireur-skieur que je portais sur l’épaule, me crut officier. Il cherchait à parler français. Nous nous liâmes et il m’invita à déjeuner chez lui, avec ses deux petites-filles qui étaient parées de toutes les grâces.

Il était passionné par Racine. Heureusement, j’avais fait mes études dans un collège privé où nous avions étudié Esther, Athalie, Polyeucte. Et il usait couramment du passé simple et de l’imparfait du subjonctif, ce qui, je l’avoue, me condamnait à abandonner le passé composé de mon vocabulaire quotidien.

Il voulait aussi savoir si la langue que l’on parlait habituellement en France restait celle qu’il avait apprise au Lycée français, au temps des Habsbourg, et qu’il cherchait à inculquer à ses petites-filles.

Il me demanda par exemple si on disait toujours :

– Va te faire lanlaire ?

Je ne sus pas trop quoi répondre, « Va te faire f… » était bien plus courant dans les bataillons de chasseurs alpins. Je lui conseillai :

– Va te promener.

Un crochet par Monpazier est prévu lors de notre prochain voyage familial vers le centre de la France.

Le nom familier à l’époque (1954-1959) où, au journal Sud-Ouest, je mettais en pages la 8 e édition de Dordogne, cet estimable journal qui compte aujourd’hui un de mes fils parmi ses collaborateurs.

Il est impardonnable que je n’eusse su, à l’époque, qu’outre les belles arcades, sa bastide comptât des amoureux du beau langage.

Je vous prie de croire en mes meilleurs sentiments.

Jacques Longué (adhérent 161)

Il serait fastidieux de reproduire la totalité des lettres reçues de l’étranger (merci à TV 5 et RFO) et de restituer la teneur des conversations avec les étrangers.

Les dénominateurs communs de leurs remarques sont, d’une part la nostalgie d’une riche langue parlée jadis par une grande nation, d’autre part leur déception pour cette désaffection des Français (de France) pour une partie de leur patrimoine linguistique, symbolisant pour eux le Siècle des Lumières.

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