Les subjugués du subjonctif

L’imparfait du subjonctif et le passé simple se prêtent à des libérations jaculatoires délirantes, prétextes à ces déclarations enflammées :

Monsieur, que vous nous couchassiez sur la liste de vos fidèles, tel serait le souhait qu’il serait licite que nous formulassions et auquel il serait opportun que vous souscrivissiez.

Nous souhaiterions que vous nous accordassiez le privilège de votre aimable attention et que vous consacrassiez à la prise en compte de notre adhésion un peu de votre temps précieux dont il serait souhaitable qu’il pût être réservé à d’autres activités que cette banale et néanmoins nécessaire inscription pour laquelle nous joignons 10 F en timbres après avoir espéré qu’ils se révélassent conformes à vos statuts bien qu’ils apparussent peu important mais nécessaires et suffisants pour entrer dans vos bonnes grâces et qu’ils marquassent notre intérêt pour la réhabilitation de formes de conjugaison dont vous crûtes, à bon escient, qu’en intervenant auprès des représentants de la France profonde, vous entreprissiez œuvre de bon aloi.

Que vous nous absolussiez du péché d’orgueil en ce qui concerne cet exercice de style nous conforterait dans l’opinion selon laquelle, si vous permettez que nous pastichassions le style de Cocteau, le Passé n’est pas toujours Simple mais souvent Composé et même, chose bizarre, parfois Antérieur. Quant au subjonctif, il était bon que vous promussiez puisque, dans les faits, le Subjonctif est souvent Présent bien que d’aucuns le jugeassent Imparfait mais que d’autres le considérassent comme Plus-Que-Parfait ce qui semblerait indiquer qu’il convînt qu’on l’employât.

Rédigé par Henri Drode pour servir la défense et l’illustration de ces beaux temps de la conjugaison française souvent méconnus, voire dédaignés, peut-être parce qu’ils se prêtent mal à une mise en verlan.

Henri Drode (adhérent 919)

Monsieur le président, veuillez trouver ci-joint, le montant de ma cotisation pour adhérer à votre comité dont le mobile m’enthousiasme.

S’il est besoin de vous persuader de mon amour pour notre langue, je vous adresse une ballade qui, bien qu’imparfaite, a eu l’heur de plaire à Monsieur Maurice Druon puisqu’il a eu l’amabilité de m’y répondre sur le même ton.

Cette ballade était en écho à un article du secrétaire perpétuel de l’Académie française, paru dans Paris-Match, en juillet 1994.

Je me réjouis d’être membre du CO. R. U. P. S. I. S.

Veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de mes salutations distinguées.

À la manière d’Edmond Rostand, ballade d’un combat contre un nouveau jargon détrônant notre langue et signant déraison :

Adeptes de Francophonie,

D’Acadie, du pays d’Albret,

De la lointaine Occitanie,

Avec la fougue du Cadet

Fidèle aux racines, restez !

Nulle autre langue en votre bouche

Ne traduisant ce que pensez

À la fin de l’envoi fait mouche.

Conscients que la difficulté

En regard de l’anglo-ricain

Fait de la langue sa beauté,

Le vieux corps académicien

À coups d’estoc et fleuret fin

Sera vainqueur de l’escarmouche.

Le parler pur de l’Angevin

À la fin de l’envoi fait mouche.

Devant ce charabia d’outrance

Grand est notre épouvantement

Aussi bien que notre souffrance.

Ce laisser-aller indulgent

Dépassant notre entendement

Heurte notre oreille et la touche.

Si docte est notre acharnement

Qu’à la fin de l’envoi fait mouche.

Envoi

Oyez ; ne souffrez cette offense

Faite à notre parler de souche

Si pur, même au-delà de France

Qu’à la fin de l’envoi fait mouche !

Nelly Boucheron-Seguin (adhérente 723)

Au vénérable estaminet,

Tel l’aède antique chantant Perséphone et son retour au Printemps le vénérable réapparaît pour revivifier ses nouvelles escapades en Périgord Noir là où naguère nous trottinions en bonne compagnie grimpant de Belvès et tournant en abbaye sous les arcades de Monpazier où je ne sache pas que nul n’envisageât la moindre pause en notre estaminet de vieille France en lequel gens tout de sagesse n’ont de cesse qu’ils conjuguassent avec bonheur les formes de vertus de langue d’oc à la promesse contenue en grâces par Érato plutôt qu’Europe la traîtresse qui délaisserait les valeurs que vous prévalussiez en votre aréopage de la chose bien dite rompant ainsi les vaines chamailleries en insufflant le bon entendement à ceux qui passent en ne se détournant point lorsque le grand coup de barre supplée un petit coup sur le zinc et le glucose ingurgité sur le pas des trottoirs revigore la marche de dégustateurs un tantinet souffreteux hormis les contingences des obligés d’ancêtres incertains des Eyzies ou de quelconques plantigrades d’ailleurs tous esprits sains en rutilante enveloppe mais n’ayant cure d’avoir à susurrer l’exemplarité des rudiments d’apologues et proverbes lustrés en écriture démotique qui sied si bien aux redites de prudence assenées en moult occasions sans alerter le moins du monde nos hardis compagnons préférant se confronter aux longues heures de leurs fabuleuses errances de par la volonté souvent trop pesante de péripatétiques enseignements qui ne sont pas sur ma foi profession des recueillements mesurés en l’honorable cénacle de parangon des subtiles pensées si peu enclines à vivre les exploits d’Hippomène arrachant la victoire à la rapide Atalante pour un récit en épode distique à remémorer en longeant vertes prairies que jonchent jolies pâquerettes abandonnées de-ci de-là au retour de nos cloches baladeuses qui tintent aigrelettes d’un village voisin quand le soleil rigolard tarde à se montrer en une matinée pâle juste éclose réchauffant bientôt la foule des assidus qui s’amuse un brin moqueur au spectacle des « m’as-tu-vu » répétant leurs sempiternelles bravades fanfaronnades et rodomontades tentant par là d’aguicher les témoins de leurs saperlipopettes outrances en déguisements agrestes pour de modernes croisades lesquelles ne seront plus heureusement de guerre lasse hors les religions de par les nombreux chemins souillés de faits d’armes dans la peine du labeur accablant de fugaces instants de vie attachés à l’histoire de cette terre aujourd’hui dévolue à la gent sportive qui aura charge courtoise de séduire à l’instar des palatins d’autrefois sans que la candeur liliale des hôtes ravis ne s’empourprât de belle façon devant la flatteuse incursion du joyeux cortège se précipitant tout émoustillé pour aller de hameaux en châteaux aux florilèges idéalisant celles qui furent ravissantes épousées auprès d’humbles serviteurs ou beaux seigneurs évanouis avec la gloire qui fut leur et se revendique dans la tradition adoptée par des présomptueux dont les démesures firent qu’ils concourussent en cuisantes joutes sous les caresses de Rê qui las se retirera en ronflant comme à son habitude tandis que le Pardailhan s’appliquera à servir les mets bien saucés à la Périgourdine aux riches saveurs léguées à tous par bienfaisant démiurge pour gourmets compassés dont il n’est bon bec que coureurs affamés si fait que derechef vous sommassiez ceux-ci et les invitassiez pour qu’ensemble nous nous plaçassions à la grande table et en appréciassions le plus que parfait en don de nos oracles et qu’ainsi nous mangeassions et bussions de conserve puis que sans jamais nous ne zézayassions nous conclussions enfin ce besogneux méli-mélo car tel l’aède antique chantant Perséphone et son retour au Printemps le vénérable réapparaît pour revivifier ses nouvelles escapades en Périgord Noir.

Gérard Stenger

Tant qu’il y aura des hommes et des femmes capables ainsi de porter avec panache le drapeau du subjonctif dans leur verve épistolaire, tout espoir n’est pas perdu !

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