V

Maintenant la dénonciation devenait en effet le devoir absolu, mais combien pénible, à cause du malaise de conscience que le souvenir de son ancienne dureté continuait de laisser à Jaffeux ! Il recula cette démarche, jugée pourtant obligatoire, jusqu’au lendemain très tard dans la matinée. Il n’était pas sorti de sa chambre, de peur de rencontrer Mme Favy. Il se forçait à espérer que lady Ardrahan s’était trompée, que le bijou simplement égaré se retrouverait, ou encore que Pierre-Stéphane, malgré tant d’apparences, n’était pas le voleur, et que celui-ci se découvrirait. Il savait trop bien pourtant que ce n’étaient là que de pauvres prétextes pour ne pas agir.

« Je suis trop lâche… » finit-il par se dire, et, comme onze coups sonnaient à la pendule – « Aussitôt après le déjeuner, je serai chez le commissaire, je m’en donne la parole. »

L’avocat ne se rappelait pas avoir, une seule fois dans sa vie, manqué à un engagement pris ainsi avec lui-même, et sa montre marquait à peine deux heures, quand il se présenta dans le bureau du magistrat. Sa carte remise, il fut aussitôt reçu par un jeune homme, maigre et très brun, qui se confondait en protestations avec une gêne dont son visiteur eut vite l’explication :

– « Que désirez-vous de moi, mon cher maître ? Vous devinez combien je désirerais pouvoir être utile à une des gloires du barreau de Paris… » – Et, sur un hochement de tête de l’avocat : – « Mais oui. J’étais tout petit débutant, rue des Saussaies, quand je vous ai entendu plaider dans cette affaire des sucreries d’Aulnat, pour M. Calvières. Seulement, il faut que je vous avertisse, je ne suis encore qu’un pauvre inspecteur. Le commissaire est malade, son secrétaire aussi. On m’a chargé du remplacement la semaine dernière, et je connais très mal le pays. Draguignan, mon poste d’attache est loin, et plus loin encore Ajaccio, mon pays. Mais on est Corse. On se débrouille… »

« Le pauvre garçon, » pensait Jaffeux, « a peur, s’il ne me contente pas, que je le desserve à Paris auprès de quelque chef. Comme on a raison, quand on est Français, de n’être pas fonctionnaire !… » Et, tout haut : – « je vous remercie de votre obligeance, monsieur l’inspecteur. Je n’ai pas de service à vous demander, je viens vous en rendre un, peut-être. Je vous apporte un renseignement de nature à vous aider dans une recherche assez délicate. Il s’agit d’un vol commis au Mèdes-Palace, – le directeur vous l’a signalé, m’a-t-il dit, – au détriment d’une dame anglaise. »

– « Il me l’a signalé, en effet, mon cher maître. »

Le visage de l’apprenti-commissaire, d’une mobilité si méridionale tout à l’heure, se tendait dans une expression tout officielle. Ses traits accentués s’étaient comme figés. Mais ses yeux noirs, à travers leurs paupières mi-fermées, dardaient un regard d’une malice singulière, celui d’un inférieur qui se prépare à étonner un supérieur, et il écoutait Jaffeux raconter l’histoire de son ancien secrétaire, la disparition des cinq volumes, l’effronterie du coupable, son éclipse soudaine ensuite, et comment il venait à sa stupeur, de le retrouver, l’avant-veille, danseur mondain dans cet hôtel.

– « J’ai pensé, » conclut-il, « que cette indélicatesse d’il y a cinq ans pouvait, dans la circonstance présente, constituer une présomption de culpabilité. »

– « Et vous avez bien pensé, mon cher maître, » dit l’inspecteur. « Décidément, un grand avocat est le meilleur des juges d’instruction, et, la preuve… »

Tout en parlant, il ouvrait le tiroir de son bureau, pour en extraire une boîte en carton, et de cette boîte un bijou dont les diamants jetèrent un feu. Une grosse émeraude brillait au centre, qui ne permettait pas le doute.

– « Mais oui, » continua-t-il, amusé et flatté par le visible étonnement de son interlocuteur, « c’est la barrette volée à lady Ardrahan, et volée…, par qui ? Par le pseudo Neyrial… Et qui l’a rapportée ici, ce matin ? Le voleur en personne… Ce que ça m’a fait plaisir !… Entre nous, j’étais perplexe. C’est le premier délit grave signalé depuis mon arrivée. Allais-je échouer ? Je ne songeais qu’à cela depuis quatre jours. Le directeur m’avait bien indiqué deux pistes. Moi, j’en entrevoyais une autre, et, avant de vous avoir écouté, il me restait l’idée que je ne m’étais pas absolument trompé. Vous jugerez… Donc, ce matin, à dix heures, le pseudo Neyrial me fait passer sa carte, comme vous tout à l’heure. Je le reçois. Il me tire l’objet de sa poche, en me disant « Monsieur le commissaire, je suis chargé de vous remettre ce bijou, qui appartient à une dame anglaise, logée au Mèdes-Palace. Vous avez dû être averti… » Pensez si j’étais heureux et intrigué à la fois. Je l’interroge : « Voulez-vous m’expliquer, monsieur, comment cette barrette se trouve entre vos mains ? » Et lui : » Je vous demande la permission de ne pas vous répondre, monsieur le commissaire… » – « Mais il faut me répondre, monsieur, » insistai-je. Je vous ai déjà dit, cher maître, que j’avais mon idée. Un garçon de trente ans, comme celui-là, joli homme et danseur professionnel dans un palace, c’est un coq dans un poulailler. Une hypothèse s’imposait : une de ses maîtresses avait poissé le bijou. Elle n’avait pas pu le vendre. Elle s’était confessée à lui… à moins qu’ils ne fussent complices. « En tout cas, toi, mon ami, » me dis-je, « puisque tu t’es chargé de la restitution, tu vas te mettre à table. » Pardon de mon argot… Vous êtes un peu de la partie, cher maître. Vous avez compris que j’allais essayer de lui faire manger le morceau. Je commence donc un petit discours dont vous devinez la teneur. C’était élémentaire. Je lui pose ce dilemme : « Me nommer immédiatement la personne de laquelle il tenait cette broche, et alors immunité complète. Sinon, une enquête judiciaire. » Et je conclus : « En face d’un coupable qui avoue et qui restitue, la justice peut pardonner et passer outre. Dans le cas présent, et devant le silence du coupable, il reste un délit dont elle se doit de rechercher « l’auteur… » Mon raisonnement était très simple. Qu’il n’eût pas bonnement rapporté la broche comme trouvée par hasard, cette imprudence apparente dénonçait un calcul. Mon chef à la Sûreté générale, un limier de premier ordre, nous répétait : « Toutes les démarches des délinquants sont compliquées, parce qu’ils ont trop pensé aux dangers possibles. » Le directeur du Mèdes-Palace m’avait transmis un témoignage indiscutable, celui de la propriétaire de la broche, qui se rappelait très nettement l’avoir laissée sur sa table à toilette. Le Neyrial connaissait ce petit fait, évidemment. C’était la raison pour laquelle il n’avait point parlé de trouvaille. Mais le voleur aurait pu la perdre ou la jeter, cette broche, et lui, Neyrial, l’avoir ramassée. Seulement, ce système-là comportait un risque, celui d’entraîner un interrogatoire qu’il voulait éviter, qu’il eût évité, si je n’avais pas eu, moi aussi, mon idée de derrière la tête. J’y ai fait allusion déjà, et je vous avouerai que je cédais à l’amour-propre professionnel en insistant : « Voyons, dites-moi toute la vérité, toute, et d’abord ce nom du coupable. Je m’engage, puisque aucune plainte n’a été portée officiellement, à ne pas poursuivre l’affaire et à vous garder le secret… – Même vis-à-vis de M. Prandoni ? – Même vis-a-vis de lui. – Eh bien, monsieur le commissaire, » finit-il par répondre, « c’est moi, l’auteur du vol. » Pas un mot de plus pour atténuer sa faute, ni pour en préciser les circonstances. Qu’en avais-je besoin, d’ailleurs ? Ce que j’ai pu lui dire, à mon tour, vous le devinez : mes félicitations pour sa franchise, l’assurance réitérée que je tiendrais ma promesse d’indulgence plénière et de secret, – je ne crois pas y manquer en vous parlant à vous, comme je fais, puisque vous savez sur lui ce que vous savez, et que je suis sûr de votre discrétion. – Enfin, pour achever, je lui ai servi le sermon de rigueur. Il écoutait, dans une attitude que je m’explique moins que jamais, après ce que vous venez de m’apprendre. Émissaire d’un voleur, comme il l’avait déclaré d’abord, ou voleur lui-même, comme il le déclarait maintenant, il se trouvait associé à une très malpropre histoire. Je renonce à vous décrire l’air de hauteur répandu sur toute sa personne. »

– « Je le reconnais bien là, » dit Jaffeux, « il n’a pas changé. Il se tenait ainsi devant moi, quand je l’ai mis en face de sa vilenie. C’est même exaspéré par cette arrogance que je lui ai parlé avec une sévérité que je regrettais, jusqu’à notre conversation d’à présent. »

– « Je suis plus naïf que vous, mon cher maître, » reprit l’inspecteur. « En le voyant faraud, comme disent les gens d’ici, je lui ai fait le crédit de penser : il se dévoue à quelqu’un d’autre, et il en est fier. J’avais à l’œil, avant sa démarche, une certaine Mlle Morange, la danseuse du Palace qui travaille avec lui. Tout un roman, je vous le répète, s’était bâti dans mon esprit : cette fille volant la bague, prenant peur, se confiant à son camarade, son amant sans doute, et, celui-ci s’accusant pour empêcher des recherches, qui risquaient de mettre à jour la vérité. Vous venez de la jeter par terre ma construction. Du moment qu’il a cette vilaine histoire dans son passé de jeune homme, mes idées changent. Il vous a reconnu, et c’est lui qui a pris peur. Il s’est dit : « M. Jaffeux saura ce vol commis dans l’hôtel et que l’on cherche le voleur. Il croira de son devoir d’apprendre à la police qui je suis et l’histoire des livres. » Remarquez, cher maître, c’est précisément ce que vous avez fait. « On me questionnera. On m’arrêtera. Rapportons le bijou. Cette restitution coupera court à tout. » La chose est claire maintenant. Contrairement à vous, je regrette un peu, à présent que vous m’avez renseigné, de n’avoir pas été plus sévère. Et même… Mais ce qui est promis est promis. D’ailleurs, c’est l’intérêt de l’hôtel, donc de la ville, qu’il n’y ait pas de scandale de cet ordre. Ce garçon a évidemment une nature de cambrioleur. Il n’en est pas à son second vol, croyez-le bien. Il continuera et se fera prendre ailleurs. Cet aveu, par terreur de votre présence, n’est pas une preuve de repentir. Je dirai volontiers tout au contraire… »

« L’inspecteur a raison, » songeait Jaffeux, en s’éloignant d’Hyères maintenant, dans la direction de son hôtel. « Ce malheureux est un voleur-né. C’est la filière : le grand-père est un fastueux, mais il travaille. Il a un fils qui dépense, ne travaille plus, et le petit-fils est un escroc. Non, je n’ai pas eu tort autrefois de l’exécuter… »

Il regardait autour de lui, pour exorciser ces tristes impressions. Des haies de roses bordaient le chemin. Sur la pente de la colline, l’or des mimosas alternait avec la verdure grise des pins d’Alep, détachée délicatement sur le bleu du ciel.

« Que la nature est belle ! » se disait-il encore, « et que la vie humaine est laide ! Il y a pourtant de nobles êtres, ainsi cette pauvre Mme Beurtin, et des âmes pures, ainsi cette petite Renée. Cette fois, du moins, les choses s’arrangent au mieux. Pierre-Stéphane va disparaître. Cette enfant ne le reverra plus. Elle l’oubliera. Est-ce assez heureux que je sois descendu dans cet hôtel ! Aucun doute. Ce bandit a eu peur de moi, comme dit l’inspecteur. Sinon, il gardait le bijou. C’était un petit malheur. Mais il continuait son entreprise de séduction, et ça, c’était la catastrophe… »

Il arrivait au Mèdes-Palace parmi ces pensées, et, tout de suite, le seuil franchi, il avisa Mme Favy qui causait nerveusement avec le portier, une enveloppe à la main :

– « Vous ne connaissez pas du tout la personne qui a apporté cette lettre ? »

– « Non, madame… »

– « Vous dites que c’était un enfant… »

– « Oui, un petit garçon que j’ai vu une seconde. J’étais allé au téléphone. Je reviens. Je l’aperçois qui pose la lettre sur le bureau et se sauve. Elle était à votre nom. Je vous l’ai remise… »

– « Et ce n’est pas du papier de l’hôtel ? »

– « Non, madame, » – le concierge tâtait de ses grosses mains l’enveloppe que lui tendait Mme Favy. – « Ce papier-ci est de fabrication française, et nous n’avons, nous, que du papier anglais… »

– « Que se passe-t-il ? » demanda Jaffeux, en s’approchant de Mme Favy, comme elle quittait le bureau. « Vous avez reçu une mauvaise nouvelle ?… »

– « Non, » dit-elle. – Puis, comme saisie d’une idée subite : – « Que pensez-vous d’une lettre anonyme ?… »

– « Que c’est une infamie, madame, et qu’il faut mépriser. En ma qualité de Parisien un peu en vue, j’en ai reçu quelques-unes. Je regarde le commencement, la fin. Pas de signature ? Je déchire sans lire. »

– « Vous êtes un homme, vous n’avez pas de nerfs. C’est plus difficile à une femme, cette sagesse-là, surtout quand il s’agit de ce qu’elle aime le plus au monde… » Et impulsivement – « Vous êtes discret, monsieur Jaffeux, et par profession, et par caractère. Le colonel m’a souvent dit combien il vous estimait. Lisez cette ordure. »

Sa main tremblait, en tirant, de l’enveloppe à moitié fermée, et pour le donner à l’avocat, un carton tapé à la machine. Son souffle court disait son émotion. Ses yeux brillaient d’un éclat de fièvre dans son visage consumé, où les taches des pommettes se faisaient plus rouges. Elle dut s’asseoir tandis que Jaffeux lisait les lignes suivantes, où l’inégalité des lettres attestait la frappe hâtive de doigts novices :

Mme Favy ferait bien de surveiller les tête-à-tête de sa fille avec M. Neyrial, dit le beau danseur, dans le jardin de l’hôtel. Il y a trop de fenêtres d’où l’on peut voir ce jeune et intéressant couple se promener sentimentalement. Ces rendez-vous ne sont pas pour faciliter le mariage de Mlle Renée, pas plus que les parties de baccara au Casino celui de M. Gilbert. À bonne entendeuse, salut.

– « Qu’en dites-vous ? » interrogea-t-elle, quand Jaffeux lui rendit la lettre.

– « Qu’il faut déchirer cet ignoble papier et n’en point tenir compte. »

– « Je ne peux pas, » répondit Mme Favy. Elle secoua la tête, en répétant « Je ne peux pas. »

Puis, après une hésitation :

– « Ce qu’il y a d’affreux dans cette lettre, c’est la part de vérité qu’elle contient. Sur mon fils d’abord, qui a passé plusieurs de ses soirées au Casino, ces temps-ci. On me dit que la partie y est très grosse. J’ai peur qu’il ne se soit laissé aller à jouer… Et surtout, il y a ma fille. Ces promenades en tête à tête dans le parc, c’est une calomnie, j’en suis sûre. Seulement voici quelque temps déjà que je crains qu’elle ne s’intéresse trop à ce M. Neyrial… »

– « Mais, puisqu’il est parti, » objecta Jaffeux.

– « C’est précisément depuis ce départ que Renée m’inquiète, » reprit la mère. « Quand vous en avez parlé, hier, je vous ai dit que vous touchiez à un point sensible. Je plaisantais, pour lui cacher ma défiance et l’observer pendant qu’elle vous répondrait. Vous n’avez pas remarqué son exaltation. Moi, si. Et une fois seules, un silence morne, un abattement, une mélancolie !… À peine a-t-elle déjeuné et dîné. Elle couche dans la chambre à côté de la mienne, la porte ouverte. Elle n’a pas dormi… » – Et. montrant de nouveau la lettre : – « J’ai peur de ne pas les avoir assez surveillés, elle et son frère. Renée est si sensible et Gilbert si entraînable. »

Elle s’interrompit, déchirée par une subite quinte de toux, qui lui fit porter son mouchoir à sa bouche. Elle le retira taché d’un peu de sang, et montrant sa poitrine et son dos :

– « Ah ! Que j’ai mal quelquefois, là et ici ! Je crois bien, mon pauvre ami, que je ne durerai plus très longtemps… »

– « Vous venez d’avoir une grosse émotion, » dit Jaffeux, « et vous êtes très nerveuse, tout simplement. Les vases fêlés sont ceux qui se cassent le moins vite. On les ménage. Vous m’enterrerez, allez, moi et quelques autres. »

Elle haussa ses minces épaules et elle eut aux lèvres un de ces sourires avec lesquels les malades condamnés, et qui le savent, accueillent les mensonges consolateurs des médecins.

– « Je suis la femme d’un soldat. J’ai du courage… Pas avec mes enfants, hélas Et justement, vous trouverez cela bien étrange, c’est la sévérité toute militaire de notre intérieur qui explique ma faiblesse vis-à-vis d’eux, quand leur père n’est pas là. Le colonel, lui, ne connaît que la discipline, pour les autres comme pour lui-même. Les êtres jeunes, il ne s’en rend pas compte, – car Dieu sait s’il aime sa fille et son fils, – ont besoin de respirer une atmosphère plus libre. Il leur faut de la détente, une expansion de leur trop-plein de force, un peu de fantaisie. Quand les docteurs m’ont envoyée dans le Midi, tout de suite Renée est devenue une autre personne, allante, épanouie, heureuse. Lorsque je la vois ainsi, je me sens trop contente pour rien lui refuser de ce qu’elle désire. Elle a voulu prendre ces leçons de danse j’ai dit oui, et je les ai cachées à mon mari. J’ai presque honte à vous l’avouer : il est venu passer vingt-quatre heures ici, nous ne lui en avons pas parlé. J’en suis bien punie… C’est comme pour mon fils. Il m’est arrivé avec son père, et si nerveux, si contracté ! Où aurais-je trouvé la force de lui défendre ces sorties du soir, et ces séances au Casino, qu’incrimine cette abominable lettre ? Avec lui également je me suis tue. Mon cœur bat si fort quand je dois parler de ce qui me touche à fond. Ah ! puisque je vous raconte tout, monsieur Jaffeux, si vous pouviez… »

– « Le confesser ?… » dit-il, continuant la phrase que la mère, trop anxieuse, n’osait achever.

– « Que vous êtes bon ! » reprit-elle : « Oui. Savoir du moins s’il a joué… » – Elle hésitait de nouveau… – « et perdu de l’argent… »

– « J’essaierai, madame… »

Et, la regardant avec cette autorité, à la fois douce et ferme, dont il connaissait le magnétisme pour l’avoir exercé souvent sur des clients trop émotifs :

– « À une condition, pourtant : vous tâcherez vous, madame, vous, de confesser votre fille. Oui, en lui montrant la lettre anonyme. Vous me faites l’honneur de me traiter comme un ami. C’est un ami du colonel Favy et de vous-même, si vous le permettez, qui vous adjure de ne pas vous taire, cette fois. Dans la vie d’une jeune fille, un premier sentiment est une chose bien grave. Si, par malheur, Mlle Renée s’était laissé troubler par ce Neyrial, il faut que vous le sachiez et que vous la guérissiez… »

– « Comment ? » gémit-elle.

– « Nous y arriverons, » affirma-t-il ; et, plus autoritaire encore : « J’en fais mon affaire. Le point capital, c’est de savoir, et, rien qu’à la regarder lire cette lettre, vous saurez… Mais les voici l’un et l’autre. »

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