La mission diplomatique
La création d’une ligne télégraphique entre Tamatave et Tananarive avait été résolue et l’établissement nous en avait été concédé. Tout ce qui était nécessaire à la construction devait être fourni par le gouvernement français, le gouvernement hova n’ayant à contribuer en rien à ces travaux. Mais n’était-il pas absurde de faire venir à grands frais des poteaux de France, alors que les forêts de Madagascar pouvaient les fournir si facilement.
M. Joël le Savoureux me chargea de négocier avec le général-gouverneur du camp de Souadiram, Rainimandryamanpandry, un arrangement pour permettre aux ingénieurs de la Compagnie de prendre, dans les forêts du royaume, tout le bois qui leur serait nécessaire pour la construction de la ligne, ce qui devait être une grande économie pour le gouvernement français.
Je fus assez heureux pour mener à bien cette affaire, et je profitai de l’occasion pour battre en brèche, et cela de mon mieux, auprès du général-gouverneur, la prépondérance anglaise, dans la personne du sieur Parrett, anglais naturalisé Malgache, qui trafiquait de toute espèce de choses – argent ou marchandises – et qui n’était pas toujours très scrupuleux dans ses procédés. Il avait trouvé moyen de gagner la confiance du Premier Ministre ; puis il l’avait perdue, puis regagnée, et était enfin devenu son conseiller intime et son âme damnée. J’attaquai aussi, et cela sans plus de scrupule – il suffisait de mettre à nu les faits, – l’influence, non moins néfaste pour nous, du tout puissant Wilhougby, Anglais aussi, général en chef de l’armée hova, qui avait signé le traité du 17 décembre 1885, comme représentant de la reine de Madagascar, et qui nous était complètement hostile. Ce personnage, qui ne reculait jamais devant le mensonge, ne trouva rien de mieux, pour se venger de ce que j’avais dit la vérité sur lui, que d’attaquer mon honorabilité et de répandre sur moi les calomnies les plus noires.
La mission diplomatique envoyée en France par le gouvernement de la reine était ainsi composée :
Rainiharovony, 15 e honneur, Ministre de la guerre, Ambassadeur extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S. M. la reine de Madagascar près le gouvernement de la République française.
Ratsimanohatra, 14 e honneur, Officier du palais, chef d’état-major du Ministre de la guerre.
Rasanjy, 13 e honneur, membre du Conseil privé, Secrétaire de Son Excellence le Premier Ministre, Commandant en chef de Madagascar.
Marc Rabibisoa, 12 e honneur, membre du Conseil privé, interprète de Son Excellence le Premier Ministre.
Rabanoma, 12 e honneur, Aide de camp du Ministre de la guerre.
Dafine, 11 e honneur, Docteur de l’ambassade de S. M. la reine de Madagascar.
Razafindralambo, 11 e honneur, Secrétaire de l’ambassade de S. M. la reine de Madagascar.
Rainizanabololona, 10 e honneur, Secrétaire de l’ambassade de S. M. la reine de Madagascar.
Ravelo, 9 e honneur, trésorier de l’ambassade.
Varalahy, domestique.
Ce Rainiharovony, chef de l’ambassade, était le fils du Premier Ministre, celui-là même qui, lors de ma première séance chez la reine, avait été chargé de m’attacher les mains, qui me les avait serrées à outrance et même, je peux dire, avec une certaine férocité. Il n’était pas positivement méchant ; mais c’était un homme grossier qui avait conservé en partie les mœurs sauvages de ses ancêtres. Il s’adonnait à la boisson et il a fini par mourir d’excès de toutes sortes. Sans doute à cause de ses aimables qualités, le Premier Ministre avait un faible pour lui, et le préférait à tous ses autres enfants.