XI

Je passai quelques journées atroces, attendant des nouvelles. Il me semblait qu’il y avait encore une chance.

J’avais télégraphié à lady Alice, à Londres, et à Béatrix, au Grand Théâtre, à Lisbonne.

Lady Alice me répondit de Biarritz pour me confirmer la mort de son neveu, « tué à la fleur de l’âge, dans un accident d’avion, en France ». Le faire-part joint à la lettre annonçait que l’inhumation aurait lieu au château de Selkirk, comté d’Arisdane, Écosse. Mais, de Béatrix, rien. Alors, je n’insistai pas.

Mais au bout de quinze jours – je m’étais remis à mon travail, et, pour tout oublier de cette histoire, je travaillais avec acharnement – je reçus de Lisbonne la lettre suivante sur papier à en-tête moyenâgeuse :

AVIZ HÔTEL

LISBONNE.

Le 11 janvier 1937.

Mon petit Cendrars !

Souviens-toi ! Tu m’as parlé un jour, à Rio, d’un couvent que tu connaissais près de Biarritz ! Ce n’était pas le Carmel, mais tu disais qu’on y prononce le vœu du silence perpétuel et que les sœurs passaient leur temps à creuser leur tombe dans le sable ! Ne connais-tu pas un prêtre qui voudrait m’y faire entrer ? J’ai une belle dot, et mon cœur ! Je ne veux plus chanter ! Je t’en supplie, fais ça pour moi, c’est tout ce que tu peux encore faire pour moi en ce monde !

Saudades !

BÉATRIX.

Le lendemain, je prenais l’avion de Biarritz pour aller négocier, avec un vieil abbé de ma connaissance, l’entrée de Guerrero-Guerrera, la célèbre chanteuse, à la Solitude d’Anglet.

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