X.

Au reste, cette idée d’appeler l’imagination au secours des principes religieux n’est pas nouvelle. N’avons-nous pas eu de nos jours le comte de Valmont, ou les égarements de la raison ? Le père Marin, minime, n’a-t-il pas cherché à introduire les vérités chrétiennes dans les cœurs incrédules, en les faisant entrer déguisées sous les voiles de la fiction ? Plus anciennement encore, Pierre Camus, évêque de Belley, prélat connu par l’austérité de ses mœurs, écrivit une foule de romans pieux pour combattre l’influence des romans de d’Urfé. Il y a bien plus : ce fut saint François de Sales lui-même qui lui conseilla d’entreprendre ce genre d’apologie, par pitié pour les gens du monde et pour les rappeler à la religion en la leur présentant sous des ornements qu’ils connaissaient. Ainsi Paul se rendait faible avec les faibles pour gagner les faibles. Ceux qui condamnent l’auteur voudraient donc qu’il eût été plus scrupuleux que l’auteur du Comte de Valmont, que le père Marin, que Pierre Camus, que saint François de Sales, qu’Héliodore, évêque de Tricca, qu’Amyot, grand-aumônier de France, ou qu’un autre prélat fameux, qui, pour donner des leçons de vertu à un prince, et à un prince chrétien, n’a pas craint de représenter le trouble des passions avec autant de vérité que d’énergie ? Il est vrai que les Faidyt et les Gueudeville reprochèrent aussi à Fénelon la peinture des amours d’Eucharis, mais leurs critiques sont aujourd’hui oubliées [NOTE 40] : le Télémaque est devenu un livre classique entre les mains de la jeunesse ; personne ne songe plus à faire un crime à l’archevêque de Cambray d’avoir voulu guérir les passions par le tableau du désordre des passions, pas plus qu’on ne reproche à saint Augustin et à saint Jérôme d’avoir peint si vivement leurs propres faiblesses et les charmes de l’amour.

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