TROIS SENTINELLES.
Le chemin de ronde sur les remparts de Mogador. Entre les créneaux la mer illuminée par le clair de lune.
PREMIER SOLDAT
Écoute ! ça recommence !
DEUXIÈME SOLDAT
Je n’entends rien.
TROISIÈME SOLDAT
Y a pas de danger que nous entendions encore quelque chose. Bon Dieu ! j’en ai plein la malle. Oh là là ! mais quel cri qu’il a poussé !
DEUXIÈME SOLDAT
Un cri comme ça, c’est quand on touche la fibre.
PREMIER SOLDAT
Quelle fibre ?
DEUXIÈME SOLDAT
Ct’affaire que cherchent les bourreaux. Chez les uns, elle est ici, chez les autres pas. La fibre, quoi.
TROISIÈME SOLDAT
Maintenant c’est fini pour Don Sébastien. I s’en fout.
PREMIER SOLDAT
De profundis.
DEUXIÈME SOLDAT
Saint Jacques qu’il avait toujours sur lui dans sa poche lui fera passer la douane.
TROISIÈME SOLDAT
Pauvre Don Sébastien !
PREMIER SOLDAT
Dis pas les noms.
TROISIÈME SOLDAT
C’est vrai qu’i nous avait salement trahis.
DEUXIÈME SOLDAT
Quoi faire autre chose ? Du moment où c’te foutue chienne de Prouhèze…
PREMIER SOLDAT
Dis pas les noms.
DEUXIÈME SOLDAT
… du moment où notre vieille épousait notre vieux, i n’avait plus qu’à se sauver. Et où c’est qu’i se serait sauvé autre part que chez les Turcs ?
TROISIÈME SOLDAT
J’en ferais sacré bien autant si je pouvais.
PREMIER SOLDAT
Parle pas si fort ! Tu sais que notre vieux se promène souvent la nuit. Il a beau se mettre en blanc avec un manteau noir, on le voit tout de même. Il a ses deux yeux qui brillent comme ceux d’un chat.
TROISIÈME SOLDAT
Espère un peu que je l’attrape dans un bon coin ! Que je sois petit poisson si je ne lui flanque pas un coup de fusil !
DEUXIÈME SOLDAT, sautant sur son fusil.
Qui va là ?