I

La famille de Paul Verlaine est originaire des Ardennes, vers les plateaux avoisinant la Semoys, près de Bouillon, dans le Luxembourg belge. Ses ancêtres ont habité les villages de Bras, Arville, Jehonville, Bertrix, où plusieurs ont appartenu à l’Église et à l’Armée, et c’est à Bertrix, dans l’ex-département des Forêts (Belgique), que naquit son père, Auguste Verlaine, de Henry-Joseph Verlaine et Anne-Louise-Augustine Grandjean, qui eurent aussi deux filles.

Nicolas-Auguste Verlaine, né à Bertrix le 24 mars 1798, s’engagea en 1814. Il opta pour la France après le deuxième traité de Paris (1815), qui nous avait pris Bouillon et autres villes. Ayant conquis ses grades un à un, il était, en 1831, année de son mariage avec Julie Déhée, lieutenant au 1er régiment du génie, en garnison à Arras.

Élisa-Stéphanie-Julie-Josèphe Déhée était née à Fampoux, en Artois, le 23 mars 1809, de Julien Déhée, fermier, et Madeleine Soualle.

Le 15 décembre 1831, à Arras, fut enregistré le mariage du lieutenant Auguste Verlaine, chevalier de la Légion d’honneur (1830), de l’ordre de Saint-Ferdinand d’Espagne, et médaillé de Sainte-Hélène (inscription 11439 de la Grande Chancellerie), avec Julie Déhée.

Auguste Verlaine, qui fut depuis capitaine au 3°, puis au régiment du génie, quitta la ville d’Arras et vint avec sa femme habiter Metz, en face de l’École d’application du génie et de l’artillerie.

Paul-Marie Verlaine est né à Metz, rue Haute-Pierre, n° 2, le 30 mars 1844.

C’est dans cette ville, où il épela ses lettres à une petite pension de la rue aux Ours, qu’il passa ses premières années ; on le conduisit quelquefois dans le pays de sa mère. Puis son père dut rejoindre son régiment à Montpellier, et l’enfant assista là-bas, en plein midi, au réveil des passions populaires, en 1848, qui lui ont laissé de vifs souvenirs.

Cette même année, le capitaine Verlaine voulut quitter l’armée ; mais son colonel, Niel, depuis maréchal, joignit à la demande adressée au Ministère, une note par laquelle, faisant valoir les mérites de son officier, il priait qu’on insistât pour le faire rester : la réponse du Ministère, faite en ce sens, décida le capitaine à retarder sa retraite.

La famille retourna à Metz, et ce fut en 1851 que Auguste Verlaine se retira de l’armée. Il vint à Paris, avec sa femme et son fils ; leur appartement fut loué rue Nollet, dans le quartier des Batignolles.

À peu de distance, rue Chaptal, l’enfant fut placé dans la pension Landry, qui se chargeait de le conduire chaque jour au lycée. Mais le Coup d’État, puis une maladie, retardèrent ses études. Dès qu’il fut guéri, il suivit les cours du lycée Bonaparte, aujourd’hui Condorcet, où il eut pour condisciple Edmond de Bouhélier-Lepelletier, né à deux pas de là, rue Lécluse, en 1846.

Entre eux se forma une vive amitié, que le temps devait fortifier : depuis que Verlaine n’est plus, Lepelletier s’est fait un des plus actifs défenseurs de sa mémoire.

L’élève du lycée Bonaparte fut reçu bachelier ès-lettres, le 16 août 1862.

Vers cette époque, l’ex-capitaine Verlaine, qui avait mis toute sa fortune dans le Crédit mobilier, voulut, les actions baissant, opérer la conversion des siennes. La perte fut importante, il ne sauva que 250,000 francs. Les études de son fils étant terminées, il le fit entrer à la Compagnie d’assurances l’Aigle, puis, en 1864, à l’Hôtel-de-Ville, en qualité d’expéditionnaire.

L’année suivante, celle de la majorité de Paul Verlaine, et l’année 1866, furent particulièrement accompagnées de faits, les uns douloureux qui le meurtrirent, d’autres passionnés qui orientèrent sa sombre destinée. Son père mourut, le 30 décembre 1865. Sa mère, volée par un nommé Salard, trompée par des spéculateurs, perdit une nouvelle part du bien familial. Lui-même, saisi par l’esprit poétique et par l’instinct aventureux, fut moins assidu aux soins de son emploi. On le vit alors parmi les Parnassiens, près de Leconte de Lisle qui eut sur lui le plus d’influence, Sully-Prud’homme, Léon Dierx, Catulle Mendès, et François Coppée, qui se lia avec lui. À l’œuvre que ces poètes fondaient, il apporta son premier livre : Poèmes saturniens.

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